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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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1 août 2015

POSTLUDE - FIN de l'ovrage

 

                                                         

 

                                                  POSTLUDE : La Lumière et l'Orage

 

 

 

Le soleil donne sur les arbres. Le ciel est clair, avec cette petite aigreur matutinale qui provoque un délicat frisson de plaisir. Déjà, en cette saison dite morose, un air printanier enveloppe les branches. Les maisons semblent sourire vers la rue qui s'extasie. C'est le sud, et chaque jour je bénis la bienheureuse destinée qui m'a offert cette échappée vers la lumière.

"Elan vers le sud". C'est ainsi que dans la littérature allemande on qualifie cet attrait singulier, incompressible qui hantait Goethe, Schopenhauer, Nietzsche et tant d'autres. Il faut croire que le Nord, avec ses frimas interminables, laisse dans l'âme une sourde nostalgie. Et pourtant tous ces grands esprits revenaient chez eux après quelques semaines, ou quelques mois au plus, et souvent pour s'y établir définitivement. Je ne vois que Nietzsche pour s'être fâché sans recours avec les Allemands et avoir pérégriné, jusqu'à son effondrement, entre Nice, Sils Maria, Turin, Venise et Naples, parcourant sans relâche les sentiers de l'Engadine et les rues des villes méridionales. C'est sur le chemin d'Eze Village qu'il eut la révélation de l'Eternel Retour. Son "Zarathoustra" est-il concevable hors des plaines, des vallons, des pics et des altitudes, hors des foudroiements du Soleil de Midi ?

Hölderlin, amoureux s'il en fut de la Grèce antique, nommé précepteur à Bordeaux, entreprend un invraisemblable voyage, en calèche, à pieds plus souvent encore, depuis sa Souabe natale, par les montagnes du Massif Central, jusqu'à la Gironde, et croit découvrir dans le climat et les habitants de cette région toute la fière nature antique : "La nature athlétique des gens du Sud, dans les ruines de l'esprit antique, m'a rendu l'être propre des Grecs plus familier ; j'ai appris à connaître leur nature et leur sagesse, leur corps, la manière dont ils croissaient dans leur climat, et la règle avec laquelle ils protégeaient le génie, son excès, face à la puissance de l'élément". Et plus loin, dans la même lettre, il évoque "la lumière philosophique autour de ma fenêtre qui fait maintenant ma joie". Songeant à son pays bien-aimé il parle de l'orage "comme puissance et comme figure", et de la "lumière configurant les modes du partage, en sorte que quelque chose nous soit sacré". Hélas, on ne peut vivre à la fois dans le Nord et le Sud, mais l'orage de Zeus, et la foudre, et l'éclair, et la lumière, se peuvent accueillir partout, si l'on possède le sens de la vérité du Tout, si l'on se reconnaît enfant de Zeus et d'Apollon, comme lui savait le faire, mieux que personne !

Ce pays-ci, où je vis à présent, offre le miracle d'une végétation à la fois septentrionale et et méridionale, si bien que l'amoureux des grands arbres, comme je suis, peut aussi bien trouver l'ombre et le frais, et les sublimes éclaircies de la chaude lumière dans le feuillage du pin, du palmier et du citronnier :

"Dis-moi le pays où les citrons fleurissent !" soupirait Goethe. Ce pays je l'ai trouvé, en cette miraculeuse rencontre des contraires, dans leur enlacement voluptueux, dans cette tournoyante et paisible tempête des extrêmes réconciliés. Il n'est d'unité que par la danse lumineuse des contraires, à jamais entrelacés sous le soleil ! 

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Commentaires
G
Tout le problème, en effet, être d'être enraciné d'une part, et parfaitement ouvert - ouvert à l'élément, et au Tout. C'est le paradoxe en acte de la conscience philosophique incarnée dans un sol nourricier et réceptif cependant à la lumière qui porte tout et baigne tout. Il m'aura fallu, quant à moi, beaucoup de temps et de détours pour en entrevoir la nécessité et la beauté. - Merci pour ce commentaire sensible et éclairé.
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D
C'est très beau et cela me parle beaucoup.<br /> <br /> <br /> <br /> "Cap au sud" ai-je souvent écrit, ai-je souvent clamé au lever du soleil, avant d'arpenter les terres chaudes de midi, de vagabonder sur des cimes de terre ocre et de lapiaz, tendues comme des arbalètes sur une frontière aux contours improbables. <br /> <br /> Lorsque les écharpes de brumes tutoient les pentes brûlantes de l'Aragon, le pas devient poétique, la pensée se complexifie et se nourrit à l'infini des contraires. <br /> <br /> Il n'est de philosopher véritable sans un "site", un lieu où, fécondée par les tensions de la terre et du ciel, se déploie le geste de vérité, la vérité singulière de l'homme réconcilié avec la vaste nature. <br /> <br /> Merci pour la beauté de cet itinéraire, pour ce chemin vers un Ouvert enraciné et aérien tout à la fois.
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