Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 376
10 décembre 2012

Du DEVOIR-VIVRE

 

 

 

 

Je glisse tout doucement, selon la pente de ma destinée. Est-il bien nécessaire de s'accrocher, quand tout glisse et se défait? Et ce qui se produit de neuf glisse tout autant.

Schopenhauer a décrit la puissance du vouloir-vivre, y voyant l'essence de toute chose. C'est peut-être vrai. Mais on n'a pas suffisamment réfléchi sur le Devoir-vivre, cette injonction sociale et morale, universelle et totalitaire, de persévérer dans l'être, de continuer à vivre, envers et contre tout, jusque dans les pires conditions, jusquà l'inconscience totale, la souffrance sans remède, jusqu'à l'absurde, jusqu'à la nausée. Et de toutes parts on célèbre celui qui lutte, qui s'accroche, comme s'il s'agissait là d'un acte héroïque, d'une manifestation sublime de vertu. Mais les Anciens ne pensaient pas ainsi, hormis les Socratiques et les Platoniciens qui estimaient que la vie ne nous appartient pas et que seul le dieu peut fixer l'heure du trépas. Mais alors, à qui appartient-elle? A la cité, à l'Etat? C'est trop donner au public selon moi. Et c'est me donner trop d'importance que de penser que la cité ne peut se passer de moi, alors que je suis scrofuleux et pituitique, incapable de tout effort pour le bien public. Les Stoïciens, ici du moins, avaient raison d'estimer que le sage ne dépend que de soi, et de son principe intérieur, et que c'était la marque ultime de sa liberté que de choisir sa mort.

De quelle idéologie procède chez nous le devoir-vivre? Evidemment c'est d'abord la religion intériorisée, même chez les non-croyants, qui condamnait le suicide, excluait le suicidé des offices, de l'enterrement public et de la vie éternelle, sanctionnait les proches et les descendants, bien malheureux qui n'y pouvaient mais. Le sujet ne s'appartient pas, voilà l'idée. C'est offenser Dieu, et toute la collectivité que de penser le contraire. Et puis, il y a sans doute cette autre idée, plus sournoise, que la mort est toujours un échec, que celui qui choisit la mort met en péril l'édifice optimiste de la société, qu'il conteste les valeurs généralement admises, qu'il faut éviter à tout prix la contagion de l'exemple, qu'il faut pratiquer l'omerta, maintenir à tout prix l"hypocrisie générale. On le voit, christianisme ou pas, la structure de pensée est la même.

Nous avons affaire à un impensé qui soutient l'édifice des valeurs, une option de valeur dont on se refuse à examiner la valeur. Que vaut la valeur de la vie, si la vie est une caricature de la vie? Quel est ce mystérieux devoir qui semble évident à tous, et qui fait qu'il est aventureux, voire scandaleux d'en proposer l'examen? "Tu dois", voilà l'argument! Plaisante injonction, incapable de se justifier autrement que par l'injonction et l'interdit de penser.

Ne parlons pas de liberté individuelle si le fondement même de cette liberté, l'existence concrète dans son corps et son esprit, est confisqué par une instance transcendante. D'ailleurs les individus conscients rechignent de plus en plus à se soumettre aux impératifs qui ne se justifient pas en raison. Les pouvoirs publics n'empècheront rien, car la tendance est irréversible. Personne ne contraindra ceux qui pensent autrement, mais que l'on laisse choisir ceux qui choisissent. 

Le problème ne se pose au niveau légal (faut-il autoriser l'euthanasie?) qu'à titre de conséquence : le vrai problême est de savoir si oui ou non le sujet conscient peut disposer de sa vie. Je dis conscient, car c'est évidemment la condition de la liberté. Cette épineuse question est loin d'être règlée. Mais elle est de la plus haure importance pour l'avenir.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
153 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité