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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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16 janvier 2014

CHARIS - La GRACE

 

 

Charis : charme, grâce, agrément, service, bienveillance, faveur, par ex "les charmes d'Aphrodite" - et aussi la reconaissance pour une faveur.

Charizein : faire plaisir, complaire.

En français c'est le mot grâce qui conviendrait le mieux en raison de sa polyphonie expressive : la grâce d'une personne, d'un mouvement, d'un geste, d'une action, avec l'idée de rayonnement (charisme) qui comble de plaisir et de joie, déclenchant une effusion de reconnaissance et de ravissement. Mais aussi la grâce dans l'idée de faire grâce, d'acquitter, de supprimer une dette ou d'effacer une faute. (grâce présidentielle). Rendre grâce, enfin, au bienfaiteur, ou à la générosité de la nature.

C'est un des plus beaux mots de la langue grecque qu'Epicure emploie plusieurs fois : 

"Les occupations, les soucis, les colères et les faveurs (charitès) ne s'accordent pas avec la béatitude (des dieux) - Lettre à Hérodote, 77.

Le vieux est invité à philosopher "pour que, vieillissant, il soit jeune en biens par la gratitude (charis) de ce qui a été". - Lettre à Ménécée, 122

'Le vieux, dans la vieillesse comme dans un port, a ancré ceux des biens qu'il avait auparavant espérés dans l'incertitude, les ayant mis à l'abri par le moyen sûr de la gratitude (charis)" - Sentence Vaticane 17

"N'est ami ni celui qui cherche toujours l'utile, ni celui qui jamais ne le joint à l'amitié : car le premier, avec le bienfait (charis) fait trafic de ce qui se donne en échange, l'autre coupe le bon espoir pour l'avenir" (SV 39)

"Il faut guérir les malheurs par le souvenir reconnaissant (charis) de ce que l'on a perdu, et par le savoir qu'il n'est pas posible de rendre non accompli ce qui est arrivé" (SV 55)

  Remarquons tout d'abord la grande cohérence de ce corpus : la grâce ne se marchande pas, même avec les dieux incorruptibles et bienheureux qui n'ont que faire de nos "actions de grâce", nos supplications et nos sacrifices, résidant dans de lumineux intermondes stellaires, et pourvus de tout ce que dieu peut désirer. A ce titre ils représentent l'idéal de la vie bienheureuse que veut construire l'épicurien.

La grâce est le bien gratuit que nous accorde la nature si nous savons vivre selon sa juridiction, douce et plaisante, qui ne nous prescrit que ce qui est facile à obtenir, à laquelle nous répondrons par la gratitude, la tempérance et la joie. Et quand survient une perte douloureuse, comme le décès d'un ami, c'est à la grâce d'avoir connu la douceur de l'amitié qu'il faut songer, et non pas ruminer la douleur de la perte. La grâce est une chance, une heureuse rencontre, un cadeau de la destinée. Le vrai ami est celui qui sait donner, mais aussi recevoir, et remercier.

Peut-on vouloir la grâce? Je ne le pense pas. Ce serait forçage, impatience. Elle vient ou ne vient pas. Elle est comme la beauté. Aussi les Grecs l'attribuent-ils préférentiellement à Aphrodite. Songeons à ce vers fameux de Sappho : " Trônant miroitante, immortelle Aphrodite" qui ouvre une de ses plus belles odes à la déesse de la volupté et de l'amour. J'aime infiniment ce pays de Grèce pour qui le cosmos était lumineux, baigné de toutes parts par la mer "au sourire innombrable", et qui sut préférer la beauté sensible aux mirages d'arrière-monde.

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Commentaires
Z
Mourir dans la grâce d'Apollon, ça vous dis ?<br /> <br /> <br /> <br /> "La religion de Montaigne<br /> <br /> <br /> <br /> Montaigne a été élevé dans la religion catholique et en respectera rigoureusement toutes les pratiques jusqu’à sa mort. Ses contemporains n’ont pas douté de la sincérité de son comportement. Ses convictions intimes sont-elles en harmonie avec cette dévotion extérieure ou se contente-t-il d’accepter la religion en usage dans son pays (« Nous sommes chrétiens au même titre que nous sommes ou périgourdins ou allemands. », « Ce n’est pas par la réflexion ou par notre intelligence que nous avons reçu notre religion, c’est par voie d’autorité et par un ordre étranger. ») ? Les interprétations sont contradictoires (à la toute fin des Essais, Montaigne, par le biais d'une citation d'Horace, recommande sa vieillesse à Apollon). On a vu en lui un incrédule (Sainte-Beuve, Gide), un catholique sincère (Villey), un esprit favorable à la Réforme (Nakam), un fidéiste (Tournon18, Onfray), un nouveau-chrétien contraint de taire les origines juives de sa famille (Jama). Les Essais, reçus avec indulgence à Rome lors de son voyage de 1581 (le Saint-Office lui demandera seulement de retrancher ce qu'il jugerait "de mauvais goût"), seront mis à l’Index en 1676 à la demande de Bossuet."<br /> <br /> <br /> <br /> http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_de_Montaigne#La_religion_de_Montaigne<br /> <br /> <br /> <br /> Et pourtant ce cher Montaigne voulait faire croire qu'il ne savait rien par son fameux Que sais-je ?. À mon avis il en savait trop et pas assez à la fois...Et vous les connaisseurs de ce blog, vous en savez trop ou pas assez ? Je demande la grâce de vos lumières tout de même.
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