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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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27 mai 2014

Le PLAISIR du RIEN

 

 

D'aucuns amoncellent comme s'il faisaient provision pour l'au delà. Nous autres, de nous savoir mortels, nous contentons de peu. Le peu vaut, s'il est le mieux, et le mieux c'est l'instant. Mais le fin du fin c'est le rien. C'est ici qu'est le souverain plaisir.

Ma délectation, c'est de me dire au petit matin : voici une nouvelle journée, toute vide, sans affaires, sans obligations, sans courses, ni alimentaires ni financières, sans devoir, sans tâche à accomplir, sans attente ni programme, rien, absolument rien ne me presse, ne me réclame, ne m'attend, n'exige de moi quelque attention ou prestation. Vide, parfaitement vide. Certains, qui ne se sentent vivre que d'être agités de mille manières diverses, y verront le comble de l'ennui, si ce n'est la menace d'une horrible angoisse. Moi, tout au contraire, je m'ébats, je me vautre sans scrupule ni vergogne dans la contemplation de l'absence, dans la jouissance paisible d'une parfaite incurie. 

N'avoir rien à faire, n'être le valet de personne, ne servir rien ni personne, c'est la définition de la scholè : " et la lumière philosophique autour de ma fenêtre". S'asseoir sans souci, et voir tourner le monde. Goûtons ce moment, car il ne dure pas, le monde nous rattrappe toujours trop vite. Il n'importe, qui a pu s'abstraire de la sorte le pourra encore, et toujours.

Il est urgent de se déprendre, en particulier des obligations que l'on s'est imposé à soi même, les plus prégnantes, les moins contestables, les plus opinâtres et difficiles à défaire. Demandons-nous : "que se passera-t-il si je ne fais rien, si je remets à demain le soin d'un livre que personne ne lira, si je vais courir la prétentaine, flâner au bord du Gave, roucouler avec les tourterelles? Le fait est que l'on "fait "toujours quelque chose, ne serait-ce que respirer ou rêver, ou marcher ou discourir, mais le probème n'est pas là : ne rien faire ou faire rien c'est ne pas s'affairer, ne pas s'attacher, se crisper, vouloir et s'obstiner. Il y a une mesure subtile, et un écart gigantesque, bien que mal aperçu, entre s'affairer et faire sans affaire : "wou wei" disent les Taoïstes : agir sans agir, agir en spontanéité et liberté.

"Le sage est sans affaire".

"Nous ne goûtons rien de pur" - Montaigne - tant que nous mêlons quelque obligation, ou sociale ou narcissique, ou dévotionnelle à notre prise. Et au vrai il n' y a rien à prendre, ni à apprendre, du moins lorsqu'on a parcouru un certain chemin : alors toute prise ennuie, tout travail empèse, tout projet exaspère. Vivons au gré, comme dit Michel, car en dehors de quelques situations vraiment tragiques où l'on ne peut se dérober, rien n'a vraiment d'importance. C'est dans l'écart, le trou dans la structure, dans la béance et le vide, dans le "jeu", entendons là où ce n'est pas saturé ni fermé, où le glissement est possible, et requis, c'est là qu'il importe de jouer, libre danse du corps et de l'esprit s'ébattant dans l'ouvert.

