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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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16 décembre 2015

JOURNAL : 16 dec - ECRIRE ?

 

J'ai ouvert récemment une nouvelle rubrique, appelée "journal" - à défaut de mieux - désireux que j'étais de me libérer des contraintes inhérentes à l'écriture philosophique. Je voulais quelque chose de plus léger, plus aérien, plus volatil, apte à épouser au plus près les mouvements intérieurs, sans tomber pour autant dans l'écriture intimiste, qui me semble sans intérêt, en tout cas pour les personnes qui lisent. Décrire sans sermonner, peindre sans prétention, au plus près de la réalité. Dans un premier temps je me suis laissé aller à des souvenirs, à croire qu'ils me travaillaient en secret, et qu'il était souhaitable de leur ouvrir la cage. Mais je me suis lassé assez vite, le sujet n'étant pas assez excitant pour justifier une enquête plus approfondie. Je me suis aperçu qu'en fait tout cela m'était familer, si bien que je n'ai pas appris grand chose de neuf. Et puis, quel intérêt pour autrui ?

Le seul enseignement que j'en retire c'est que décidément je ne puis me laisser enfermer dans aucun genre, que j'étouffe sitôt que je me mêle d'approfondir quoi que ce soit - c'était déjà ma faiblesse dans les études que j'ai réussies au prix d'un effort contre nature - et qu'au plus vite il me faut prendre des chemins de traverses, batifoler et vaticiner, nez au vent, bouche en coeur de poule, pour voir ailleurs si j'y suis. Et me voilà à trousser la Muse, tâter d'un roman que je n'écrirai jamais, débusquer le renard et la belette, avant de m'absorber, toutes affaires cessantes, dans l'immensité de la Voie lactée. De corps, je ne bouge guère, mais l'esprit, lui, est toujours à courir la prétentaine, tantôt ici, tantôt là, jamais lassé, jamais content. C'est certainement cette disposition inquiète qui me condamne à écrire, comme si, dans l'établissement du texte, c'est moi-même que j'établissais, au moins pour la durée de l'exercice, car le lendemain il faut tout recommencer.

Un écrivain, définition à vérifier, c'est quelqu'un qui croit que par l'acte d'écriture il s'assure enfin de son existence, tout en découvrant, jour après jour, que l'existence, comme toute chose au monde, lui glisse entre les doigts. En tout cas, pour moi, c'est là une certitude. De fait ce n'est que dans l'action pratique et la méditation que peut cesser, pour un moment, cette étrange dissociation intérieure : dans l'acte physique on ne pense pas, le corps fait tout tout seul, et dans la méditation la pensée s'apaise pour laisser place à la paix profonde du flux universel.

Quand la pensée s'arrête c'est soit la panique, soit la grande sérénité. On mesure d'un coup, rétrospectivement, la vanité de tous nos efforts, on voit la course éffrénée de tous les êtres du monde, emportés dans le tourbillon des affaires, des intérêts, des passions et des égoïsmes, et tout cela semble soudain un immense caraval sans rime ni raison, où la mort seule est réelle, et tout le reste fumée. On se demande s'il est bien sensé de prendre part à ce cauchemar, de s'impliquer, de batailler, de ferrailler - et pourquoi cela si de toute manière, le seul résultat, aujourd'hui comme demain, c'est la mort. Comment ne pas chercher quelque "montagne vide" pour s'y installer, entre mousse et bocage, au plus près de la brume matinale, et y chanter le lever du jour ?

Je me laisse aller parfois à des rêveries bucoliques, j'imagine habiter quelque chalet agreste aux abords de la forêt, visité par quelque ours familier  et pacifique - cela existe - et gambadant avec lui par les près. Ou alors une baraque au bord de la mer, de douces promenades lumineuses et iodées, dans le vent large, respirant à fond de poumon, dilaté à la dimension de l'univers. Je le crois bien, je suis un "homo natura" contrarié, dénaturé, castré, inapte dès lors à vivre selon sa destination originelle, et qui ne retrouve que dans l'écriture, dans sa liberté formidable, une réconciliation par delà des contraintes et les déformations. Car, cela aussi je le sais d'expérience, je n'ai plus aucune aptitude à ce genre de vie, mais au moins, laissez moi ce rêve délectable par quoi je me rattache encore, un peu, à la condition ordinaire des hommes.

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Commentaires
K
Bonjour Guy,<br /> <br /> Votre texte me parle énormément, j'ai également cette approche très souvent et je pense que c'est ici et maintenant que les choses se déroulent comme le dit François Cheng. La santé premier trèsor pour être à même de vivre la vie que l'on souhaite, Descartes, Rabelais, Nieztsche l'avaient compris. <br /> <br /> Vanité tout est vanité c'est une pensée profonde et en même temps un conseil, une orientation pour notre vie, vivre heureux c'est vivre caché, le bonheur c'est vivre à la bonne heure si on se réfère à la langue des oiseaux.
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