POESIE 14 - Le réel éclaté
LE REEL ECLATE : poésie 14
LIVRE I : REQUIEM
1
Ils sont tout près de nous
Ils gisent brisés sous la terre
Ils sont le feu obscur de nos pensées
Ne les réveillez pas, leur démesure
Ecraserait le ciel sur notre terre,
Ne les réveillez pas,
Leur sommeil tutélaire
Leur splendeur inhumée, calomniée
Dort du sommeil de la terre.
II
Ils ont laissé leur limon fécondant
Sur la terre qui tremble,
Et l’olivier, la vigne et le laurier
Entremêlent leurs feuilles drues,
Composent la couronne et la treille.
Plus jamais leur ombre importune
Ne troublera le bois sacré,
La danse calme des lucioles.
Et dans la source recueillie
De ton regard, ô bien-aimée
Jouera comme une flûte
Le rayon clair de la beauté.
III
Confuse et prolifique l’ivraie
Etouffe l’ordonnance des pierres
Et la pensée s’abandonne au futile.
Les allées sombres sous l’avoine
Comme des rêves oubliés, délaissés
Ne mènent plus à la fontaine.
Ah l’éclaireur, le rêveur avisé
Qui saura délivrer des pierres dures
Et du ciment de nos remords
La source au-delà de la mort !
IV
Repose en paix, toi dont l’ombre fragile
Erre comme le vol gracile des oiseaux,
Tes membres ne sont plus que poussière
Et tes pensées revivent dans les fleurs ;
Il ne reste qu’un nom, comme un arôme
Plus léger qu’une brise
Et plus dur que la pierre.
Les eaux emportent toute chose
L’air se parfume de couleurs,
Repose en paix, toi qui demeures,
Esprit du monde pacifié
Flamme secrète de mon cœur !
V
CHEMIN
Rocher veiné de sang
Eclair cristallisé
Tu marques d’un trait sûr
Les bornes de la mer.
Ici les aigles t’abandonnent,
Les alizés te déposent au rivage ;
Ici commence une marche plus grave
Sur les marches de pierre.
Plus lourd sur le gravier
Tes pas résonnent, ô Solitaire !
Tu explores ce grave chemin d’homme,
Si d’autres l’ont gravi avant toi,
Le premier tu l’explores pour toi
Le premier tu le nommes.