Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 089
28 mars 2013

ICI et AILLEURS

 

 

De retour à Pau je me dis : "je rentre chez moi". Mais que signifie cette phrase "je rentre chez moi", et où est-ce donc chez moi? Je dirai c'est mon épouse, mes proches, mes amis, c'est mon appartement, mon bureau. Mais je sais aussi que ce n'est là que réponse conventionnelle, je sais, dans mon intimité, que je ne suis pas tout à fait ici. Et alors je me demande : fut-il un temps où j'étais parfaitement là où j'étais, sans aucune distanciation, sans rature ni approximation? C'était, sans aucun doute, l'enfance, et le jour où j'ai quitté ma région d'origine, j'ai su que l'enfance était finie, que même je ne retournerais plus jamais dans le lieu que j'ai quitté. Je me suis découvert apatride, éxilé, un temps comme ahuri par la rupture, puis de plus en plus souvent satisfait, soulagé, heureux. Je n'ai aucune nostalgie des lieux où j'ai vécu, pour raisons professionnelles, je ne me suis nullement installé, enraciné. Je n' ai pas de vraies racines, comme ces gens qui se sentent chez eux là où vécurent leurs parents, là où ils vivent eux mêmes, confiants et satisfaits.  Et je ne peux jouer ce jeu un peu ridicule de me faire passer pour un Béarnais ou un Palois. Ici je vis, heureux d'y être, sans regret ni nostalgie. Mais cette localisation n'est pas un enracinement. Simplement, chaque jour je réitère silencieusement ma décision de vivre ici plutôt qu'ailleurs. Toujours il y aura un petit écart, une secrète fêlure qui me fera n'y être qu'à moitié. Quant à l'autre moitié c'est la part hors-demeure, hors convention, par quoi, comme les Anciens je suis citoyen du monde alors même que je me déplace de moins en moins, trouvant ici, aussi bien qu'ailleurs, de quoi nourrir mon amour de la vérité, et mon désir de partager ce désir avec autrui. Par un côté essentiel, inamovible, je suis et reste l'étranger, familier de l'inclassable, amant de l'insolite, poète du nulle part. Définitivement ailleurs au coeur de l'ici.

Publicité
Publicité
Commentaires
A
Il n'y a que l'état civil pour nous inventer des racines...mais pour les esprits nomades, il n'est besoin d'aucun passeport, pour les oiseaux non plus....<br /> <br /> Merci Guy pour votre si joli texte!
Répondre
J
S'attacher aux lieux, aux choses ou même aux êtres humains n'a pas une si grande importance. L'épicurisme préconise essentiellement de vivre sans aucun trouble pour atteindre le bonheur, c'est-à-dire l'ataraxie. On peut jouir avec plaisir du souvenir de toute la vie que nous avons vécue. Mais à quoi bon rester dans un attachement passif qui nous conduira sytématiquement à des regrets, à de la nostalgie. Ainsi qu'à des objets ou à des gens qui nous survivront quelque temps peut-être et tout disparaîtra comme nous-même, avec le temps... (merci Léo Ferré).<br /> <br /> Je n'affirme pas que nous devons vivre isoler de tout ce que nous avons vécu, mais apprécier tous les instants présents dans une sérénité bienheureuse. Lorsque notre vieillesse arrive, continuer à faire des projets pour être heureux jusqu'à notre dernier souffle. Même la maladie doit laisser intacte notre enthousiasme de vivre. Tant que nous sommes là, la mort n'y est pas... (merci Epicure). Une vie heureuse, c'est assurément de continuer à faire des rêves de voyage, de rencontres et de toujours avoir le besoin d'une envie de vivre et non une envie de mourir. Attendre uniquement la mort, c'est une lâcheté envers soi et autrui.<br /> <br /> Un jour, dans un café-philo, j'ai entendu une Dame âgée dire : "J'ai 80 ans, je vais doucement vers la mort, en regrettant de ne pas avoir accompli tout ce que j'avais espérer pendant toute ma vie...". Comme a dit Montaigne, il faut philosopher pour apprendre à mourir. Nous ne vivons pas dans un "chez moi", car aucun lieu précis ne nous appartient nous ne sommes pas les propriétaires de l'Existence, mais seulement l'existence d'un passage furtif sur Terre. Ne collectionnons pas l'inutilité des instants qui se retrouvent très vite dans la poubelle du passé. C'est-à-dire, ne pleurons pas sur l'assiette que nous venons de casser !<br /> <br /> Profitons de la vie, puisqu'elle est notre compagne de tous les jours, et tant pis pour les soucis et les joies. Oui, même les joies sont passagères... A 20 ans, mes amis me surnommaient Epicure. je ne comprenais pas. Maintenant, à près de 70 ans, je pense, en toute modestie, pourquoi...
Répondre
G
Superbe prolongement, chère amie. Et de bien beaux commentaires. Merci à vous chers lecteurs.
Répondre
H
On peut considérer le « chez soi », l’habitation où l’on vit avant tout comme un abri, un nid où se blottir, confortable et douillet si possible. On peut changer de nid plusieurs fois au cours d’une vie, avec pour chaque nouveau lieu, le sentiment premier d’étrangeté, et la nécessité d’y demeurer un certain temps pour dissiper cette impression et y retrouver l’intimité du nid .C’est d’abord cette intimité qu’il faut permettre et préserver, afin de pouvoir tisser à partir d’elle le reste .Tu soulignes très justement Guy, comme il est déroutant d’être privé de ce lieu intime. Comme les navigateurs, il est bon de pouvoir retrouver un port d’attache .L’empreinte des lieux où l’on a vécu demeure en nous et crée toute une mosaïque de tableaux plus ou moins présents selon l’intensité vécue dans ces lieux. La géographie et l’histoire de la maison natale créent certainement l’empreinte la plus vive. Bachelard nous éclaire de manière très poétique au sujet de la maison natale. Et je te rejoins tout à fait, Guy, lorsque tu parles de cet « ici et ailleurs ». Ce qui est important n’est pas de se sentir « enraciné », mais de pouvoir à partir du bien être éprouvé dans un lieu se déployer vers l’ouvert. Et ne pas s’attacher plus que nécessaire à cela. Etre ici et ailleurs. En écho, ce petit refrain de Rezvani : « Je ne suis fils de personne/je ne suis d’aucun pays/Je me réclame des hommes/qui aiment la Terre comme un fruit ».
Répondre
J
Descartes dirait métaphysiquement, que ses racines sont à l'origine des fruits qui ont créé son existence. L'être humain vit comme un nomade et aucun lieu ne peut lui appartenir réellement, ni complètement. Donc, beaucoup plus que la jeunesse, c'est toute la vie que nous voyageons et que se forme notre bonheur d'être jeté dans le hasard de la vie. Pour ma part, comme Marcel Pagnol, je pourrais dire que je suis un tiers du Centre de la France, un tiers de la Bretagne, un petit tiers de la Gascogne, et un grand tiers du Pays Basque ! Sans oublier un soupçon de Béarn !
Répondre
Newsletter
154 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité