ECARTELEMENTS VIII - L'ORIENT DU COEUR - Poésie 15
L’ORIENT DU CŒUR
Gorge en feu
Ma gorge se serre
Ma gorge c’est la gorge de ma mère
Angoisse, angine, et bleu de méthylène
Sa diphtérie a duré dix mille ans
J’entends un air très ancien, nostalgique et envoûtant,
Malbrouck s’en va en guerre
Ne sait quand reviendra
Malbrouck ne revient pas.
Père, mon père, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dans ma chambre sous le grenier
Je murmure un air très ancien, à demi oublié :
« Il était une fois en Ithaque
Une reine tant renommée
Que les hommes venaient en vrac
La courtiser.
Ils voulaient tous se faire aimer
De la lointaine Pénélope
Mais quand la chaste les chassait
Ils l’appelaient salope.
A la fin, lasse de tout
« J’épouserai, dit-elle
Le plus fort d’entre vous
Quand cette robe que je couds
Sera cousue de bout en bout
A la saison nouvelle ».
De jour elle cousait la robe
Et de nuit elle décousait
Elle était fidèle Pénélope
Au bel Ulysse qu’elle aimait.
Mais Ulysse était mort en guerre
La robe ne fut jamais finie
« Ah laissez-moi le froid des pierres
Ah laissez moi mon agonie ».
Et sur la morte on étendit
La belle robe inachevée
Les astres, dans la nuit déchirée
Brillaient de mille pierreries ».
Comme une feuille au fil de l’eau
Il file mon amour
Tout neuf, tout beau.
Je n’ai rien su
Vu ni reçu
Qui de l’amour ne vienne
Amour de corps et frénésie
Amour de cœur et courtoisie
De lui j’ai tout reçu
Autant qu’il m’en souvienne.
Comme une feuille au fil de l’eau
Elle file ma vie
A l’est rien de nouveau.