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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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21 décembre 2012

De l 'ABSENS et de l' ABSURDE

 

 

 

A considérer l'immensité du ciel et de l'espace, à imaginer des milliers de galaxies dispersées dans le vide, plus que Pascal saisi d'effroi, je tombe dans une sorte de stupeur, et alors cette pensée m'envahit : "cela n'a pas de sens!" La disproportion, la démesure est telle qu'aucune représentation n'est possible, l'imagination elle-même cédant au vertige, dans l'affolement de toutes mes facultés. Qui sommes-nous pour juger, mesurer, calculer l'inconcevable? Je le sais bien, il est des astrophysiciens qui s'ébattent dans ces immensités, qui soupèsent les distances, se débattent dans des spéculations sur la naisance et la durée des étoiles, l'incurvation de l'espace, jouant des milliards d'années lumière comme s'il s'agissait de mètres et d'hectomètres, mais je me demande souvent s'ils ne perdent pas la boule à l'aune de leurs extravagances. Certains même soutiennent qu'il existe non pas un univers mais des milliers, des millions, et plus encore, jusqu'à nous précipiter dans une sorte de psychose de l'illimité. La science poursuit légitimement son travail d'exploration, cela va sans dire, mais le profane que je suis est renvoyé à son incapacité constitutive : "cela n'a pas de sens". Au rebours on peut estimer que voilà une excellente occasion de philosopher sur les limites de l'entendement, et en tirer leçon de modestie. Car au total, que savons-nous? Etrangement, toutes ces découvertes éblouissantes ne modifient guère notre position dans le monde, et nous ne sommes guère plus avancés qu'à l'époque des cosmologies de Thalès ou d'Anaximandre. C'est un peu moins faux, mais non pas ostensiblement plus vrai. Et de toute manière, que l'on soit partisan d'un plurivers infini ou d'un unique univers limité, en quoi cela nous concerne-t-il, au bout du compte? La science est admirable, elle suscite et excite de nobles facultés de connaissance, elle a sa dimension poétique propre, elle fait rêver, s'étonner, admirer - pour nous jeter dans un embarras plus grand encore : docte ignorance qui supplée, sans rien changer, à l'ignorance simple, avec quelques questions de plus, et la conscience accrue du non-savoir.

Cette impression de non sens radical je l'éprouve très souvent, en d'autres domaines encore : on s'acharne à vivre, un jour de plus, encore un jour, et cela fait bientôt un mois, une année, deux années, dix années, et au bout du compte, comme les feuilles d'automne, on sèche, on dépérit, on glisse  au trépas. Je veux bien qu'on se trouve d'excellentes raisons de vivre, utilité, plaisir, devoir, responsabilité, ou tout simplement la voix de la nature qui nous incline à perséverer dans son être, sans doute, mais après, sous le regard de la raison, qu'est-ce à dire, sinon que cela n'a pas de sens? C'est et toujours encore un absurde radical, injustifiable, que nous trouvons à l'origine des choses, aussi absurde que l'immensité inconcevable de l'univers, ou l'infiniment petit, ou l'organisation de la société, ou la guerre, ou l'égoïsme indécrottable des humains et la lutte des espèces pour se continuer à l'identique à travers les siècles des siècles. C'était, somme toute, une croyance fort habile et élégante de s'en remettre à une divinité tutélaire, responsable et garante du sens : "Dieu ne fait rien au hasard, même si ses voies sont impénétrables". Que voilà une réponse éclairante! "Dieu, asile de l'ignorance" déclare Spinoza. Mais si l'on découvre que le roi est nu, que le Grand Autre, bien que nécessaire à fonder en droit le rapport entre les hommes, n'est qu'une convention, un artifice de la raison, sans contenu ni visage, simple forme  priori, alors que se passe-t-il? L'absence de sens, l'Absens fait une irruption fracassante dans la conscience, emporte toutes les certitudes, exhibe la vacuité essentielle de toute représentation. Moment terrifiant et sublime, sublime de terreur et de beauté. Car il y a de la beauté, et cela ne fait qu'ajouter à l'énigme. Après tout le ciel pourrait être essentiellement laid, la terre noire,  les étoiles éteintes, noir et gris  pour l'éternité, mais non, la mer est sublime, le ciel infiniment varié, les arbres réjouissent nos coeurs, il y a de séduction à vivre dans ce monde en dépit de toutes les laideurs. La beauté qui nous enchante ajoute à l'illusion, projette une illusion de sens, conspire à l'hypnose générale, et redouble la déception.

