Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 308
12 janvier 2015

ESPRIT DE LIBERTE - ESPRIT DE VERITE

 

 

Quand la gigantesque émotion qui a saisi le pays ces temps-ci sera un peu retombée, il faudra se poser, à froid, quelques questions essentielles, en particulier sur cette liberté d'expression revendiquée comme un droit inaliénable et fondamental de la République. Je m'en réclame évidemment, comme citoyen et comme auteur, car, sans elle, que vaut une parole, quel crédit accorder à la parole, si elle est d'emblée soupçonnée d'être platement conforme au discours en vigueur, opportuniste et mensongère ?  Dire sans crainte est la condition de la pensée, et de la création. C'est l'honneur de la République de rendre possible une juste contribution de chacun au débat public, et à l'auteur, à l'écrivain, au philosophe, la garantie d'être entendu comme le sujet authentique de ses oeuvres. Là dessus il n'y a pas à revenir. 

Mais cette liberté d'expression, d'écrit et de parole, n'est que la condition formelle d'une liberté plus essentielle encore, celle de la vérité. Sans liberté de parole, pas de vérité, car la vérité suppose, en préalable, la véracité, la véridicité, le pouvoir-dire selon son coeur ou sa raison. Est-ce un motif pour dire n'importe quoi, selon le caprice, ou pour assouvir quelque secrète vengeance, pour dénigrer, offenser, ridiculiser, comme on voit faire à tour de bras, au motif assez dérisoire de faire rire à n'importe quel prix, au risque même de détruire tel ou tel qui s'est malencontreusement rencontré dans le débat, imprudemment exposé au feu de la rampe ? J'ai souvent déploré, chez certains de nos humoristes ou amuseurs publics, un manque flagrant de retenue, de bienséance, de pudeur, et au total, de responsabilité. Invoquer la liberté d'expression ne dispense pas de la responsabilité, elle n'en est que la condition. Chacun devrait se poser la question : la franchise (étymologiquement franc veut dire libre) peut-elle être absolue, sans condition ni réserve, quitte à blesser, à détruire, sous prétexte de liberté ?

La philosophie antique, épicurienne et cynique, avait proposé ce beau terme de "parrhesia" : on peut tout dire, mais selon le vrai. La vérité est plus haute, le souci de vérité doit régler la parole, et s'il y a lieu d'être franc, ce n'est pas un prétexte commode pour se laisser aller au pathos, à l'affect, à l'émoi, à l'injure et au dénigrement, en un mot pour exposer sans pudeur ses propres passions mortifères. Là encore l'expressivité pure est le plus bas degré de la liberté, qu'il importe de contrôler, de soumettre au jugement rationnel, de modérer et de dépasser. Ecrire un livre pour se venger ce n'est pas de la vérité, c'est un subjectivisme de bas étage qui détruit l'esprit de liberté en saccageant l'esprit de vérité.

Celui qui s'esprime en public a des responsabilités plus hautes que le commun. Non qu'il doive se censurer par complaisance au goût du jour. La réserve n'est pas la censure, c'est un respect de l'adversaire, que l'on combattra peut-être au niveau des idées, mais qu'on évitera de salir. Personnellement je n'ai aucune sympathie pour les religions, en particulier pour les religions monothéistes que je considère comme des aberrations mentales, mais je me garderai toujours de me moquer du croyant. Derrière la foi, que je ne partage pas, je vois un homme comme moi : qui suis-je pour mépriser ou condamner ? D'autant qu'en ces matières la discussion est parfaitement inutile. Je me retire, voilà tout, je m'abstiens. Si l'interlocuteur est prêt à discuter sérieusement, je serai son homme, je ne refuse jamais la discussion si elle est réglèe par l'esprit de vérité. Si ce n'est pas le cas, inutile de discuter.

Le pire, c'est de se laissser entraîner dans une joute pathétique, où se perdent la raison et la mesure, comme on voit fréquemment en matière politique, et religieuse plus encore.

Il ne faut pas braquer inutilement les croyants : on ne produira qu'un funeste raidissement identitaire, dans une société qui est déjà, hélas, travaillée par l'esprit de discorde. Laissons chacun à ses convictions tant qu'il ne cherche pas à les imposer par la violence. Que le débat soit digne, s'il faut vraiment débattre. Mais pour l'essentiel que la séparation des églises et de l'Etat soit et reste le principe inaliénable qu'il doit être. Que les sphères respectives du public et du privé soit clairement distinguées, ce qu'elles ne sont plus guère de nos jours, et un peu de paix pourrait revenir parmi nous.

