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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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15 janvier 2016

DETOXICATION MENTALE

 

Vous connaissez sans doute la parabole bouddhique : celui qui a traversé le fleuve en radeau, une fois parvenu sur l’autre rive ne va pas marcher en portant le radeau sur son dos. Il faut savoir utiliser les enseignements comme une méthode de progression, mais les abandonner quand on atteint un certain degré de liberté. Certains se cramponnent à la doctrine, quelle qu’elle soit, comme à une bouée de sauvetage : il est clair qu’ils ne seront jamais libres.

Toute la question, dès lors, est de savoir quand il y a lieu d’abandonner la doctrine qui nous a aidés à traverser, en d’autres termes quel est le degré de perfectionnement que l’on juge nécessaire d’atteindre. Sur ce point je suis devenu fort modeste. J’ai sérieusement désidéalisé, démythifié les figures de sagesse, ce qui, soit dit en passant, est plutôt le signe d’un progrès : « si tu rencontres le Bouddha conchie-le ». Il est ruineux de se donner des objectifs hors de portée, d’autant que ce sont des chimères de l’imagination, plus que des idéaux de la raison. Ramenons nos espérances, si toutefois nous avons besoin d’espérance, à un niveau accessible, véritablement humain. C’est ainsi qu’il me semble souhaitable de jeter par-dessus bord le nirvâna, le salut, la béatitude, le Surhomme, et tutti quanti. Revenons sans regret à l’humaine, la très humaine condition commune.

Mais alors, c’est quoi l’autre rive ? Je ne puis en parler que dans mes mots à moi, sans prétendre en rien que cette autre rive soit habitable par quelqu’autre que moi. Il n’existe pas de recette de salut, d’ailleurs il n’y a pas de salut. La seule affaire est  de se dé-préoccuper autant qu’il est possible. L’époque présente est marquée par un retour à la crainte, à la haine, aux passions tristes qui envahissent le champ de la représentation sociale et politique, avec leur cortège de conduites sécuritaires et addictives, provoquant une sorte d’intoxication générale, fort peu propice au travail créateur et au dégagement. Dès lors, clairement, il importe, si l’on veut se maintenir à flots, de pratiquer la désintoxication mentale, et de jour et de nuit, sous toutes les formes possibles. Dormir quand on est fatigué (il semblerait que nous dormions en moyenne deux heures de moins qu’au siècle précédent), éviter l’excès d’information (voir des atrocités à la télé à quoi cela sert-il, en quoi cela nous rend il heureux ?), ne pas surréagir à l’événement, s’aménager « une arrière-boutique » où l’on est tout à soi (Montaigne), marcher au grand air, méditer paisiblement sous un chêne, faire des exercices psychocorporels, yoga ou relaxation, lire de bons livres (il en existe encore), prendre soin de soi, des proches et des amis, discuter philosophie ou sciences, se brancher autant qu’il est possible sur la nature, bois, forêts, océan, montagne, ciel ouvert, cœur content.

Pourquoi dit-on désintoxication et non détoxication ? C’est reconnaître que les toxines ont déjà été intégrées, et que le travail consiste à les expurger. Mais l’idéal serait d’en empêcher l’entrée, de prévenir le mal plutôt que de le guérir, bref de pratiquer l’hygiène préventive plutôt que la médecine curative. C’est en ce sens qu’une heureuse philosophie de la pratique quotidienne est une méthode efficace.

Une autre question est de comprendre pourquoi nous sommes fascinés par le malheur, le crime et la terreur. Il faut croire qu’il existe en nous je ne sais quelle disposition perverse, sadique, masochiste et voyeuriste qui se repaît jouissivement de tout ce négatif, y trouvant quelque obscure et inavouable satisfaction. Il faut en prendre acte, comprendre que ce sont là des composantes archaïques de la psyché que l’on ne pourra maîtriser qu’en les intégrant, et non en les refoulant. Les dire, les écrire, les transmuer dans un processus créatif, comme éléments d’une sublimation, d’une spiritualisation, et surtout ne pas les agir. C’est dire aussi que le processus civilisateur est un travail complexe et subtil, jamais totalement achevé. Une des définitions possibles du « passer sur l’autre rive » serait : réaliser une intégration satisfaisante des diverses forces de la psyché.

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Commentaires
T
Et puis, la télé n'est - elle pas la matérialisation dans le réel de cette capacité de l'homme à produire des images dans son esprit ? <br /> <br /> <br /> <br /> Nous pouvons éteindre la télé pour stopper l'attraction. Mais pouvons - nous faire de même de l'intérieur, depuis l'esprit ? Car il suffit que je ferme les yeux pour ça repart. L'esprit est un réservoir d'images.
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O
La télévision est notre Grand Prêtre. Le peuple s’ennuie dans l’inquiétude; l’info le  « distrait »de lui-même, de cette inquiétude souterraine qui le mine sans se montrer. Le peuple se rassure en constatant que le malheur frappe loin de lui : à l’Etranger ou chez autrui; il faut voir ce que l’info déploie d’activité quand les massacres ont lieu tout près de nous.<br /> <br /> La télé est diabolique : ses images fascinent; elles nous mettent à distance de nous-mêmes en nous occupant. Regarder le sang des autres couler, on ne s’en lasse pas; nous payons ce service de notre compassion sentimentale, qui ne mange pas de pain.<br /> <br /> Ainsi la télé nous tient; c’est notre Grand Messe, bien plus convaincante que les prêches des curés des paroisses désertées. Nous participons ainsi au Grand Collectif de l’Actualité. Nous y gagnons une identité renforcée de citoyen croit-on. Je crois au contraire qu’elle nous empêche de penser librement.
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T
C'est un travail quotidien que celui de la désintoxication. A jamais terminer. Jusqu'au dernier souffle, il me semble. De répit, il y en a nul part. Peut être dans son sommeil. Et encore ! Je ne veux pas dire par là que la vie est synonyme de calvaire & fatigue, mais que le mouvement il est en moi, constant, dans les pensées qui vont et viennent. Même si mon corps est au repos. Rien ne s'arrête.
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N
oui , c'est pour ca que je ne reflechis plus
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