PRAGMATA : IX à XIII
IX
LE SEC ET L’HUMIDE
Emmurés dans le sec, c’est l’humide
Le bel humide céleste et maritime
Qui, dérobé, nous laisse
Altérés sur le rivage des temps.
Seuls font source, et souche, les fleuves
Qui des hauteurs s’élancent dans la plaine
Créant l’espace, et l’irriguant, le dilatant
Jusque dans l’immense, mais s’ils taisent
Leur fougue juvénile, c’en est fait, tout retourne
A la morne terre, au désert,
Et ce serait miracle si de là, jaillissant
Parmi les plaines sèches, les moellons
Eparpillés, les crânes pétrifiés,
Un autre dieu fertilisait le sol.
X
Qu’est ce donc Cela qui m’attache à Lui, plus
Qu’à tout autre, comme une ombre portée
De je ne sais quelle figure invisible
Aveugle tache au cœur de la lumière,
Et qui n’a pas de lieu propre, bien à elle,
Mais erratique, et qui voyage
Sans origine et sans destination,
Dans je ne sais quel entre-monde indiscernable ?
Je suis la voix de celui qui ne parle pas
Qui n’a jamais parlé, ne parlera jamais,
Dont je ne sais quel cri, pourtant, jaillit des profondeurs
Me hisse, me fouaille et me déchire ?
Même au séjour des Ombres livides
Où trouverai-je une bouche, une oreille
Qui ne soit trou béant, caverne sans muraille
Où ne se perd mon appel sans écho ?
XI
Tombe, tombe, ô pluie,
Modeste, salubre, sobre,
Jusqu’à l’origine,
Et ta lenteur qui me recueillie
Bercera l’âme lentement hors du temps.
XII
Tout doux, cela glisse tout doux
On ne saura jamais d’où
Nul ne sait vers où ;
Où, c’est toujours quelque part
Dans le désert de nulle part.
XIII
L’absence
C’est ce réel plus réel que tout réel ;
Mais tenir dans le déchirement, voilà la chose,
Rester ferme,
Le cul sur le fil du rasoir.