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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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27 novembre 2015

HYPNOSE et ETHIQUE MEDICALE

 

L'hypnose est un état modifié de conscience, d'une durée et d'une intensité variables, sous l'action d'un agent extérieur - généralement une personne - à laquelle le sujet accepte momentanément de confier la direction de la séance. Grâce à quoi il pourra se libérer du contrôle de la pensée discriminante pour laisser advenir en lui les messages venus du corps et de l'inconscient :  senstions multiples et souvent contradictoires, perceptions diffuses, images, souvenirs, rêveries, impressions de toute nature, floraison sensorielle et imaginative qui réactualise le passé, le rend sensible et présent, mais pour ainsi dire à distance, dans une sorte de contemplation silencieuse, comme si ces impressions, qui sont nôtres, étaient aplanies, désamorcées dans la relative sérénité d'un spectacle. La conscience, dans ce régime très particulier, n'est nullement supprimée comme dans le sommeil, mais bien présente et attentive, mais flottante, à la fois passive et active : elle constate sans interférer, elle accueille, elle laisse les choses se développer, elle les regarde, les contemple, sans juger, sans vouloir ou préférer, et de la sorte elle apprend à se familiariser avec les éléments ordinairement inaccessibles ou barrés. Elle peut de la sorte se réconcilier avec sa propre source dont elle est coupée, en raison des interdits sociaux ou des traumatismes accummulés. Elle peut revenir en douceur à sa propre histoire, la relire pour la relier, au fil des séances, au présent, en libérant de nouvelles énergies.

Ce qui sépare l'hypnose du rêve est assez mince : c'est la barrière du sommeil, qui se révèle plus souple qu'il n' y paraît d'ordinaire. Le sujet, en principe, évite de s'endormir, mais dans cette attention flottante qui caractérise l'état modifié de conscience il arrive que l'on s'endorme à demi, pour se réveiller à nouveau, reprendre le fil de l'observation en veillant à ne pas revenir à la pleine conscience vigile, qui suspendrait toute l'opération. De la sorte on voyage de la rêverie au rêve, et inversement, sans se soucier de les distinguer vraiment, constatant leur parenté manifeste, expérimentant la proximité charnelle de la source d'où procède toute puissance imaginative. Le temps est aboli comme tel, présent et passé se mêlent et se confondent, et le futur lui-même  s'expérimente comme un possible, parfois mons redoutable, plus accessible, riche de potentialités nouvelles. Dans cet état on se reconnecte à la richesse des symboles inconscients, à leur force vivifiante, on réapprend à libérer leur énergie poétique et transformative. Tout cela est rarement possible dans la vie diurne où domine le souci de l'adaptation sociale et de la performance. 

Il y a quelques années j'avais suivi une dizaine de séances d'hypnose thérapeutique. Je me souviens de plusieurs images, de vol aérien - un peu comme dans le film Avatar - de branche en branche, par de là les obstacles, avec un formidable sentiment de liberté, avec la conscience soudaine d'une possibilité qui m'était accessible soudain, que je pouvais actualiser à ma manière dans la vie ordinaire - peu de temps après je découvris que je pouvais écrire de manière publique, m'adresser à un public, et abandonner la seule écriture privée à laquelle je m'étais cantonné jusque là. Une nouvelle dimension s'ouvrait à mes regards, le désir put s'eveiller et se donner une forme. Car enfin, si l'expérience de rêve éveillé ne change rien au cours de la vie ordinaire, quel serait son intérêt ?

Je vérifie l'intuition centrale de Groddeck, et de Milton Erickson : l'inconscient c'est la source de toute créativité, c'est lui qui fait la santé et la maladie. Il s'agit moins de soigner que de contourner les forces qui empêchent la guérison, qui, à dire vrai, est toujours l'oeuvre de la nature, et non du médecin. Le mauvais médecin veut soigner à tout prix, forcer la nature, arracher de force la guérison - exemple du malade "mort guéri" - le bon médecin ne veut rien, ne fait rien, se contentant de libérer les forces spontanées de guérison, en contournant l'action des forces pathogènes. Il aide au rétablissement d'un équilibre, dont il n'a ni la science ni la maîtrise.

Ce qui fait vraiment problème, et à quoi je ne vois absolument pas de solution, c'est le cas où le "ça", la puissance vitale fondamentale du sujet est elle-même gangrénée par la pathologie, où un déséquilibre structurel profond gèle les forces de vie, résiste à toute réélaboration symbolique, et condamne à terme le sujet à des maladies irrémissibles, voire à l'anéantissement spontané ou provoqué. Dans un tel cas seule la pharmacopée, si elle est bien usitée, peut, à défaut de guérir, maintenir le sujet dans une sorte de survie artificielle - dont il lui appartient de juger si elle se justifie ou non, si une telle existence mérite ou non sa perpétuation conditionnelle.

Groddeck avait l'honnêteté de définir avec soin les limites de l'action thérapeutique : la maladie n'est pas forcément ni toujours un mal qu'il faut abattre ou réduire par tous les moyens, parce qu'elle exprime quelque chose du désir fondamental du sujet, au même titre que le rêve, le délire, la douleur même, autant d'expressions symptomatiques dont il faut écouter l'insistante répétition - car dans le symptôme, dont le sujet se plaint, ii y a aussi une marque essentielle de la subjectivité (et de la jouissance), si bien que la disparition subite du symptôme est vécue comme une mutilation, et suivie de sa réinstallation, ici ou ailleurs - aussi faut-il tenir compte de cette ambivalence, la respecter, et agir avec la plus grande prudence, en aidant le sujet à transformer le symptôme (pathologique) en symbole (créatif). Une telle transformation n'a rien de facile ni d'évident, et souvent elle échoue. De toute manière on n'y peut parvenir qu'avec l'accord, que dis-je, la volonté inconsciente du patient. On comprend dès lors pourquoi si souvent les thérapies échouent, ou du moins ne fournissent que des résultats provisoires, contredits par de nouvelles rechutes.

La limite de la médecine c'est la résistance du patient. Mais aussi celle du médecin, qui ne veut rien entendre et suivre son programme de réadaptaion forcée. Cela nous aide à mieux comprendre les impasses de toutes les supposées "écoles de bonheur" contemporaines.

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