POINT ZERO (3)

"Il n' y a rien d'autre". Voilà, je crois, la grande idée. Rien que la roue de la coproduction conditionnée, les chaînons de la liaison nécessaire des phénomènes. Cela tourne et continue de tourner. Pas d'ailleurs, pas d'Autre. Pas de sortie vers un autre monde. Toute quête est inutile puisque nous continuons à tourner dans le même cercle. Mais alors, la libération?

Il y a deux temps dans la pensée de Bouddha. Dans le premier on fait le procès de dukkha, on examine froidement les conditions de la servitude. On oppose à la dictature du sansara la ferme volonté de se déprendre, de se dégager, de s'ouvrir un espace inconditionné. C'est le temps de la rupture, du détachement, de l'affranchissement : extinction de la soif.

Point zéro.

Mais l'"autre rive" n'est jamais qu'une image, nécessaire et trompeuse. Considérant la vacuité au coeur du soi, au coeur de toute chose se produit un mouvement extra-ordinaire : on n'est plus dans le monde mais on est toujours au monde, et ce monde est toujours le même monde : coproduction conditionnée, qui n'est elle même que la manifestation de la vacuité, son être-pour nous. Ne pouvant aller ailleurs on est toujours ici, mais autrement.

Alors peut commencer une danse toute nouvelle, inouie : les choses se mettent en mouvement, tout se met à danser, et l'on ne sait plus si c'est le "sujet" qui danse ou si c'est le monde. Les deux sans doute, si toutefois il est possible de les distinguer encore!

                               Vert de gris, vert pâle

                               Bleu d'acier, bleu d'émeraude

                               Jaune tounesol   

                               Ecarlate, violet

                               Arc vibrant, ciel tournoyant!