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Commentaires
J
Bien sûr, le plaisir du rien, nous fait penser tout de suite à Diogène de Sinope, disciple d'Antisthène et ainsi en opposition farouche envers Socrate et Platon en particulier. Je n'en resterai pas là, car il y a beaucoup à dire sur celui qui avait choisit de vivre de bien peu de choses...<br /> <br /> <br /> <br /> Il choisit donc de vivre dans une austérité et auto-mortification peu communes. Quant à son excentricité légendaire, elle n'est plus à rappeler. Il y a pourtant deux anecdotes qui méritent d'être citées. Après la légère altercation avec Alexandre, le célèbre chef de guerre dit : "Si je n'avais pas été Alexandre le Grand, j'aurais aimé être Diogène de Sinope".<br /> <br /> La seconde anecdote nous ramène plus à notre sujet. Un jour, Diogène vie un enfant boire à une fontaine, en ne se servant du creux de ses mains. Il cassa son écuelle en disant :"Même ça, je n'en ai pas besoin". Se contenter de si peu de chose, quelle humilité...<br /> <br /> <br /> <br /> Mais nous, plonger dans une société de consommation, d'un besoin de surabondance et de la peur de manquer de tout ; nous accumulons exagérément ce qui ne nous est pas indispensable, incapables de la moindre mesure (merci Protagoras), et de nous contenter de quoi que ce soit. Un nouveau parking ? Il faut vite acheter une automobile supplémentaire pour en profiter. C'est absurde, mais nous en sommes arrivés là.<br /> <br /> <br /> <br /> Nous avons devant nous une grande difficulté, une difficulté même insurmontable. Nous sommes devenus les esclaves de la modernité et nous ne pouvons faire marche arrière, la peur du rien hante notre existence ! Accepterions-nous d'être moins bien logés que le voisin de palier ? De marcher à pied (comme moi) ? De manger une nourriture simple et ne pas avoir son chariot débordant ? En croisant Monsieur Karl dans un supermarché (ça nous est arrivé).<br /> <br /> <br /> <br /> Le plaisir de rien est handicapant au début, mais au bout d'une longue période, pourrions-nous accepter le plaisir du rien ? Peut-être, et en faisant un effort supplémentaire, certainement ! Par contre, à aucun moment cesser de nous nourrir de philosophie, puisqu'elle nous montre le chemin d'une Sagesse dont nous avons grand besoin, si nous voulons vivre dans une simplicité authentique.<br /> <br /> <br /> <br /> N'avoir rien à faire, c'est le privilège des paresseux. Je vis seul et j'aimerai bien n'avoir rien à faire. Toujours obligé de penser à mon emploi du temps, ce que je vais faire de chacune des heures de ma journée et d'une partie de ma nuit, car c'est la nuit où il est le plus facile de lire ou de travailler sa philosophie...<br /> <br /> <br /> <br /> Pierre Dac a dit : "Il faut partir de rien avec rien et, arriver à rien avec pas grand chose". Il résume tout notre sujet du jour ! Mais, si le rien nous conduit au vide, attention de ne pas tomber dedaaannns ! Trop tard, je suis arrivé au fond et je n'y ai rien trouvé !<br /> <br /> Donc :"Plaisir d'amour ne dure qu'un moment, plaisir de rien dure toute la vie". Un petit plaisir qui n'est pas rien : "Bonjour Michel"...
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D
Bonjour, j'ai moi-même passé ma vie à ne rien faire et je crois y avoir acquis un certain savoir faire, puisque j'ai vécu de longues années sans avoir le moindre horaire de coucher, de lever et de manger, ce qui me faisait faire le tour du cadran environ tous les 45j, à croire que mon cycle normal est de 24h30. C'est socialement assez curieux quand vous vous levez à 10h du soir pour vous coucher à midi. On remarque cependant que le sommeil diurne est de moins bonne qualité que le sommeil nocturne. Quoi qu'il en soit, il manquait quelque chose à cette vie là, mais n'ayant rien à faire, cela m'a justement donné l'occasion de le chercher.<br /> <br /> Aujourd'hui, il n'y a qu'un faire qui me semble valoir la peine, c'est celui d'aimer. Car aimer ne nous est pas si naturel que cela. En effet, ce qui nous est naturel, c'est de vouloir être aimé, il n'y a qu'à voir comment on éduque les enfants. C'est finalement le seul levier que nous ayons sur eux. Un enfant peut se forcer à ne pas manger parce qu'il l'aura décidé, En revanche, il ne supporte pas l'isolement, c'est-à-dire l'idée que les autres pourraient le rejeter. Cela va si loin que si l'on regarde ceux qui commettent quotidiennement leur propre suicide spirituel, en dealant pour la mafia, en travaillant pour un abattoir ou autre, c'est toujours à la base parce qu'il y a eu un désir d'intégration sociale. L'enfant soldat en Afrique préfère tuer des gens pour être accepté dans un groupe, plutôt que de se retrouver tout seul dans la forêt. Bref, quand on voit finalement à quelle extrémité peut conduire le désir d'être aimé, c'est effrayant, alors même que cela ne nous fait aucun bien.<br /> <br /> Par contre, si l'on observe le bien que nous fait l'amour, quand c'est nous qui le ressentons, il apparaît très supérieur à la relaxation, au farniente, à la flânerie au bord de l'eau... Mais c'est un métier à plein temps. Au départ, c'est un faire d'une grande difficulté. Il nous faut trouver et donc créer des objets à aimer. Les traités sur l'oraison indiquent la méthode, on peut finalement l'appliquer à ce qu'on veut, même si l'on finit par découvrir que l'objet ultime est toujours le même : un infini inconnaissable qui nous aime et qui nous a créés pour l'aimer. Le non-faire est évidemment la fin, comme l'a si bien expliqué Madame Guyon - mais pourquoi diable a-t-elle été accusée de quiétisme, elle qui précisait que beaucoup d'âmes n'y parviendraient jamais et devraient pratiquer toute leur vie une dévotion volontaire ?<br /> <br /> Bref, quand on aime, on a l'impression d'être mort lorsqu'on n'aime pas. Alors peu importe ce que ça nous coûte finalement, cela devient notre unique activité et réclame toute notre concentration. On préférerait aimer en enfer que flâner au paradis.
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