Il faut en prendre son parti : l'Absens est le statut du réel. Les hommes s'en accomodent fort bien, en général, et tirent de leur propre fond de quoi alimenter l'instinct de vie. L'imaginaire offre ses services, et nous voilà pourvus de croyances, d'idéologies diverses et variées, d'idéaux et de valeurs, auxquelles chacun brûle de sacrifier sa vie. D'où la fureur, la violence et la guerre. Mais cela occupe, distrait, fait passer le temps. Et l'on tue le temps en espérant le vivre. Telle est la tragi-comédie des hommes.

On dira: "Mais quel est l'intérêt de visiter les zones grises de l'Absens? N'est ce pas là nécromancie, nécrophagie, nécropathie?" Ma foi, que chacun fasse selon son coeur. Il y eut, dans l'histoire humaine, quelques originaux pour s'interroger sur le fondement. Ceux-là, en bons médecins, ont diagnostiqué la folie ordinaire, folie du sens. L'Absens n'est pas une idée confortable, ce n'est même plus une idée. Elle ouvre à l'abîme de la vérité. Aussi importe-t-il de s'y frotter.

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Commentaires
C
Pour Bernie <br /> <br /> Vous parlez du cosmos et du sens du cosmos .La Nature est ce qui s’offre avec évidence à tous les hommes .Il n’y a rien d’autre que la Nature , autrement dit la Nature est le Tout et l’univers du big-bang n’est que peu de choses dans l’immensité du Tout . Nous ne pouvons qu’en prendre acte et simplement dire « il y a » .<br /> <br /> <br /> <br /> Il faut bien reconnaitre que nous croyons maîtriser notre quotidien puisqu’il s’agit de nous dîtes –vous , mais en sommes –nous bien certain ? Nous pouvons définir le réel comme le régime métaphysique gouverné par le hasard ou la fortune ( fortuna= hasard ) .,mais certainement pas la providence qui nous ouvre alors la porte de la croyance en la transcendance et la question du sens et du non sens .Vaste débat entre le grand horloger de Voltaire et le Hasard .Certes , toute croyance qui donne du sens ne peut être mise aux oubliettes car le sujet croyant conserve la liberté de la représentation du « croire et du douter « donc du sens ou du non sens .Soyons un peu tolérant envers autrui même si le Dieu du monothéisme puisse être un objet( au sens philosophique du terme) culturel relatif à une culture particulière(judéo-chrétienne) Personnellement, quelque puissent- être nos croyances singulières , nous pensons qu’il faut essayer de prendre un peu de hauteur et laisser de côté toute notion de sens ou du sens c'est-à-dire toute croyance . Mais vous allez me rétorquer et vous aurez raison que le refus de croyance est tout de même une croyance . Certes je puis l’admettre ,mais elle se situe à niveau autre .<br /> <br /> <br /> <br /> C’est la raison pour laquelle certains philosophes préfèrent parler d’ab-sens (absence de sens en présence du réel ,dont je me sens assez proche dans la réflexion .Je voudrai articuler mon propos sur la réflexion du hasard et de l’ab-sens en restant terre à terre puisque nous sommes concernés au premier chef .<br /> <br /> Qu’est-ce à dire ? Dans notre vie nous cotoyons ce réel très proche ,considéré par nous même irréel mais pourtant bien réel quand celui –ci nous rattrape . Lorsqu’une femme de 35 ans , mère de 2 enfants , disparait en quelque mois, frappée par un cancer foudroyant ,laissant un veuf et des orphelins ,ce réel nous a pris de plein fouet , le hasard nous a frappé . Pourquoi moi et pas ma voisine ? C’est le réel absolu et l’ab-sens , l’innommable , le non pensé qui ne pouvait pas arriver , non ce n’était pas possible , femme sportive ,hygiène de vie , pas de tabagisme ni d’alcoolémie , épouse parfaite , amour au foyer . Que pouvons nous dire ?<br /> <br /> Ou encore quand , un enfant en pleine santé est brusquement atteint d’une leucémie foudroyante et disparait dans d’atroces souffrances , que pouvons nous dire ? Pourquoi mon fils et pas l’enfant du voisin ? Hasard du réel et ab-sens absolu ,absurdité.