Publicité
Publicité
Commentaires
J
Raphaël Enthoven apporte également son avis, mais plus précisément, sur la très sainte laïcité...<br /> <br /> <br /> <br /> http://www.francetvinfo.fr/economie/medias/charlie-hebdo/video-raphael-enthoven-il-faut-defendre-la-laicite_799449.html
Répondre
J
Le 29 janvier prochain, il faudra avoir une pensée pour le souvenir de la mort de François Cavanna. Il a raison, malgré la maladie, le crayon est toujours un prolongement cérébral...<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=7F-zFtYW1Lw
Répondre
J
Georges Brassens était considéré comme un mécréant, mais c'est lui qui a prononcé le plus le mot "Dieu" dans ses chansons... Je suis vindicatif par nature, caustique qu'en il faut et contestataire sur le trottoir, mais pas au milieu de la rue.<br /> <br /> <br /> <br /> Parce que beaucoup d'êtres humains sont à aimer que je les aime. Vendredi dernier, j'étais dans un laverie, ainsi qu'un jeune maghrébin. A cause de l'amalgame de la bêtise, je voyais très bien qu'il était inquiet et ne sachant s'il devait me parler ou pas. En constatant cela, je l'ai mis très vite à l'aise. Vous voyez, c'est parfois très important, une simple laverie ! Il n'y avait pas de témoin médiocre, Peut-être Dieu, à la rigueur...<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai appliqué de moi-même ce que certains feront semblant... Il m'a dit que nous nous reverrons certainement, puisque nous habitons le même quartier. En un mot, l'estime l'avait emporté et tout le reste volait en éclats !<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne suis pas un Blaise Pascal, il n'y a pas de Dieu dans mes maximes et la laïcité est beaucoup trop mal récupérée... Je tiens donc à être un individu suffisamment humble pour être authentique. Dans les rues de Dax, des gens me disent bonjour par mon nom, j'en suis surpris, dans les cafés-philo ne s'appelant uniquement par notre prénom.<br /> <br /> <br /> <br /> Bien sûr, là où il y a la mort de l'innocence, je ne peux rester neutre, il est bien suffisant de neutraliser les criminels quelque soit leur origine... Maintenant, j'attends comment vont agir les Maîtres du Monde, j'ai peur du mensonge dissimulé et de l'indifférence reprenant sa place, ça ferait l'affaire des terroristes de tout poil !<br /> <br /> <br /> <br /> En premier discours, j'ai voulu faire un historique de l'histoire d'un journal, mettant de côté l'aspect humaniste, j'espère y être bien arrivé. Déjà la réflexion de Simone Weil que je vous avais fait parvenir, n'était qu'un avant-propos de tout ce que j'allais dire ensuite, mais après beaucoup de réflexion en moi-même, tout dépendant des événements à venir...
Répondre
G
Personnellement je ne critiquerai pas l'immense cortège de Français de tous borde et de toutes confessions qui a clairement et fortement manifesté son refus de la violence, même si les motivations ont pu être divergentes dans le fond. C'est un événement très important qu'il faut prendre au sérieux. Cela dit les vrais problèmes vont apparaître maintenant, dont le moindre n'est pas le chômage massif des jeunes, leur abandon à l'ennui et au désespoir, ce qui est un comble dans une société globalement riche, mais trop inégalitaire et injuste pour les plus démunis. C'est aussi l'indicateur d'une funeste orientation : il serait temps de repenser le lien social et le fondement moral et politique de la société.
Répondre
J
Dès lundi matin, je ne voulais plus entendre parler de cette triste affaire. Récupération politique d'un côté, récupération culturelle et religieuse de l'autre. Si bien que dans ce mélange absurde, on avait tué des juifs chez Charlie Hebdo et des journalistes dans un supermarché juif. Je n'invente rien, c'était écrit sur des affichettes !<br /> <br /> <br /> <br /> Ce n'est pas avec des bouts de papier, que les libertés nécessaires dont chaque pays a besoin qui feront le monde, surtout que ces "Je suis etc..." ont finit à la poubelle ou dans les toilettes le soir-même !<br /> <br /> <br /> <br /> Le défilé politique, une véritable aberration, un tortionnaire d'enfants palestiniens était même présent. Mais ce n'est pas grave, il faut préparer la campagne électorale de 2017... Tout ce dont nous sommes certains, le parti d'extrême-droite a été jeté à terre comme les extrémistes assassins !<br /> <br /> <br /> <br /> Le plus lamentable, verser des larmes de crocodile sur Charlie Hebdo, sans l'avoir feuilleté au moins une fois. Pour preuve, il était en déficit. Qui pourrait parler de l'historique de ce journal, personne ! Aussi, je vais essayer de faire un rapide cours d'histoire de ce journal...<br /> <br /> <br /> <br /> En 1938, Pierre Dac créa "L'Os à Moelle", un journal loufoque et sans grand succès. Bien sûr, il cessa d'exister pendant la guerre. En 1968, il fit parler de lui à nouveau, mais c'est en 1970/80 que je me souviens l'avoir lu. J'ai en mémoire les petites annonces : "A Buenos Aires, la pharmacie Lopez sera de garde dimanche prochain" ou dans les infos "Deux trains se sont percutés à grande vitesse, il y a des centaines de morts ! C'est ce qui aurait pu arriver, mais rien ne s'est produit, il étaient chacun sur leur voie...".<br /> <br /> <br /> <br /> A la mort de Pierre Dac, l'Os à Moelle laissa la place à Hara-Kiri, dirigé par le Professeur Choron et François Cavanna. La satirique monta d'un ton et le journal n'était vraiment pas à mettre dans les mains des enfants, des femmes nues sautaient sur les genoux de Choron, de Cavanna ou d'autres esprits satiriques de l'époque. Ce journal se dit "Bête et Méchant". C'est lui l'auteur du fameux : "Bal tragique à Colombey - 1 mort".<br /> <br /> <br /> <br /> Le temps passant, les décès arrivants, le journal Hara-Kiri céda enfin la place à Charlie Hebdo, créé par Georges Wolinski, qui resta dans le même esprit caustique, irrévérencieux et surtout, auteur de dessins pleins d'humour satiriques valant mieux que certains discours...<br /> <br /> <br /> <br /> Nous ne somme jamais trop sûr de nos affirmations philosophiques. Le slogan de Descartes "Je pense, donc je suis" n'est-il pas devenu "Je suis une chose qui pense", au moment de sa mort ? Maintenant, il faudra beaucoup réfléchir avant de dire "Je suis...".<br /> <br /> <br /> <br /> J'espère avoir décrit au plus prêt l'histoire journalistique des victimes de la haine. Mercredi prochain, il nous faudra acheter le Charlie Hebdo nouveau, puisque la recette sera versée au profit des victimes de la barbarie...
Répondre
Newsletter
153 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité