ECARTELEMENTS IV - REGARD EFFROI-Poésie 15
REGARD EFFROI
Ton regard est un serpent multicolore
Pailleté d’éclairs de jade et d’améthyste
Délicieux myosotis
A la queue rutilante, bifide, miraculante
Je ne sais pas ce que je lis dans tes yeux
Mais je passe en paquebot vers les îles
J’ai oublié le boire et le manger,
Pigeon voyageur, deux pigeons d’amour tendre,
Va donc voir si j’y suis,
Pourtant je reste,
Je reste bouche bée, décousue, toute honte bue,
Je regarde tes yeux.
Je vois de grands mammifères tout blancs
Dans une eau de jade et de corail
J’ai envie de danser
Embrasser, câliner, coquiner
Plein de tours espiègles et mutins
Je vois la grande spirale de Darwin
Se dérouler jusqu’au premier matin
Et là
Toi et moi, moi et toi
Nous sommes les premiers et les derniers nés
Le temps s’est arrêté.
J’ai beau fouiller, creuser, forer
Non, je ne trouve rien
Rien qui réponde à ma question,
L’origine, voyez-vous, c’est ce qui se dérobe
Comme le bout de la mer, tout au bout, il n’y a jamais de bout.
On voudrait, dans un spasme, en finir
Saisir le mot ultime, le tout du mot
Tout au bord de l’abîme -
Mais le plaisir qui nous échappe
Nous arrache et nous jette
Aux rivages du jour,
Et là, tout étonnés, les yeux écarquillés,
Nous retrouvons l’aspérité de la lumière,
Le tranchant net du bois de lit,
La pesanteur des corps, et près de nous
Le corps de la belle étrangère
Familière
La voyageuse ébouriffée,
Le temps qui chute de l’éternité.