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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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3 janvier 2017

ASSEMBLAGES : Héraclite

 

Ce court fragment : "assemblages : entiers et non entiers" (sullapsiès : hola kai ouk hola), correctement interrogé, nous mènera au coeur de la pensée d'Héraclite. Il suffit de prendre les mots tels qu'ils sont, et de peser leurs rapports, en écartant toute interprétation tendancieuse.

"Assemblages" caractérise les "panta", tous les êtres qui sont, tous les corps, tous assemblages de parties, de fragments, d'éléments constitutifs.

Ils sont "entiers", comme est une biche, une cruche, un homme. " Entiers" vient d'abord parce que c'est la leçon de la perception sensible. L'entièreté de la cruche est une évidence, sans laquelle elle n'est pas une cruche. Nulle perspective métaphysique n'est ici nécessaire, il suffit d'ouvrir les yeux.

Ce qui pose problème c'est l'énonciation des contraires, familière à Héraclite : entier et pas entier, jour et nuit, immortel et mortel etc. Ici cette contrariété porte sur la nature de l'assemblage, qui est percu d'emblée comme entier (un) mais qui est aussi non-entier, en même temps l'un et l'autre, et même nécessairement l'un parce qu'il est l'autre, et réciproquement. La cruche n'est cruche que parce qu'elle est vide en son centre, la biche n'est biche que parce qu'elle comprend l'espace d'un manque où vient la nourriture, l'air etc, composition de plein et de vide qui fait la vie. De même pour tous les organismes, végétaux, animaux, humains. L'assemblage "tient" parce qu'il est entier et non entier, selon un rapport croisé qui fait sa nature propre.

Le jeu des contraires n'est pas, piur héraclite, une amusette destiné à provoquer l'ébahissement. C'est une invitation à accueillir la perception, à distinguer les éléments antithétiques dans leur nature propre, puis à penser l'unité invisible qui les lie dans la nécessité de nature. Lecture ouvrante, sans spéculation gratuite, à ras des choses.

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D
Cette unité indivisible des contraires serait selon Freud l'expression possible du langage de l'inconscient tel qu'il s'exprime dans les rêves et dont les plus anciennes langues comme l'égyptien archaïque donne une préfiguration.<br /> <br /> <br /> <br /> Il faut lire avec profit son article de 1910 intitulé "Des sens opposés dans les mots primitifs" inspiré d'un linguiste-philologue, Carl Abel.<br /> <br /> <br /> <br /> Il existe ainsi en égyptien primitif des mots composites "vieux-jeune", "loin-près", "dehors-dedans" qui signifient uniquement l'un des deux sens ("vieux-jeune" signifie jeune, "dehors-dedans" signifie dedans). [il n'y a pas de règle liée à la position du terme)]. <br /> <br /> Lorsqu'un mot est utilisé seul, par exemple "vieux", il peut signifier l'un et l'autre, jeune et/ou vieux ! Autre exemple, "ken" en égyptien primitif veut dire "fort-faible". Il a donné ken (fort) et kan (faible).<br /> <br /> Ce qui est remarquable, c'est que cela a fonctionné dans les langues indo-européennes : clamare (crier) et clam (silencieux). A "bös" en allemand (Mauvais) répond un "bass" (bon). "Bat" (bon) en saxon donne" bad" en anglais (mauvais) ; stumm (muet) en allemand et Stimme (voix) etc. Enfin, incroyable paradoxe du "without" anglais qui veut dire "sans" et qui contient "with" (avec) comme en allemand de l'est : "mitohne" (avec-sans)<br /> <br /> <br /> <br /> En d'autres termes, Héraclite parlerait d'une certaine façon, le langage de l'inconscient, celui, primitif qui, ignorant la négation fait signe vers l'impensé qui détermine la pensée ou pour le dire autrement, l'invisible qui détermine le visible.<br /> <br /> <br /> <br /> La piste est ouverte et le chantier ne fait que commencer. Merci pour cette voie de recherche passionnante.
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