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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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9 avril 2013

De l' AMI : Epicure

 

 

"L'homme bien né s'adonne surtout à la sagesse et à l'amitié" : sophia kai philia ; voilà qui, en un seul mot donne : philo-sophia. Epicure écrit toujours très soigneusement, ciselant ses formules avec dextérité et concision. En une phrase il donne la caractérisation primale de la philosophie, dont la formule est réversible. Philosophia: amitié pour la sagesse : sophophilia : sagesse de l'amitié. Le pivot de la définition est dans le philein, aimer en amitié ; amitié pour la sagesse, comme terme et réalisation (telos), achèvement, mais aussi aimer en sagesse s'il est clair que la sagesse est l'élément fondamental dans le quel se déploie l'activité du sage, en relation avec l'ami, ou les amis (de la sagesse), dans le "sumphilosophein", philosopher ensemble-avec (sum). La sagesse est cet Autre auquel se réfère l'ami de la sagesse, en même temps que le sage est l'ami de l'ami, tous deux réunis, reliés, aimant, philosophant ensemble dans l'élément commun : la philosophie. 

C'est dire qu'il n'y a de philosophie sans amitié, à la fois pour les amis, et pour cette Autre, la sagesse, qui relie les philosophants dans le même cercle enchanté.

Remarquons l'originalité de cette position : l'épicurien n'a rien de socratique. Il ne se pose pas comme un questionneur qui, telle une torpille, contraint le partenaire à la confession d'ignorance. Je n'ai jamais aimé la prétendue ironie socratique, laquelle tient plus de la question (la torture) que de l'amitié. Socrate se pose en référent du dieu et de là il torpille les opinions pour, dit-il, faire accoucher la vérité. Mais cela ressemble fort à un travail au forceps : voir les interminables approbations, les "oui", les "en effet par le chien", les "tu as raison Socrate" qui ponctuent les fastidieux "dialogues" platonicien, qui n'ont de dialogues que le nom. Socrate fait les questions et les réponses devant un partenaire réduit à la portion congrue, témoin calamiteux et pitoyable de la virtuosité dialectique. Socrate a des disciples, des suiveurs, des contradicteurs, il n'a pas d'ami.

Il n'est pas d'amitié sans une certaine forme d'égalité. Non pas égalité de savoir et d'expérience, qui relèvent de l'âge et des circonstances, mais égalité de statut, par la commune participation à la philosophie. D'où cette maxime : "Il n'est pas de sage qui soit plus sage qu'un autre"(DL, X, 121b). Une fois atteinte la joie on ne peut espérer mieux, la joie peut varier mais non s'étendre à l'infini. Mais elle est constante : "Celui qui est devenu sage une fois ne peut plus de son plein gré voir une disposition contraire, ni simuler une telle disposition" (DL, X, 117).

Remarquons aussi que cette amitié ne repose pas exclusivement sur l'affection et les dispositions du coeur. Elle repose très légitimement sur une certaine utilité (ophelia), impliquant le secours réciproque et le plaisir d'une sécurité partagée. Mais aussi elle s'étend au delà de la vie, jusque dans l'avenir : "Par la présente je lègue tous mes biens à Amynomaque (...) à la condition qu'ils mettent le Jardin et ses dépendance à la disposition d'Hermarque (...) ainsi qu'à ceux qui philosophent avec lui, et aussi à ceux qu'Hermarque laissera après lui comme nos successeurs en philosophie, pour y mener une vie conforme à la philosophie" (DL, X, 17). L'ami a le souci de l'ami, pour aujourd'hui et pour demain. Ce souci est désir du bien, bien de l'autre, bien de soi, et à ce titre un bien à la fois mortel et immortel.

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Commentaires
J
Dans les cafés-philo, j'aime créer spontanément des métaphores, car il y a de grands néophytes. Pour mieux faire comprendre Épicure, j'ai dit : "L'épicurisme, c'est casser une barre de chocolat et de n'en mangé qu'un carré !"...
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J
De nombreux livres ont été écrits sur le thème de la définition exacte du mot "philosophie", et à chaque nouvelle traduction, une nouvelle définition vient s'imposer. Disons que la plus commune se situe dans "L'amour de la Sagesse"...<br /> <br /> Quant à Socrate, il est vrai qu'il aimait "torpiller" Ménon, sous le prétexte qu'il n'était pas bon de répandre avec certitude, l'argumentation d'un sophiste comme Gorgias, surtout à propos de la Vertu... Cette maïeutique se partageait sur l'Agora d'Athènes. Mais il n'en était pas de même pour la méthode d'enseignement d’Épicure.<br /> <br /> D'abord, son célèbre Jardin se situait entre les deux enceintes extérieures de la ville. Ainsi, il pouvait plus facilement s'adresser à tous les habitants désireux de l'écouter, femmes et esclaves compris. Même les étrangers à Athènes ou d'ailleurs pouvaient venir écouter la philosophie d’Épicure... Il l'a répandit tout autour de la Méditerranée et sa célébrité lui valut une statue d'airain.<br /> <br /> Épicure écrivit environ 300 livres de philosophie et aussi de physique. Mais après sa mort, ils se retrouvèrent entre les mains de l'un des nombreux amis d’Épicure, mais qui habitait Herculanum et le Vésuve nous privera de toute l'oeuvre d’Épicure.<br /> <br /> Bien sûr, Lucrèce et Diogène Laërce ont écrit sur Épicure et sur l'épicurisme. Mais de la main de l'auteur, il ne nous reste qu'un livre de poche de 220 pages, composé de quelques lettres, maximes et sentences. Platon et Aristote n'ont heureusement pas eu cette malchance...
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