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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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30 septembre 2015

De la LIBERTE du PHILOSOPHE

 

Pouvez-vous imaginer le bon Immanuel Kant, couché de tout son long dans un parc public de Koenigsberg, voyant passer devant lui le roi de Prusse avec toute sa cour, lui jeter au visage, comme fit Diogène naguère : "Ote-toi de mon soleil !". Cet apologue nous fait mesurer l'incommensurable distance entre la philosophie antique et la nôtre.

Tout au plus peut-on encore admirer Jean-Paul Sartre juché sur un tonneau, haranguer les ouvriers de Billancourt. C'était dans les parages de Mai 68, et depuis nous n'avons plus que de pâles bellâtres paradant à la télévision. Même Foucault et Deleuze nous semblent d'un autre âge, quand soufflait encore une petite brise frondeuse et capiteuse. Fichtre, que nous est-il donc arrivé ?

Pratiquez un peu de philosophie en public, on vous traînera au Commissariat, au pire à l'Hôpital Psychiatrique. Le libéralisme affiché de nos sociétés se range en de bien maigres allées, et vous avez vite fait de déroger à la morale officielle du bien-dire. "Cau te" disait Spinoza, considérant que l'époque n'était pas favorable au débat, et que l'exercice libre de la philosophie ne pouvait se pratiquer qu'en privé. Toutefois il sut faire voyager ses traités polémiques dans des sacs de sable, par bateau, à travers toute l'Europe. Prudence certes, mais pas au point de se condamner au silence.

C'est un vieux, un éternel problême. Comment, dans une société donnée, et aucune ne peut être absolument et inconditionnellement libérale, poursuivre le travail de la pensée, en évitant les compromissions, les servitudes et les reniements ? Les Taoïstes se réfugiaient, loin de la cour et des affaires, sur la Montagne Vide, entre les gouffres et les brumes, et clamaient leurs poèmes à la lune. Voir Li-Tai-Po. A l'ami, à l'étranger de passage, ils offraient la coupe pleine et le reflet de la lune dans l'eau : la vacuité c'est l'apparaître innocent des phénomènes, il faut chanter la spontanéité sereine des phénomènes.

"Loin du monde et du bruit goûter l'ombre et le frais" - on ne peut faire autre chose que de témoigner, contre l'obscurité et la veulerie du monde, d'une conscience éveillée à l'éternelle présence de ce qui nous dépasse de toutes parts, et dont, conscients ou nous, nous sommes.

Pour finir un petit distique trouvé hier dans le Commentaire que fit PatricK Carré du "Soutra de l'Estrade" :

    "Ciel et terre ont même racine que moi

     Tout et moi formons un seul corps".

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Commentaires
G
Mégalomanie, sans doute, que de surévaluer le rôle des idées, qui ne mènent pas le monde. Modestie nécessaire. Il en va de la philosophie comme de l'art, et encore l'art est plus séduisant ! Cela dit, j aime bien Freud lorsqu'il dit à peu près : la vérité avance à bas bruit, lentement, mais elle avance. Optimisme ? Au niveau général on peut en douter, rien n'est jaamis acquis définitivement, mais pour certains individus c'est vérifiable.
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D
En effet, mais n'y a-t-il pas derrière le désir d'intervenir dans le débat public ce fantasme inavoué selon lequel l'intervention d'un philosophe puisse changer quelque chose au monde tel qu'il va. Tel est depuis longtemps le cas des emposteurs contemporains, les intellectuels qui s'imaginent que parce qu'ils parlent, le monde s'en trouve magiquement modifié.<br /> <br /> Délire mégalomaniaque, magie du discours ? Il est si tentant d'en appeler au mythe des Lumières, à la contagion philosophique.<br /> <br /> Les philosophes parlent, écrivent, méditent, le monde reste ce qu'il est.
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G
Cette tension interne dans le texte traduit la tension interne qui est celle de l'auteur, désireux à la fois d'intervenir dans la débat public et de se retirer ! Ce n'est ni sensé ni très courageux, je l'avoue. Pour avoir tenté d'intervenir dans la débat public et de se voir refuser toute publication, on en retire forcément quelque amertume. Tout le monde n'est pas Spinoza.. Reste cette voie moyenne des interventions de groupe (café-philo par ex) qui pour être moins spectaculaire a le mérite d'exister. J'espère toujours que la petite musique puisse faire son chemin dans les esprits..
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D
Deux plans se heurtent dans ce texte au point qu'il devient difficile de penser une continuité. <br /> <br /> <br /> <br /> L'un met l'accent sur le caractère critique et insoumis du philosopher qui pose le problème d'une parole de vérité dans un monde dominé par l'intérêt économico-méditatique et les pouvoirs qui le représentent. Où sont les philosophes ? Nous l'ignorons mais certainement pas dans l'espace saturé de la médiacratie. Où s'affirme cette liberté ? Et quelle est sa puissance dans le nihilisme contemporain ?<br /> <br /> <br /> <br /> L'autre se déploie "hors de", à l'écart, à la manière d'Epicure, loin des fous et des faux semblants, dans des Jardins philosophiques, comme ici peut-être. Mais dans ce cas, le philosophe est un apatride ; son discours est sans effet sur la sphère publique. Il est condamné au silence et sa parole ne vaut que pour quelques initiés. Autant dire qu'elle demeure sans effet sur la folie du monde et les aberrations du temps.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans les deux cas, la philosophie reste muette. Peut-être est-ce là sa grandeur...
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