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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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6 janvier 2017

HADES et DIONYSOS : Héraclite

 

"Mais c'est bien le même que Hadès et Dionysos... ". Hadès est le dieu des morts, ou le séjour des morts. Déclarer qu'il est le même que Dionysos est d'abord perçu comme une provocation, un renversement proprement stupéfiant, voire hérétique. Dionysos n'est-il pas le symbole de la vie luxuriante, affranchie de toutes normes et tutelles, débordante de vitalité, qui emporte les Ménades, les Bacchants et les Bacchantes dans une ivresse déchaînée, vers les montagnes, les forêts sauvages, pour y célébrer, dans l'ensauvagement, les rites de la passion du vivre ? On exhibait un gigantesque phallus en tête des cortèges, au son des flûtes pour rythmer la danse.  Fête orgiaque où tous les déclassés, femmes, esclaves, artisans et menu peuple retrouvaient une sorte de dignité sociale dans la communion avec le divin, par de là les clivages. La vie n'est-elle pas l'apanage de tous les vivants, le "commun" qui les fait se nourrir à la même source, dans une extase où s'abolit toute différenciation et toute individualité ? L'opposition Hadès-Dionysos est une modalité de l'opposition entre vie et mort.

Pourtant un lien, voire plusieurs se dessinent entre eux : Héraclite dit bien qu'ils sont "le même". Mais cela doit s'entendre en second lieu, lorsqu'on a préalablemenet isolé chacun des deux dans sa nature propre. L'extrême de la vie, son intensification maximale rejoint la mort. Ce sera d'ailleurs le thème des "Bacchantes" d'Euripide qui présente une sorte de folie destructrice, l'ivresse collective virant au meurtre et à l'omophagie. Héraclite dit : "ils accomplissent les choses les plus monstueuses". La vie, de toute manière, va à la mort, mais c'est une anticipation fatale que de se livrer à une exaltation sans mesure qui précipite le mouvement. Peut-être faut-il voir dans les fragments d'Héraclite une condamnation des sacrifices et rites sanglants où avec du sang on croit se laver du sang de la victime, redoublant en quelque sorte l'infamie du sang versé.

Le culte dionysiaque est ambivalent, ambigü, il contient Hadès tout en affirmant le contraire (le Phallus). Remarquons en passant qu'il n'y eut guère de culte d'Hadès, en Grèce antique, hormis à Elis, ville du Péloponèse, près d'Olympe, dont Pyrrhon deviendra le Grand Prètre. On n'aime pas évoquer Hadés, ni l'invoquer, mais on sait obscurément qu'il est, lui aussi, un agent essentiel de la vie.

Dionysos et Hadès sont "le même" car on ne peut séparer la vie de la mort, et la mort de la vie. D'une manière générale on veut bien de l'un des termes (la vie, la  satiété, la lumière, le jour, le plaisir etc) et l'on refuse l'autre ( la mort, la faim, l'ombre, la souffrance etc) sans voir que s'ils s'opposent c'est en première lecture, dans l'évidence sensorielle, ou dans la sensibilité (Héraclite parle de la conscience du "coeur", connaissance commune) alors qu'un lien (logos) les rattache ensemble dans la non-séparation : "le même", ou "un". Ce "un" n'est pas hors de la nature, planant dans quelque ciel métaphysique, il est l'expression connaissable d'une vérité, entendons d'un dévoilement, qui serait l'acte propre de la philosophie.

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