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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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13 avril 2016

Le REEL du CHANGEMENT : sensations

 

D'un certain point de vue, le réel a le même statut que la mort  : absolument certaine, mais inconnaissable en tant que telle. On sait qu'on va mourir, mais on ne sait pas quand, ni comment. A cette différence près, que si le réel est généralement ignoré, voire dénié ou forclos, il n'en reste pas pas moins omniprésent, alors même que nous nous en détournons. Nous vivons dans les représentations, oubliant notre être, pourtant immergé dans le présent du monde. Un être en gésine, toujours à venir et toujours échappé. Balançant sans fin entre le passé et l'avenir, incertain du présent, qui pourtant est seul réel. Ce que la philosophie pourrait à juste titre proposer, c'est une sorte de retournement, par lequel, cessant de fuir, nous nous mettrions à l'école du présent, sondant dans nos entrailles la palpitation de la vie universelle, qui d'abord, pour nous, est notre propre vie. Plongée dans les états et les mouvements du corps sensible et vibrant, palpitant, attention patiente et fidèle aux sensations diverses et contradictoires qui nous traversent, aux émotions, images et pensées, lesquelles vont et viennent, manifestant l'effervessence d'une énergie qui nous préexiste et nous survit : nous sommes vécus de l'intérieur par le souffle du monde, portés par le grand flux, le grand fleuve qui nous traverse et nous emporte.

"La vie est là, simple et tranquille" écrivait Verlaine. Et Goethe : " Tout est là et je ne suis rien". Mais un rien tout relatif, qui, s'il n'est qu'un point dans le vaste univers, est pour soi-même bien plus qu'un rien, non par quelque infatuation ridicule, mais d'être ce quelque chose qui naît, qui vit et qui meurt, avec en plus la conscience du passage.

C'est par là que la notion de réel, si difficile, si obscure à beaucoup, peut prendre soudain consistance et chair, échappant pour un temps aux ratiocinations spéculatives : Epicure avait raison, il faut revenir aux sensations, et dans les sensations faire l'expérience de notre réel inaliénable. Je suis d'abord ce que je sens, même si je m'y découvre multiple et divers, composite et hétérogène. "Je" suis une somme de processus en évolution, instable, mouvant, dérivant comme le grand fleuve lui-même. Dans la sensation, Epicure voulait s'assurer de la réalité du monde : vérité du contact, indiscutable, référentiel et immédiat. Je dirai que dans la sensation il faut d'abord s'assurer de soi-même, de la réalité vivante du corps, dont la sensation, et le souffle conscient, nous donne une aperception immédiate et incontestable. On dira que les sensations passent, ne nous assurant de rien, ne fondant nulle permanence et consistance, mais pourquoi vouloir la permanence, qui n'est que le visage immobile du non-être ? Tout au contraire : tout change, tout passe, et c'est ce changement, ce passage perpétuel, passant sans disparâitre, qui nous révèlent à nous-même comme être de passage.

La philosophie, fort embarrassée à dire le changement, qui n'est pas "quelque chose" sans être du non-être, a inventé le "devenir", mais ce terme n'est guère satisfaisant : tout de suite, à penser devenir, nous y mettons un but, une finalité, posant un état terminal qui serait souhaitable. L'enfant travaille à devenir adulte. Mais dans la perspective que je développe ici le devenir n'a aucun but, aucune finalité. Il n'y a rien à conquérir, rien à rechercher, rien à atteindre. Le seul terme indiscutable c'est la mort. Aussi ne faut-il pas se hâter, pas même de devenir adulte, qui n'est qu'un concept adaptatif et normatif. D'un certain point de vue il vaut mieux rester un enfant. Au moins aurons-nous la chance d'évoluer sans projet, sans obsession du terme, restant vivant le temps que dure la vie.

Il faut envoyer promener les grandes catégories de la philosophie : ni être, ni non-être, ni devenir, mais l'expérience réelle d'un réel que nous nous échinons à fuir, et qui révèle sa présence dans le recueillement.

               "Sois, dans cette nuit de démesure

               Force magique au carrefour de tes sens,

               De leur étrange rencontre, le sens.

               Et si le terrestre t'a oublié

               A la nuit silencieuse dis : je coule.

               A l'eau rapide dis : je suis" (Rilke, Dernier sonnet à Orphée, fin)   

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Commentaires
T
Je vais vous donner le fond véritable de ma pensée (à prendre ou à laisser) : il n'y a rien à tirer de l'homme. Il n'y a qu'à sonder l'histoire et les faits au quotidien pour se faire une idée assez précise de son état sanitaire et mental. Je ne doute pas qu'il y ait des minorités créatives et constructives. Certes, elles existent mais ne sont pas assez nombreuses pour imprimer quelques tendances durables. Puis, vous parlez de la puissance, du surhomme ? Montrez-moi (visuellement) un seul homme qui puisse marcher sur l’eau, voler, survivre au feu ou retourner d’entre les morts ?! La puissance, c’est l’expression de l’orgueil. Je souhaite que l’homme, il se neutralise, qu’il s’éteigne, qu’il se calme, qu’il devienne aussi paisible qu’une vache laitière au pâturage. Si vous voulez incarner et extérioriser la puissance, alors faites-le dans les arts martiaux, les arts plastiques, la recherche scientifique ou les productions culturelles. Sublimer la ! Si vous n’y arrivez pas ou de manière insatisfaisante, contentez-vous de votre sort, pleurez en silence.
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G
Fort bien, mais je n'apprécie guère, quant à moi, cette idée du surhomme, qui me semble vaine et dangereuse, empreinte de mégalomanie, qui réchauffe le narcissisme alors qu'une juste appréciation des choses nous conduit à l'humilité.
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A
La pensée de la mort est une pensée parasite qui appartient a ce qu'on pourrait appeler le mental compulsif. La meilleur chose que nous puissions faire est d'identifier ce type de pensées qui perturbent le bon fonctionnement de notre esprit et de notre corps et qui nous empêche de devenir des surhommes. <br /> <br /> La mort est une idée qui nous a été imposé par la société et seule l'expérience de la mort pourra nous revéler sa véritable nature mais la mort comme expérience sera elle encore la mort ? <br /> <br /> Au dela du débat philosophique concernant tel ou tel sujet c''est en prenant conscience qu'il existe des pensées parasites qu'on leur enlève leur charge émotionnelle et qu'elles deviennent inoffensives. Rendues inactives par le pouvoir de la prise de conscience de ce qui bloque notre volonté de puissance, nous retrouvons de l'énergie et marchons sereinement vers notre état naturel, un état ou le psychisme est calme, vide et prêt a réagir avec discernement a n'importe quelle situation.
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A
Tout le monde recherche son propre eldorado psychologique mais c'est la chose la plus difficile a trouver. Malheureusement ou pas ni Démocrite ni Héraclite ne peuvent nous le donner car leur chemin n'est pas le notre. Notre chemin est unique et il est vain d'essayer d'adhérer ou pas aux théories des autres philosophes. Le vrai chercheur se distingue du simple badaud para sa capacité a continuer a avancer seul en laissant les ombres de grands penseurs derrière lui.
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O
je n’adhère pas à cette idée (Heideger) d’oubli de l’être. L’être est poésie de l’être. qui est toujours présent, sorte d’ange au-dessus du quotidien, donnant au quotidien, à l’immanence, un regard transcendant. L’éternité de l’être est conjoint à l’éphémère, à la présence évanescente. Eternité de la sensation. Mouvement perpétuel de l’immobilité.
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