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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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26 mai 2015

De la VERITE APOLLINIENNE : EPICURE

 

Ce qui sépare à jamais l'épicurisme d'une banale et plate complaisance au plaisir - l'hédonisme facile du "dernier des hommes" - c'est la découverte préalable, et l'assomption du tragique indépassable de la condition humaine. On n'a pas toujours clairement vu sur quel fondement Epicure construit sa belle philosophie apollinienne, qui, en un sens, apparaît comme une contradiction flagrante avec ses prérequits. Un univers multiple et infini, un éparpillement inconcevable de corpuscules emportés dans le tourbillon éternel, des corps éphémères nés de rencontres aléatoires, une combinatoire sans cause ni finalité, un monde, le nôtre, voué, comme tout monde éphémère organisé, à la destruction, une existence de mortels dépourvue de signification, et partout, en tout, le hasard, tout ordre apparaissant comme un cas particulier du désordre cosmique. Le tragique, clairement et définitivement, c'est l'absence de sens, l'Ab-sens.  

Reste que dans cet univers il y a des régularités qui permettent de dégager des relations constantes selon le principe de causalité, donnant à l'homme le pouvoir de comprendre certaines relations, d'interpréter les faits et de repousser la mythologie, source de crainte et de servitude. Il y a aura toujours, hélas, des pouvoirs qui sauront utiliser l'arme de la crainte et de la culpabilité pour asservir les hommes, si bien que c'est la fonction éclairante de la philosophie de lutter contre la supertition, et de repousser les monstres. L'étude de la nature est la condition, et le moyen, de la liberté. La connaissance libère de "la souffrance de la souffrance", ce redoublement mental catastrophique, par lequel s'accroît la malheur. Si on ne peut éviter toutes les douleurs, on peut au moins s'efforcer de réduire leur impact, et de corriger nos représentations : par exemple il est ruineux de croire que les dieux s'acharnent à notre perte, et qu'il faille des sacrifices pour apaiser leur incompréhensible colère. De même est-il ruineux d'halluciner une vie après la mort et des châtiments effroyables pour les âmes des trépassés. Songeons aux représentations apocalytiques de l'enfer dans la tradition médiévale - et opposons à ces artifices honteux la pure lumière d'une raison lucide et bienfaisante.

Epicure est apollinien, mais il a le savoir du tragique. Le paradoxe est que cet esprit lucide, qui ne craint pas de sonder la profondeur de l'abîme, ait pu concevoir une existence lumineuse, où le plaisir de nature est un critère suffisant pour fonder une vie d'excellence et d'harmonie. "Epicure, ce dieu des jardins" disait Nietzsche. C'est bien dire, et c'est dire aussi que sa pensée est toujours d'actualité, même si notre monde nous paraît parfois étrangement difficile et déprimant. Leçon de courage : voir, savoir, oser.

 

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Commentaires
D
Oui, et tout ensemble, "rire et philosopher".
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