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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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29 juillet 2016

De la TRAHISON des REVES

 

Je ne sais s'il faut beaucoup s'échiner à interpréter les rêves, mais ils ont du moins le mérite de faire remonter à la surface l'indésirable qui nous habite. C'est pour le moins une leçon d"humilité. On fera peut-être le grandiose dans la journée, mais le rêve ramènera la petitesse, la mesquinerie, la pusillanimité, si ce n'est la fange et le fumier. Que ferons-nous de ces scenarii grotesques, de ces scènes absurdes où l'indécence le dispute au catastrophique ? Ce n'est que dans la répétition des mêmes thèmes que l'on peut lire ce qui en nous résiste à tout processus de compréhension. C'est là aussi un motif d'attention supplémentaire : ce qui revient en boomerang nous fait sentir où ça cloche, où, au sens propre, ça nous regarde.

Dans le bouclier poli de Persée la Méduse voit soudain son propre visage, et trépasse.

Ce que nous voyons clairement, de même, devrait se dissoudre de soi-même. L'étrange est que ça repousse ailleurs, sous d'autres formes, comme les mille bras d'une divinité infernale. Ou comme ces rizomes qui semblent coupés de leurs racines et qui s'enfoncent, et repiquent, et repoussent, et rejaillissent un peu plus loin, inépuisables. J'ai lu quelque part la description d'un arbre qui, tout seul, avait engendré une forêt entière, par dissémination, repiquage et prolifération. Ainsi de nos formations mentales. Sont-elles multiples, diverses et plurielles, ou ne sont elles que la floraison extravagante d'une unique pousse invisible et insaisissable ?

De là ma réticence à croire qu'il soit possible de parvenir à une clarification complète de la psyché. Dans tout processus de compréhension il y a un reste, une scorie, un déchet, un quelque chose qui fait son lit de nos pulsions et de nos désirs, et qui engendre, de ci de là, un bâtard, un tard-venu, un mal-venu, un récalcitrant, un enfant "naturel", comme on disait jadis. Chassez le naturel il revient au galop.

Dans toute généalogie il y a des accrocs, ou des pages blanches. De là les romans, mais aussi les romances, les histoires troubles, les trahisons, les ratages et les conflits d'héritage. De quel père suis-je le fils ? Comment ? Pourquoi ? N'y a -t-il pas erreur sur la personne, échange de nouveaux-nés ? Ai-je filé comme Moïse sur les eaux d'un fleuve inconnu, repêché par quelque déesse bienveillante qui m'aurait abandonné plus tard, jeté entre les bras mousseux d'une servante, ma mère ? Nous naissons dans l'incertitude, croissons dans l'incertude, mais mourons en toute certitude. 

Les rêves, et les fantasmes aussi, témoignent obscurément de ces pointillés de notre histoire. Nous recousons laborieusement les morceaux épars de notre généalogie, tentons de constituer une identité narrative, une continuité de destinée, mais les trous demeurent, et par ces trous montent, comme des fantômes, des âmes inapaisées, des morts-vivants qui clament leur douleur, exigent réparation, exigent justice et reconnaissance, et n'en trouvant point, poursuivent dans le secret de la nuit leur travail de sape : est-il bien sûr qu'Ulysse finisse par revenir pour que s'achève le tissage de la robe de Pénélope ? Une ancienne tradition nous dit qu'Ulysse, sitôt revenu, derechef reprit la mer pour de nouveaux voyages. 

 

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