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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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13 mai 2013

De la DETTE SYMBOLIQUE

 

 

"Se passer du père à condition de s'en servir". Voilà qui donne de précieuses indications sur la question de la dette qui est un problème majeur dans l'existence humaine. Combien de personnes s'épuisent leur vie durant à éponger une dette d'autant plus écrasante que sa source, sa nature et sa signification échappent à toute conscience? On y verra une illustration du samsârâ, répétition interminable et vaine de processus de réparation qui semblent, au lieu de se réduire, s'intensifier avec le temps, comme si chaque cycle de compensation rendait la dette encore plus aiguë : dette insolvable, à laquelle  seule la mort  mettra un terme. C'est peut-être le fondement inconscient de la croyance religieuse. Mais pour nous, philosophes, il importe de saisir la nature du processus, de le comprendre en entier, si nous voulons édifier une liberté  la portée de l'homme.

En quoi consiste la dette? C'est d'avoir été adopté, nourri, élevé dans l'ordre de la culture. A la mère nous devons le nourrissage, au père la séparation. La fonction paternelle est double. D'une part le père est le représentant de la loi, selon laquelle l'enfant doit se séparer de la mère - et la mère de l'enfant, afin de conduire l'enfant dans le chemin de la subjectivation, ce qui est impossible s'il se maintient dans l'orbe du désir maternel. L'enfant est appelé à se séparer, séparation qui est parturition. De la sorte la mère est doublement parturiante, au moment de la naissance physique, et, dans un processus graduel, de la naissance psychique. La subjectivation se fait sous l'égide de la Loi, et détermine un accès, difficile certes, mais nécessaire à l'ordre du langage et de la parole. D'autre part le père donne l'exemple d'un accès au désir sexuel puisque, après avoir renoncé lui aussi à sa propre mère, il se pose clairement comme le partenaire sexuel de l'épouse, qui est la mère de l'enfant. Voilà qui dessine une généalogie, un contrat entre les générations dans lequel l'enfant pourra prendre sa place de sujet. C'est ainsi que l'enfant apprend à "se servir du père" : prendre exemple sur la subjectivation en acceptant les lois fondatrices du langage. 

En toute rigueur la dette se limite au champ symbolique. Chaque sujet est redevable de ce que l'éducation parentale lui a permis de se positionner correctement dans le champ symbolique, par le processus de séparation-parturition. La dette se paie par la reconnaissance, non par la soumission. Ceci représente la second volet de l'analyse.

"Se servir du père pour s'en passer" - car il ne s'agit pas de devenir une sorte de doublure en se maintenant dans l'imitation du père, ou en prétendant incarner son désir. C'est là que le second aspect de la loi prend toute sa signification, et ce serait encore un ratage de la symbolisation que de rester l'éternel enfant du père. Comme il a fait lui-même - plus ou moins bien, jamais parfaitement, il s'agit de tracer une route originale pour le désir, de risquer sa parole et son existence dans des chemins originaux, singuliers, par quoi le processus de subjectivation puisse s'essayer et s'affirmer. Vient un moment où se fera cette seconde séparation-parturition, où le fils, ou la fille, "trahira" le père, dans une infidèle fidélité, infidèle à la lettre et fidèle à l'esprit.

Payer sa dette signifiera paradoxalement y mettre fin. Tant que l'on croit à la dette elle s'augmente d'elle-même, et tend à l'infini. Mais pour ne plus y croire, pour ne plus se sentir redevable, il faut la payer. Elle se paie dans la processus de séparation, par l'accès à la subjectivation. C'est alors qu'on se passe du père pour avoir su s'en servir.

 

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Commentaires
J
Dans son livre II de l'Histoire de la guerre du Péloponnèse, Thucydide dresse un portrait de Périclès, homme politique d'Athènes : «Grâce à l'élévation de son caractère, à la profondeur de ses vues, à son désintéressement sans bornes, Périclès exerçait sur Athènes un incontestable ascendant. Il restait libre tout en dirigeant la multitude. Ne devant son crédit qu'à des moyens honnêtes, il n'avait pas besoin de flatter les passions populaires. […] En un mot, la démocratie subsistait de nom ; mais en réalité, c'était le gouvernement du premier citoyen.»<br /> <br /> Jacqueline de Romilly dirait une fois de plus que Périclès était le plus prestigieux gouverneur d'Athènes et elle aurait bien raison...
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