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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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25 juillet 2016

OBSERVER SANS CONCEPTS : un exemple

 

 

J'ai décidé d'observer les choses de manière tout à fait neuve, hors de tout cadre théorique, sans concepts, sans idée préconçue, tâchant d'ouvrir les yeux, et le coeur plus encore, sur tout ce qui passe en moi et autour de moi.

Première observation, ce matin même : j'aime commencer doucement et mollement la journée, or, voilà qu'une somme de contrariétés m'agressent, à peine le café avalé. Enervement, puis, quasi instantanément, une soudaine lourdeur du péricarde, une sensation d'affaissement, une gêne que l'on pourrait confondre avec une arythmie passagère. Très souvent j'ai réagi de cette manière, et en même temps je n'en prenais pas réellement conscience, comme si c'était un mode normal de réaction, un habitus coutumier. Mais non : il faut s'étonner, constater, voir l'enchaînement des faits, le considérer comme si c'était la toute première fois. Ainsi donc la contrariété provoque une sensation pénible de lourdeur au niveau du coeur. "Le coeur me serre" - traduisant sur l'heure le sentiment de serrement dans la sensation corporelle. En fait c'est par commodité que je parle de psyché et de corps, que je distingue la sensation physique et le sentiment : tout cela ne fait qu'un, c'est une douleur. Je vois que je suis affecté par des situations, des incidents que je considère spontanément comme des contrariétés.

Je remarque ensuite que cette sensation occupe l'essentiel de ma pensée : c'est à travers elle que je reçois les informations suivantes, qui sont comme contaminées, affectées, alourdies, intoxiquées elles aussi par cette sensation. Le monde se colore de gris, alors que le petit matin était un océan de lumière dans le feuillage estival. Je me demande comment affaiblir, réduire, assécher la douleur. Je remarque également que ma respiration s'est alourdie, et je me propose de rétablir une meilleure ventilation, par exemple en étendant les bras, en ouvrant largement la poitrine. Cela aide un peu, mais il reste toujours une certaine gêne. Puis je décide de me détourner, de sortir, d'aller benoîtement acheter mon pain quotidien.

Et me revoilà devant mon écran : j'essaie tout simplement de décrire, sans souci théorique, sans intention particulière. Je remarque ceci : cela m'est difficile. J'ai acquis l'habitude de théoriser tout ce que je vis, d'aller chercher dans ma mémoire des images et des concepts, de penser le phénomène au lieu de l'observer. Je décide d'écarter tout ce fatras, de rebrousser chemin vers le senti, exclusivement, de ne pas l'interpréter. Voici la douleur, voici comment elle se présente en moi, voyons ce qui se passe si je ne fais rien, si je me contente d'observer, sans me plaindre, sans gémir, sans gloser, renonçant même à voulour écarter, abréger le déplaisir.

Que se passe-t-il ? Pas grand chose. Ecrivant ici comme je fais, je m'aperçois que le coeur s'allège, que la respiration s'allège. La douleur vient, reste quelque temps, puis s'en va comme elle est venue. 

Y a-t-il quelque chose à comprendre ? Tout ce qui précède est la description d'un phénomène. Mais ce phénomène, à son tour, n'est qu'un effet, une conséquence. De quoi ? De la contrariété. J'ai observé une conséquence, non le déclenchement. C'est évidemment le déclenchement qui importe. Mais maintrenant il est trop tard. Tout ce que je pourrais en dire serait une restitution médiate, une reconstitution laborieuse. J'ai manqué le moment crucial, je n'ai pas su suspendre la réaction émotionnelle, je me suis laissé entraîner par l'affect, lui-même déterminé par l'habitude de réagir, et les conventions sociales qui nous invitent à ne pas se laisser faire, à marquer sa désapprobation, voire à exprimer sa colère. Mais cette colère je l'ai retournée contre moi, c'est moi qui ai agressé mon propre corps. Etait-il possible de ne pas réagir, de me mettre en observation, de considérer les faits froidement et lucidement ? Je ne puis répondre à cette question en dehors de la situation où de tels faits se produisent. Tout ce que je puis faire c'est de me rendre vigilant à l'avenir.

Pour le moment je me contente de savoir que j'ai un peu mieux saisi le processus de la douleur. Ce n'est pas rien. Et que cette douleur, à son tour, est une réaction à une situation de stress. Il reste à voir pourquoi je réponds par le stress, ce qui nécessite une observation sur le phénomène si universel de la contrariété.

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Commentaires
O
Etant un désespéré récupéré minute par minute de la mort; considérant cela comme un miracle, je regarde le monde humain comme je reparderais le monde animal : un mélange de bonté, de beauté, et de fureur, de laideur; sans qu'il soit possible de rien démêler, sinon ponctuellement, dans tel cas qui ne se renouvellera pas sous la m$eme forme ; aussi je reste placide et rien ne vient troubler ma contemplation du ciel d'été, qui pourrait être un ciel d'hiver, ni des "belles de jour" magnifiques durant deux ou trois heures avant de mourir
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