ECARTELEMENTS VII - VOIX d' OUTRE LIMBES - Poésie 15
VOIX D’ OUTRE LIMBES
J’entends la voix, du fond des âges lourds, la voix
Qui monte, qui descend, catapulte
Torrent d’avalanches femelles !
Spectre de voix, écroulement baroque, cruel théâtre
Ton flamboiement Shakespeare !
Plus de centre ! Cinq milliards de soleils m’écartèlent
Et tout croule, tout flambe, se révulse, agonise.
Ah qui suis-je, mon bel amour
Dans ce buisson de cri, de sang
Où j’exulte, où j’expire ?
Non, je n’existe pas
Le moi est un leurre blanc dans le regard d’un dieu qui n’existe pas
Une image dans le regard d’un autre qui n’est rien qu’une image
Et les images se télescopent dans le vide
Images de rêve
Mais nul ne rêve ce rêve
Le rêve est le rêve d’un rêve que nul ne rêve
Comme la surface d’un lac très clair
Qui reflète le ciel
Et le ciel reflète l’eau du lac
Et personne n’en sait rien
Et le promeneur qui contemple les reflets
Lui-même est reflété
Et le ciel et le lac n’en savent rien
Nul ne sait rien de rien.
Plus d’Autre
Plus de dieu
Plus de moi
Plus de corps
Fichtre, que reste-t-il, pour vivre ?
Que reste-t-il ?
Le sujet c’est le trou dans la phrase
C’est le désir du mot qui manque
Qui trébuche, qui tourne et fourche sur la langue
Mais ce n’est jamais tout à fait ça
Jamais le mot exact, définitif
Celui qui dirait l’être
C’est un mot pour un autre
A demi-mot le mot qui manque
Le mot du manque.
Evanescent, fluide et baladeur
Erratique et frondeur
Tel il est le sujet
Le toujours à venir, le toujours déplacé
A soi-même inconnu,
Glissant de mot en mot
Amant de toutes les images
Et les récusant toutes,
Amphibie, idolâtre, hérétique
Fidèle et sans patrie
Mortel infinitif.