<br /> <br /> L’ AVC qui nous frappe et nous voilà comme un légume , grabataire dans un fauteuil . L’accident « bête » , renversé par une voiture et nous voila tétraplégique . J’arrête , mais les exemples seraient encore nombreux . Tous ces cas ,sont bien réels , ils nous concernent , il s’agit bien de nous , mais pouvons-nous les penser sereinement sans trop d’affects ? C’est la truelle à la main que l’ on voit le maçon au pied du mur .<br /> <br /> Si j’ extrapole un peu ma pensée , je crois que nous ne sommes que des feuilles ballotées au gré des vents ,emportés par les flots avec très peu de maitrise sur nos vies , soumis au hasard , et pourtant nous voulons ou essayons de maîtriser les choses ,car justement nous avons horreur des incertitudes ( du réel) car il nous échappe entre les doigts comme si nous voulions retenir une poignée d’eau entre nos mains . Nous enfermons à clef dans une case de la psyché ce réel avec lequel nous fleurtons tous les jours , et nous refusons de le penser car trop dérangeant , la mort pouvant être considérée à mes yeux comme lé réel absolu .. Mais quand le réel et l’ ab-sens frappent à la porte , que se passe t-il dans nos vie ? Nous sommes alors doublement frappés , d’abord en tant qu’individu singulier soumis au hasard mais nos proches sont aussi également concernés puisque nous sommes des êtres d’altérité .<br /> <br /> La question qui se pose dès lors est celle –ci. Faut-il « penser » le réel ,doit-on penser le réel ,sommes –nous prêts à le penser , pouvons –nous le penser englués dans le « on », le voulons-nous réellement ? Chacun de nous possède en lui-même la liberté de la réponse si tant est qu’il puisse y en avoir une .<br /> <br /> Ce qui ne nous empêche nullement de jouir pleinement de la vie , de partager des joies et des plaisirs avec nos amis , d’apprécier parfois des plaisirs naturels mais non nécessaires dans l’ harmonie de la mesure ..<br /> <br /> .
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G
Dès que l'on écrit on produit du sens. Dès lors toute la difficulté, si l'on veut faire signe vers la vérité et l'Ab-sens, est de parler ou d'écrire en désignant la vacuité du discours que l'on tient -insurpassable paradoxe, qui pourtant ne doit pas rebuter, sauf à se taire définitivement. "En quarante ans d'enseignement Bouddha n' a jamais rien enseigné".
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S
Bonsoir,<br /> <br /> Je lis avec intérêt cet article.<br /> <br /> Est-ce que derrière le mot "sens" vous mettez : "raison d'être" ?<br /> <br /> Si oui, je suis globalement en accord avec ce texte.<br /> <br /> En effet, le regard qui va plus loin que ce qui se donne à l'entendement commun<br /> <br /> découvre que rien de ce qu'il perçoit n'a de raison d'être. Il aurait pu ne rien y avoir<br /> <br /> ou bien y avoir quelque chose de différent. Dès lors, à quoi bon la connaissance ?<br /> <br /> La connaissance a de sens tant qu'on ne voit pas l'Ab-sens...<br /> <br /> <br /> <br /> Et si l'on va encore plus loin, dans le droit fil de cette découverte, on peut se poser la question : puisque rien n'a de sens, le fait même de se poser la question du sens a-t-il un sens ?<br /> <br /> De quoi rester perplexe...et de devenir pyrrhonien.<br /> <br /> Bien à vous,
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H
En écrivant ceci, vous avez créé du sens. Et cela ne peut s'arrêter. Même le cadavre est une inépuisable fabrique du sens. Votre texte a le mérite de faire penser. Et c'est encore du sens produit.
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D
Aimer une théorie n'est pas bien difficile, aimer le sens de l'histoire ou le progrès est l'idéologie suprême ; ce besoin de sens est la pathologie humaine, l'essentielle illusion pour permettre au bipède sans plume de supporter sa misère. Horreur ! Imaginez si l'univers n'avait aucun sens ?!<br /> <br /> Que la béotienne Bernie puisse nous éclairer sur le sens d'une étoile ou d'une galaxie, d'un crapaud ou d'une paramécie.
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