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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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16 décembre 2014

POESIE et PHILOSOPHIE

 

 

La poésie fut mon premier amour. Elle sera nécessairement mon dernier. Entre ces deux échéances j'aurai connu le pur délice de philosopher. Mais poésie et philosophie sont soeurs jumelles, triplement liées par le goût de la connaissance, de la vérité et de la beauté. Aussi vont-elles main dans la main par les allées du vaste monde, jamais tout à fait pareilles et jamais vraiment séparables. Leur matrice commune, leur demeure inaliénable, leur grandeur et leur souci, c'est le langage, l'amour inconditionnel du langage, son maniement délicat, infiniment subtil, expressif, absolu. Penser c'est dire, poétiser c'est dire. Le dire, voilà qui console à jamais de la perte, perte des choses, des idéaux et de la mort des dieux. Dire, c'est mener à l'existence, révéler, exalter les choses de ce monde, les manifester à la lumière, qui, en retour, les fait subsister et les nourrit. Ce que l'homme peut, et que l'animal ne peut pas, c'est faire exister toute chose dans le dire. Aussi, philosophe et poète, chacun, à sa manière propre, est-il, de vocation, l'amant de la langue en qui il découvre la sûreté de sa demeure.

Je m'interroge souvent sur la finalité ultime de la philosophie. On dit que la philosophie est de sa nature infinie, que le savoir n'a pas de terme assignable, que les connaissances se complexifient et s'enrichissent avec le temps, alors que les questions philosophiques n'ont jamais de réponse que provisoire. Sans doute, mais la philosophie ne se réduit pas au savoir, et si réponse il y a, elle n'engage que celui qui l'a trouvée. Je considère, en mon nom propre, qu'une philosophie réussie est à la fois infinie et résolutive, infinie dans l'infinité du monde, et résolutive pourtant, car il suffit de quelques propositions fondamentales, sûrement expérimentées et validées, pour fonder en vérité une existence d'homme. De toute manière, on ne peut atteindre au delà, sauf à reporter indéfiniment la décision de vivre. Conscient de cette invincible aporie, je me suis déclaré à moi-même que ma philosophie était achevée, et que telle qu'elle est, elle me suffit, et peut à l'aventure éclairer quelques autres que moi.

La poésie n'a ni début ni fin. Elle apparaît concrètement dans une conscience avec la naissance du langage, mais ce langage lui-même précède infiniment celui qu'il appelle à l'existence, porté et parlé par d'innombrables générations antérieures, appelant à de nouvelles combinaisons inouïes, de nouvelles fécondes parturitions, chaque homme venant sur cette terre étant susceptible d'enrichir et de renouveler la langue, à la condition de l'accepter d'abord, de s'y inscrire, de s'y former. Ce sont les premières chansons enfantines qui éveillent la conscience poétique, et, avec la voix unique et incomparable de la mère, les premiers émois, les premièrs enchantements. Et voilà, le processus est lancé, il n'aura jamais de fin. La langue est infinie, comme est infine la musique. Avec dix mots on fait un poème, comme avec dix notes une cantate.

La poésie c'est de l'amour. La pensée n'en est pas absente, du moins pas toujours, mais elle s'incarne merveilleusement, se transfigure elle-même en invocation, murmure, mélopée, cantate ou symphonie, et l'on cherchera en vain où elle commence et où elle finit. Aussi n'est elle pas l'essentiel. Le poème nous transpose dans un monde polyphonique, polysémantique, où s'effacent les frontières, où s'abolissent les genres et les codes, absorbés sans reste dans la souveraine ivresse du langage.

Il y a certes de la pensée dans Euripide ou Hölderlin, mais qui, s'il n'est un fieffé philistin, songerait à l'isoler de la structure rythmique et mélodique du poème?

J'ai, pour ma gouverne, quelques préceptes simples, dûment éprouvés et vérifiés, qui me tiendront lieu de philosophie, mais il sont autant dans mes poèmes, éparpillés au gré du vent, surgis sans crier gare du hasard de la disposition singulière, qui a ses propres lois et règles, auquel l'auteur, s'il en est un, se soumet, règles non écrites, non énoncées, mais d'une impérieuse nécessité, dont seul peut avoir prescience celui qui s'est donné pour règle de suivre la loi souveraine du Daïmon.

 

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