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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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5 novembre 2012

IMPERMANENCE et SOUFFRANCE : BOUDDHA

 

 

 

 

« Plutôt vivre un jour en considérant l’apparition et la disparition que cent ans sans les voir » (Bouddha, Dhammapada, 113).

Le moment essentiel, qui préside à l’éveil, c’est la considération de l’éternelle impermanence : voir  l’apparition et la disparition de toutes choses, le moi y compris. Vision, et intellection. Voir ne suffit pas, bien que ce soit la condition nécessaire. Or tout nous détourne de voir : les choses nous semblent solides, fermes en leur être, inébranlables. Et nous nous réjouissons à tort de ce faux spectacle, qui nous rassure sur la permanence du moi. Mais vient l’heure grave où tout se décompose, maladie, vieillesse et mort, évanescence, absence et vide. Alors nous souffrons, déçus dans nos espoirs, mais à dire vrai, ce n’est là que la souffrance de la souffrance, car la souffrance était là auparavant dans l’angoisse de perdre, tapie dans les profondeurs, bien réelle mais inaperçue. Nous découvrons alors, horrifiés, la loi de ce monde, nous en voyons les effets indiscutables. « Tous les dharmas sont sans soi », emportés dans le tourbillon aveugle du devenir, roulant sans cesse dans les flots de la naissance et de la mort. C’est cela que veut dire « apparition et disparition ». Fleuve du Samsâra, éternel retour de la souffrance. Après la vision, vient ou ne vient pas l’intellection. Car de cet état de fait il faut prendre la mesure exacte, à savoir qu’il est vain de compter sur quoi que ce soit dans le monde. Tout passe, tout lasse, tout casse. Tout ce qui est constitué, selon les lois de la constitution des formes, se décompose, selon les mêmes lois. Apparition et disparition sont un seul et même mouvement, inspir et expir, systole et diastole, naissance et mort. Cela nous pouvons le comprendre, mais il est très difficile de l’admettre, tant nous sommes attachés à la permanence, avides de saisir un quelque chose de stable sur quoi édifier l’illusion d’être.

Bouddha et Héraclite : un seul et même Fleuve, en dépit de la différence de culture et de langue.

Ce qui est terrible dans cette idée c’est la chute de toutes les idoles censées assurer un socle de fermeté inébranlable : Dieu, Substance, Etre, Essence, Soi.

Toute la question est de savoir que faire de cette aveuglante révélation. Toutes les formes sont vides, entendons elles ne possèdent aucune substance stable, elles sont emportées par le changement, mieux elles sont changement (si toutefois on peut encore utiliser le mot « être », faute de terme adéquat en notre langue). Le changement n’est pas un milieu externe qui portrait les choses et les formes pour les dissoudre ensuite, non pas, le changement est la chose : le vide est la forme. De là une première pratique : contemplation du changement universel, hors de soi et en soi, regard désintéressé, considération sans passion, quand le cœur s’apaise, que le tumulte cesse. « C’est ainsi », il est vain de se révolter, de se cramponner à la rive quand la rive elle-même s’écoule avec l’eau du fleuve.

Plus tard, bien plus tard, il est possible d’accéder à une autre vérité. Si toutes les formations mentales sont impermanentes, si la souffrance est liée à l’attachement, si la souffrance est apparue comme affect conditionné, retentissement et passion, elle peut tout aussi bien se défaire. C’est la bonne nouvelle de Bouddha. Aussi est-il parfaitement logique de parler de la Noble Vérité de la souffrance : vérité de son apparition, vérité de sa disparition.

On se demandera sans doute comment il est possible de soutenir d’un côté le caractère éternel de l’impermanence (causalité mécanique du Samsâra), et de l’autre la possibilité de la libération, qui implique la  cessation de la souffrance. La chose serait impossible si le Samsâra était l’ultime et indépassable vérité. On tournerait sans fin dans la roue de la malédiction.-  Mais alors existerait-il un autre monde, opposé au premier, ce que semble suggérer la métaphore canonique de l’ « autre rive », symbole de l’existence pacifiée ? Le dualisme semble indépassable. Mais je crois qu’il ne faut pas se laisser duper par les images, qui ne sont que des supports à la réflexion. Sans doute n’ y a -t-il qu’un seul monde, mais bien deux manières bien différentes d’y vivre. Le projet de Bouddha n’est pas de fonder une nouvelle métaphysique mais d’enseigner comment vaincre la souffrance. Il ne faut pas spéculer sur l’ « autre rive », sur la nature de l’éveil et de la libération, mais se libérer effectivement. Il me semble indéniable qu’on peut faire quelques pas en ce sens, à défaut d’atteindre l’illumination et la libération sans restes.

 

                                2

 

Héraclite écrit de son côté :"Ce monde, le même pour tous, aucun dieu ni homme ne l'a fait, feu toujours vivant, s'allumant et s'éteigneant en mesure". Un seul monde, commun à tous, soumis à la même loi, apparition et disparition. Remarquons ceci : si le monde est soumis au changement la sagesse consiste à exprimer la loi de ce monde : accueillir, recueillir le divers, en dire la loi dans le Logos, qui lui ne change pas. De même le Dharma : ce terme dit la réalité du changement universel, de l'impermanence de tous les composés, et dans le même temps le Savoir du changement, sa Loi immanente. Ce savoir ne constitue pas un autre monde, à la manière du platonisme par exemple, mais il fait levier pour la mutation décisive de l'esprit. 

Les deux auteurs ont en commun la confiance dans l'intelligence humaine : "Dans ce corps long de quatre coudées je trouverai la vérité et la source de la libération".

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Commentaires
Z
L'équilibre est toujours précaire et le chaos guette en permanence...
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