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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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27 mars 2015

NOTE du 27 mars 2015

 

J'avais décidé, voici trois mois, d'établir une édition complète des recueils de poésie, dont certains étaient plus ou moins publiés dans ce blog, et d'autres qui peuplaient la désolation de mes tiroirs. Non que ceux-ci fussent nécessairement mauvais et destinés à la poubelle, mais, pour diverses raisons, essentiellemnt personnelles, j'hésitais à leur donner droit de cité. Ma résolution de tout reprendre, de corriger, d'amender, d'aérer et de dynamiser, fut en somme courageuse et fructueuse, vu l'intérêt, modeste, mais réel, que ces textes ont suscité, non certes un engouement massif, qui, vu le désintérêt en cours pour les choses poétiques, eût été pour le moins surprenant, voire inquiétant, mais un certain écho, qui dédommage l'auteur de la peine qu'il se donne, et lui inspire une reconnaissance joyeuse. Adonc, je m'estime satisfait, et de moi, et des lecteurs, que je veux remercier, ici, pour leur fidélité et leur encouragement.

C'est une idiosyncrasie bien particulière, qui ne cesse de me surprendre moi-même, que d'être ainsi balloté entre la philosophie et la poésie, entre lesquelles on peut bien remarquer une parenté, un commun intérêt pour l'originaire et l'énigme - pensons à Schopenhauer qui se propose de sonder et de déchiffrer l'énigme de la vie - mais la démarche de la philosophie est bien différente de l'intuition poétique, laquelle ne s'embarrasse pas de raisonnements et de démonstrations pour aller droit à l'essentiel. Ma foi, selon les critères universitaires en cours, je fais un piètre philosophe, d'autant que je ne puis souffrir les laborieuses contorsions de la pensé raisonnante, que je suis imperméable à la logique, réfractaire aux discours, et en général fort ignorant, et fier de l'être, de ce qui se trame dans les officines de l'actualité éditoriale. Je suis de ces énergumènes qui vont leur chemin à eux, traçant une voie insolite vers ce qui les habite dans les profondeurs, et, au fond, assez indifférents à tout le reste. Je laisse volontiers aux historiens, sociologues et autres spécialistes le soin d'analyser les évolutions sociales, aux scientifiques la primeur de la réflexion épistémologique, et le reste à l'avenant. De tout cela je n'ai rien à dire, vu que cela ne m'intéresse que très indirectement. Tant que j'enseignais je me sentais obligé, profession oblige, de m'intéresser à tout cela, ne fût-ce que pour enseigner correctement. Mais aujourd'hui, dépréoccupé, libre de tout et de tous, je me resserre sur l'essentiel, je déleste, je sélectionne et j'élimine. Si je peux apporter quelque chose de nouveau, et cela même n'est nullement garanti, ce ne peut être que dans ce domaine étroitement circonscrit où philosophie et poésie procèdent ensemble pour désigner le lieu paradoxal de l'Ouvert - l'ouvert originaire, devrais-je dire.

Et même le terme de philosophie, qui aujourd'hui désigne un champ particulier du savoir, ne me semble guère approprié - à moins de l'entendre au sens des Anciens, amour de la sagesse, mais d'une sagesse, dont le moderne n'a pas même l'idée ni le pressentiment, et qu'on trouve chez Héraclite ou Démocrite, lesquels se référaient explicitement au fondement universel, bien plus qu'aux affaires humaines, toujours disqualifées au regard du Tout qui fonde et contient Tout : "toutes choses la foudre les gouverne" - voilà une idée qui n'a plus la moindre résonance dans l'oreille d'un contemporain. Je sais gré à Heidegger, dont je n'approuve pas la nostagie de l'Etre, d'avoir par ailleurs critiqué les vaticinations de la philosophie moderne en opposant fermement la pensée des penseurs à la rationalié étroite des philosophes. Poètes et penseurs : voilà les vrais représentants d'une pensée de l'originaire.

Cela signifie entre autres choses un relatif éloignement par rapport aux affaires du siècle, non qu'il faille les négliger, mais qu'elles ne prennent leur signification que rapportées à une évolution plus lente, moins spectaculaire, silencieuse mais décisive, celle de l'humanité - si toutefois l'humanité, mise à part la révolution technoscientifique, est capable de la moindre évolution au long cours. L'essentiel est toujours ailleurs. Face aux cliquetis verbeux et tapageurs d'une actualité effrénée, prise de vertige, hystérique et somambulique, nous serons quelques uns, recueillis, songeurs, méditafifs et inactifs, à cultiver la distance, et comme dit magnifiquement Lucrèce, à veiller dans les "templa serena sapientum" - ou, en d'autres termes, à cultiver l'esprit dans le jardin philosophe du poète.

 

 

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Commentaires
D
Il est très agréable de vous entendre parler de vos traits idiosyncratiques avec une jolie prose rythmée et musicale.<br /> <br /> <br /> <br /> Je retiens votre dernière phrase qui est une petite fulgurance comme il en arrive parfois. Elle résonnera longtemps dans mon esprit.<br /> <br /> <br /> <br /> Pour cela, merci.
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