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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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2 septembre 2013

Petite MEDITATION à propos d'un ANNIVERSAIRE

 

 

Voici deux jours j'ai célébré mon soixante huitième anniversaire. Mes proches ont été extrêmemnt aimables à cette occasion, me proférant encouragements et gages d'estime. Je fis de mon mieux pour être de la partie, me rendre digne de tant de marques d'affection, et cela fut une belle fête. Mais chaque anniversaire est un peu le rappel de la destinée commune, que Scott Fitzgerald exprimait fortement dans cette phrase célèbre : "Toute vie est bien entendu un processus de démolition".

On retorquera que la démolition suppose qu'il y ait quelque chose à démolir, que la vie précède nécessairement la mort, et que les deux en quelque sorte s'équilibrent : "Le fleuve de la génération coule ainsi continuellement et ne s'arrêtera jamais, comme son contraire, le fleuve de la destruction, que les poètes nommaient Cocyte ou Achéron" (Plutarque, Consolations à Apollonius, 10). Reste que pour l'individu la démolition est définitive et sans appel.

Sachant cela, on ne peut pas ne pas se poser cette question : à quoi bon faire tant d'efforts pour maintenir une vie destinée à la putréfaction? Que signifient ces injonctions morales, certes pleines de bonnes intentions, de faire de son mieux, de s'élever résolument dans l'existence, de grandir et de se développer, comme si nous avions l'éternité devant nous, et que chaque progrès assurât une plus haute excellence? Sous l'angle de la durée tout cela peut paraître un peu ridicule.

Nous vivons, sentons, pensons comme si nous devions vivre toujours. C'est l'instinct vital, c'est la pulsion de vie, c'est la force irrépressible du "dur désir de durer".

Mais notre inteligence, qui s'y connaît un peu de voir tant de trépas s'accumuler autour de nous, nous représente imparablement la vanité de nos efforts, et pour un peu nous conseillerait une aimable indolence, une paresseuse mollesse, laissant les choses se faire et se défaire sans bouger le plus petit doigt : "A quoi bon? Tout ce qui vit court à la mort, question de temps, question de hasard et de circonstances". Le mélancolique s'affligera, en toute chose lisant l'échéance fatale, l'hédoniste en tirera leçon de ripailles : "mangeons, buvons, demain nous mourrons". Et nous, que dirons nous?

C'est la leçon du tragique : "face à la mort nous sommes tous une citadelle sans murailles". On peut tout lâcher, cela se fait, et c'est assez facile. Mais aussi, est-il juste et noble de vivre comme si l'on était déjà mort? Le tragique tout entier tient dans ce paradoxe : il n'y a pas d'échappatoire, aussi est-il beau et noble de vivre en vérité, beauté et noblesse.

Cette proposition n'a aucune justification possible, ni physique, ni métaphysique, ni logique. Elle exprime l'arbitraire pur. Elle ne repose sur rien. Ne mène à rien. Elle est l'expression d'une gratuite absolue, comme lorsque Goethe dit : "je fonde ma cause sur le rien".

Aussi ne saurait-elle convaincre quiconque pense autrement. Disons qu'elle est de l'ordre de l'idiosyncrasie, disposition injustifiable et singulière d'un individu singulier. Mais il se trouve aussi que d'autres ont fait un choix semblable, et parmi les meilleurs. Ce qui d'ailleurs ne change rien, ne produit nulle valeur ajoutée.

Disons que pour celui qui, par ailleurs, ne croit guère au libre arbitre, c'est l'ultime, l'indémontrable et singulière expression de la liberté.

 

 

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Commentaires
S
3 jours, 3 ans nous séparent.Cette année j'avais un peu plus conscience du temps qui passe et de l'échéance...faire ou ne rien faire, écrire et voir la vie telle qu'elle est avec cette richesse en vous de philosopher.....mise à part notre physique qui nous rappelle nos limites, n'avons nous pas à l'intérieur de nous une sorte de jeunesse qui s'éveille avec le temps? les réflexions sur la vie, sur nous mêmes ont soulevé bien des enveloppes traumatisantes et blessantes. vivons comme si nous allions mourir demain, et comme si nous allions vivre l'éternité...Je ne suis pas toujours assez instruite pour vous suivre dans vos écrits, mais je continue de les approcher. ...merci et bonne route..
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J
Moi qui croyais vous rattraper en âge, c'est vous qui êtes encore un petit jeune. J'ai donc toujours 5 mois à attendre pour avoir 69 ans. Vous devez attendre encore un an.<br /> <br /> Quant au lapsus freudien, son étymologie signifie : "Action de trébucher"... Tenez bon la rampe ! Le champagne vous a déjà fait commettre un écart d'un an.
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G
Ces témoignages de sympathie me chatouillent agréablement et m'exhortent à continuer en dépit de tout. Merci, chers lecteurs, et puissiez vous trouver ici de quoi sustenter votre pensée!<br /> <br /> Une petite précision : par je ne sais quel stupide caprice je me suis attribué, dans la première version du texte, 69 ans au lieu de 68, - étrange lapsus freudien. Serais-je donc pressé de vieillir?
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C
Bien, nous voilà à tenter une illusoire philosophie du temps qui nous trahit de toute façon, dès le début....Le temps...au premier cri, c'est parti,plus moyen de reculer...<br /> <br /> L'âge....les limites...C'est une drôle d'histoire le temps, une histoire fort subjective, tissée d'événements plus ou moins marquants et de rituels.....anniversaires, mariages, baptêmes.....autres, rien même....<br /> <br /> A partir de 60 ans, nous devenons soudain comptables des jours,une sorte de mathématique obscure et tout aussi subjective que le reste.<br /> <br /> Une touche féminine........le miroir, temps spéculaire, .....fracassant toute illusion instantanément,une sorte de raccourci....<br /> <br /> Et pourtant, je continue à lire, à écrire, à chercher et à jouer ..avec le temps en regardant l'horizon.<br /> <br /> Bon anniversaire, <br /> <br /> 68 ans ,ça sonne bien, c'est joli, c'est doux à entendre...
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G
Bonjour Mr Karl , avec un peu de retard je vous souhaite un heureux anniversaire , j'apprécie vos beaux et justes exercices de pensées , continuez surtout car vos méditations sur ce mystère qu'est la vie méritent d’être lues et méditées !<br /> <br /> <br /> <br /> Avec mes plus amicales et attentives pensées,<br /> <br /> <br /> <br /> Dominique Giraudet
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