Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 308
7 février 2017

DU COMIQUE

 

Il faut avoir le sens du comique ! C'est encore ce qui nous sauve quand tout semble virer au dérisoire, ou à la dériliction. Il y a un degré dans la mauvaise foi, ou dans le mensonge, qui par son excès même, opère un renversement, par où le comique fait exploser la scène. Comique et tragique communient à la même source, contrairement aux apparences, et ne diffèrent que par le pathos. Au total il vaut mieux rire que pleurer, cela dilate les artères et ventile abondamment les poumons. 

L'époque présente ne prête guère à rire, et c'est une raison supplémentaire pour en rire ! La Bruyère écrivait : "Il faut rire avant que d'être heureux de peur de mourir sans avoir ri !".

Commençons par rire de nous-même, de nos petits malheurs, de nos obsessions, de nos tics et de nos tocs, car autrement comment les supporterons-nous? Il serait fâcheux de ne plus pouvoir se supporter soi-même, de s'enliser dans sa tristesse : rire c'est voir d'un seul coup la mécanique et s'en affranchir.

Cela revient toujours direz-vous, eh bien rions de plus belle.

Démocrite, selon la légende, riait de tout et de tous, n'exceptait personne, pas même lui. On le tenait pour fou, mais c'était le plus sage des hommes. Sa thérapie est de tous les temps, et valable à tous usages. (Lire : Du rire et de la folie, collection Rivages). 

Epicure, qui n'est pas spécialement un drôle, retient de Démocrite cette leçon : "Il faut tout ensemble rire et philosopher". J'aime imaginer une séance du Jardin où les amis philosophes s'esclaffent bruyamment à l'évocation des ambitions politiques de Platon, réduit en esclavage à la suite de son aventure en Sicile, et, revenu à Athènes, collectant force ouvrages sur la constitution idéale. C'est quoi la constitution idéale quand les hommes sont ce qu'ils sont, avides, rongés de désirs insatiables, et tremblants devant la mort ? Rire et philosopher, même distanciation critique, même renversement des valeurs, même échappée vers le grand large. 

Dans la sculpture archaïque on peut voir de jeunes hommes et des jeunes femmes au visage rieur, cheveux bouclés et frisés, qui contemplent le monde comme un spectacle agréable aux dieux, digne d'être représenté au théâtre, fait pour réjouir tous les spectateurs. Ou des faunes paillards, ithiphalliques, égrillards. C'est une autre version de l'hellénisme, moins académique, et qu'Aristophane saura faire briller. Rappelons pour finir que lors des concours de tragédie, aux grandes Dionysies, le poète devait présenter trois tragédies suivies, et pour finir une pièce comique. En toute rigueur, pour la santé publique, le tragique devait à la fin se renverser en comique. Belle leçon de sagesse.

Publicité
Publicité
Commentaires
G
Il est bien clair qu'il y a plusieurs formes de comique et que ce terme est trop général, véhiculant des valeurs différentes. J'ai voulu pointer le comique de l'excès, voire de l'exaspération, où l'insupportable atteint une dimension telle que le thymos effectue une sorte de renversement, peut-être pour survivre tout simplement à la situation. L'humour est plus distingué, plus intellectuel, plus fin, c'est la politesse du cynisme froid qui juge intelligemment de la situation et y oppose le mordant de la lucidité. Tel ce condamné qui marchant à la mort déclare qu'au moins il n' aura plus la honte d'avoir à déféquer.
Répondre
D
Reste à savoir su le comique est bien l'envers, le renversement du tragique ou son effacement pur et simple. Ne s'agit-il pas de rire de l'écart donc de la distance impromptue qui sépare une conduite de ce qu'elle doit, à l'image du type qui glisse et tombe brutalement sur le sol ?<br /> <br /> En ce sens, il serait utile ici de distinguer le comique de l'humour qui me semble bien plus en prise avec le tragique au sens où il porte la profonde vérité qu'on ne veut pas voir. <br /> <br /> Dans l'humour, le sujet ne nous renvoie-t-il pas au réel indépassable et au dérisoire de la norme ? Le référent a ici changé de nature. L'humour révèle la caducité de la norme à l'image du trait d'esprit de Marie-Antoinette qui ,marchant sur le pied de son bourreau, lui adresse mille excuses, alors même que celui-ci s'apprête à la décapiter.<br /> <br /> <br /> <br /> Le rire humoristique est peut-être plus proche du philosopher que le comique qui ne fait signe, me semble-t-il, que vers la convention, là où le premier nous invite à penser ce qui généralement est refoulé dans et par le jeu social.
Répondre
Newsletter
153 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité