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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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2 octobre 2013

De l' AMOUR : méditation

 

 

Il y a dans l'amour quelque chose d'impossible. Pourtant l'amour, ça existe. J'hésite toujours à en parler, craignant de dires des bêtises. C'est que je ne sais rien de plus difficile. D'abord cela ne se peut définir. Les mots manquent, ou glissent, dérapent et disent tout autre chose. L'impossible tient aux mots, mais aussi à la chose, si tant est qu'on puisse parler de chose. Y a t-il une chose de l'amour, comme il y a chose du désir, ou des désirs? A défaut de savoir ce qu'on désire on sait fort bien ce qu'on ne désire pas. Puis-je dire de même, je ne sais pas qui j'aime, mais je sais qui je n'aime pas? Oui, en effet, mais pour autant je ne sais pas, en aimant, ce que j'aime dans celle que j'aime. On sait qui on aime mais non pas ce que l'on aime. Il faudrait pour cela avoir exploré et compris la totalité de notre être, ce qui est impossible. Mais après tout, une telle connaissance est-elle bien nécessaire? Mieux vaut aimer sans savoir que savoir sans aimer. 

Spinoza disait que l'amour est une joie qui accompagne la vision de l'objet. C'est vrai, mais aussi, je ne sache pas d'amour sans une certaine crainte, crainte pour soi, crainte de dépendre, et crainte pour l'objet d'amour. Celui ou celle qu'on aime peut tomber malade, et mourir. On craindra de la perdre, on craindra le vide effroyable que cette perte va creuser dans notre chair et notre âme - ici le mot "âme" a vraiment toute sa signification et sa valeur : âme, amare, aimer, aimable, aimable amour - mais du même mouvement on craint pour elle, pour elle liée à moi, double perte, double douleur, désespoir redoublé.

"Toi mon amour, ma déchirure" écrit le poète. Si la déchirure n'existe pas encore dans l'être, l'amour va la creuser : l'amour se passe de toute certitude, parie sur l'improbable, défie l'impossible. Tout, dans le monde, conspire à en ruiner le fondement, aussi l'amour est-t-il sans fondement. Non sans cause, mais d'une cause incompréhensible, proche du rien.

En quoi l'amour est encore une modalité du tragique : incertitude maximale et défi sans justification. Et, en même temps, ineffable joie de sentir la présence, d'imaginer la présence dans l'absence, de penser la durée comme un risque, un gage, une promesse de bonheur.

Epicure, qui ne célèbre pas l'amour, mais l'amitié, nous donne la formule : charis, la grâce, et sa vertu éthique, la gratitude. Grâce insondable de la personne aimée, gratitude envers le sort, la bonne rencontre mille fois répétée qui nous donne la grâce, encore, d'une nouvelle rencontre.

Il en va de l'amour comme de la beauté, ce que les Anciens ont fort bien vu en liant les deux dans la personne d'Aphrodite. Amour et beauté sont le charme (charis) de l'existence, tout en plongeant l'amant dans les affres de l'incertitude. Ils ne se possèdent pas, ne se confisquent pas, il sont libres et souverains, à jamais indépendants de notre désir, et nous, heureux malheureux amants, nous ne goûtons à distance que le reflet tremblant d'une impossible félicité.

 

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Commentaires
F
Aimer, c'est aimer par dessus tout, d'un amour sans condition, tel l'amour d'une mère.Est-ce cela que l'on cherche toute sa vie?
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L
Ortega y gasset disait : L'amour est la tentative d'échanger deux solitudes.
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A
Un très bel article cher Guy.<br /> <br /> Et oui l'amour peut-être terrifiant, car il fait fi de l'analyse et de beaucoup de raisons raisonnantes, il s'empare simplement de nos êtres. Il nous tombe parfois littéralement dessus comme dans le coup de foudre par exemple.<br /> <br /> Il est ce sentiment magique, cette force alchimique; et il est tragique aussi puisque aimer c'est prendre un risque tout autant que vivre. <br /> <br /> Il est aussi ce sentiment cosmique qui a une telle force qu'il est capable de lier entre eux tous les contraires: la vie et la mort, le désir et la perte, l'enthousiasme et le désespoir, l'extase tout autant que le chagrin, nous ramenant ainsi comme à l'origine du monde et de nous-mêmes (il suffit de penser aux physiologues par exemple); il est en ceci profondément existentiel avec toute la signification du préfixe "ex". <br /> <br /> Mais par dessus tout, il nous maintient en vie avec une force incomparable, tout en étant capable dans le même temps de nous plonger dans l'inquiétude et l'insécurité les plus extrêmes: nous craignons tant de perdre ce qui nous rend simplement heureux.<br /> <br /> En cela paradoxalement, il reste fondamentalement lié au désir de vivre et à la recherche du bonheur. Et c'est ainsi que nous retrouvons Epicure.<br /> <br /> Bonne journée!<br /> <br /> <br /> <br /> PS: Je tiens à l'écrire ici: j'apprécie de pouvoir m'exprimer chez vous sur un sujet encore trop souvent réservé aux hommes dans le monde virtuel. Ainsi je ne désespère pas sur l'égalité dans le traitement des sujets.
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L
J'hésite aussi à parler de l'amour, tant il est difficile de le saisir ; en fait c'est plutôt lui qui nous saisit, car jamais au grand jamais on ne peut commander l'amour, on ne peut forcer l'amour....il arrive et il nous surprend......on représente Eros avec une flèche et c'est ce que je ressens quand je pense à l'amour : une flèche et hop, quelque chose en nous voit, vit , respire différemment .Une expansion du cœur qui donne un instant de plénitude, d’émerveillement ..C'est comme si la rencontre avec l' autre être avait activé l'amour qui est en nous, un amour enfoui au niveau de l'âme ! Une re- connaissance dans l'instantané.....C'est une impression extrêmement agréable qui nous rend léger comme une plume....<br /> <br /> L'après est plus difficile car l'amour n'est plus seul, il y a lui , moi et la relation ; les peurs, les désirs, les vieux schémas viennent en duplication sur du déjà vu ; l'amour doit être fort pour résister au temps ….......<br /> <br /> L'amour est la plus belle chose qui puisse nous arriver, car il nous révèle la beauté qui émane du cœur et révèle à l'autre la même chose!
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J
Aimer, c'est se condamner à souffrir... C'est ce qu'on peut songer dans ce résumé. Il ne faut pas se leurrer ; très souvent, l'amour est une question de libido et rejoint le fantasme dont nous avons parlé précédemment. Aphrodite ? Une tricheuse de l'amour, n'a-t-elle pas retenue Ulysse, sept ans en se servant de ses charmes ?<br /> <br /> <br /> <br /> Les poètes ont puissé autant qu'ils ont pu dans l'amour, voulant en faire un inaccessible but. Selon Jacques Brel : "Toi mon amour, ma déchirure..." nous conduit tout droit à l'étymologie qui nous confirme que la passion signifie la souffrance. Un autre chanteur, Léo Ferré, dans sa chanson, dit en conclusion : "Avec le temps, on n'aime plus..."<br /> <br /> <br /> <br /> Il y a donc l'amour et le désamour et ainsi. l'âme incapable des moindres sentiments, aussi bien amoureux, qu'amicaux. Épicure a bien raison de s'en tenir uniquement à l'amitié pour atteindre le bonheur, même l'amitié est incertaine d'être fidèle à ses engagements. Quant à l'amour, Épicure nous dit également que l'amitié est préférable à l'amour qui tend à perturber la paix de l'esprit, et ne pas privilégier les plaisirs sensuels. Ce qui signifie que l'amour est le perpétuel affrontement de deux consciences, c'est-à-dire une opposition de sentiments différents l'un de l'autre. "S'aimer, c'est regarder dans la même direction." Erreur que cette constatation simpliste ! Une métaphore ? Deux parallèles iront dans la même direction, mais ne se rencontreront jamais...<br /> <br /> <br /> <br /> Il y a bien sûr l'amour du Beau, cette chose parfois éphémère, comme un coucher de soleil, nous aimerons beaucoup cet instant, tant pis si le lendemain il pleut ! Aimer des œuvres artistiques, il n'y a que des avis intimes et personnels. Sinon, si nous exprimons tous le même sentiment, tout s'annule et devient dérisoire.<br /> <br /> <br /> <br /> Donc, l'Amour rejoint les absolus comme le Beau, le Bonheur, la Vertu ou la Vérité. Des espoirs souvent, des utopies parfois, dont un mortel n'a pas sa place, trop de Divin hors de sa portée...
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