Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 089
22 mars 2016

D' une IVRESSE NATURELLE

 

Il faut en prendre son parti : nous allons, trébuchant, vacillant en aveugles sur le chemin de vie, chemin tracé par personne, et dont nul ne sait où il va, hormis la mort, certaine. "Il va trouble et chancelant, d'une ivresse naturelle" notait Montaigne pour qualifier l'objet de son livre, et son auteur. Ivresse non d'exaltation comme chez les possédés de Dionysos, Ménades et Bacchantes, mais d'incertitude et de balancement, "branloire pérenne".

Nous ne savons ni d'où nous venons, ni qui nous sommes. Et pourtant nous allons, à vrai dire poussés de derrière plus que tirés en avant. C'est l'action quotidienne du jour, qui nous chasse du lit, nous mène tout doucement à la gestion du logis et des affaires courantes. Eh, pourquoi tout cela ? Nous n'en savons rien, mais une raison très animale nous contraint, et une sourde peur : que se passerait-il si nous suspendions toute activité, sous le prétexte que nous n'en voyons pas le sens. Quand l'esprit échoue à nous représenter des raisons c'est le corps qui prend le relai, et sa raison est toujours la meilleure. Quelque chose dont je ne sais rien veut la continuation, jusque dans l'absurde, et malgré lui, d'une vie que rien ne justifie.

Il faut renoncer à vouloir tout comprendre, et pour deux raisons : la première parce c'est impossible, la seconde parce que c'est néfaste. Sans compter l'orgueil qui s'attache à ce projet fumeux. Cette réserve vaut surtout pour moi, et les gens comme moi, qui sont animés d'une forte pulsion de connaissance, mais qui découvrent tôt ou tard la vanité de leur passion, vanité aux deux sens du mot. "Vanité des vanités, tout n'est que vanité et poursuite du vent".

Le plus étonnant c'est qu'en faisant halte, en suspendant cette poursuite insensée, rien ne change, rien n'empire, et que les choses et les actes nous apparaissent même un peu plus faciles, puisqu'au fond, quoi que nous fassions, les choses évoluent de leur propre mouvement. Ce n'est pas nous qui les dirigeons, tout au plus pouvons-nous apprendre à les accompagner dans leur cours.

Publicité
Publicité
Commentaires
G
De bien beaux et chaleureux commentaires, chers lecteurs inconnus, qui me font penser que ces billets du matin trouvent quelquefois une âme bienveillante pour les lire et les méditer. Merci à vous !
Répondre
S
J'ai beaucoup apprécié ce billet (et les deux suivants), en particulier le paragraphe :" Il faut renoncer à tout comprendre ..." La soif de connaissance, l'orgueil, l'angoisse m'ont poussé un temps vers la philosophie avec exaltation pensant ainsi remonter la source vers la vérité. Une petite musique résonnait en moi déjà pour me signifier la vanité de cette quête mais ma vanité, sans doute, ne l'écoutait pas. <br /> <br /> La sincérité de vos propos sont bien agréables et utiles à lire tant il n'est pas toujours facile de se "débarasser de ses inclinations naturelles" comme vous le soulignez dans le billet suivant. <br /> <br /> Je viens de terminer "Montaigne et la conscience heureuse" de Marcel Conche que j'ai dévoré. Je vous en livre un passage en écho au votre:<br /> <br /> "la curiosité, la volonté de connaissance, la conviction de pouvoir atteindre et la prétention d'avoir atteint la vérité non seulement ne nous ouvrent pas à la vérité et à l'être et ne nous font pas pénétrer dans les arcanes de la nature mais nous les dissimulent. C'est dans l'incuriosité, l'humulité du non-savoir, le vide de l'âme que se laisse pressentir l'universelle et inintelligible essence, car l'être est don. Nous ne nous faisons pas, nous sommes donnés à nous mêmes. l'intelligence déréglée qui recherche les raisons et les causes nous éloigne plus que qu'elle nous rapproche de qui ne se livre qu'à la réceptivité pure. La sagesse consiste à accueillir ce don, à la manière d' un enfant"
Répondre
O
Cette pulsion de vouloir comprendre, qui atteint les natures portées à la vie intellectuelle, demande quelque humilité en effet. C’est pour moi surtout un jeu que je sais perdant, mais que j’exerce pour le plaisir de jouer. D’avance, je sais que je vais perdre; comment saurais-je la vérité? mais les quelques séquences d’intelligence dont je suis capable, en communiant notamment avec l’intelligence de ceux qui sont plus doués que moi, me réjouit; car je sais que je ne sais rien; rien de définitif; aussi j’entreprends des voyages dans la culture, pour le plaisir de la découverte, même si celle-ci est partielle et insuffisante; ces voyages me font vivre un peu plus intensément que si je m’en abstenais. Ce qui compte c’es tel voyage, en accord avec la vie qui est mouvement; que m’importe où je vais; le pire étant seulement de mourir, qui n’est rien de bien grave
Répondre
Newsletter
154 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité