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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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2 novembre 2012

De la BLESSURE

 

 

 

 

 

 

On ne devient pas philosophe par hasard. Il y faut une étrange in-quiétude, une secrète indisposition à l’égard de ce qui est là, de ce qui apparaît, incongru, inexplicable, inquiétant. Quelque chose comme une intime blessure, laquelle ne se refermera jamais, sauf à jeter l’enfant avec le bain. « Pathos  de l’étonnement » dirait Platon, déchirure de la certitude tranquille que possèdent encore, autour de nous, les gens affairés, les gens pré-occupés de norme et de valeur. S’inquiéter, c’est suspendre l’assurance des valeurs en cours, c’est interroger la familiarité irrecevable des choses. Le philosophe est cousin du poète, les deux marchant dans les terres inexplorées du langage, à la recherche du grand secret. Ils voudraient, tous deux, boire à la source, là où langage et réel ne feraient qu’un, et, s’épuisant dans la quête impossible, se rendent à la fin, ou se rangent à l’ordre commun, ou s’obstinent dans l’ornière, ou enfin se délivrent, extatiques et souverains, dans la splendeur du Poème.

Héraclite est poète autant que philosophe. En quoi il est le plus attachant, le plus libre.

Il y a quelque chose de miraculeux dans ce ratage : à manquer l’étoile, cette collusion miraculeuse du dire et de l’être, à la reconnaître inaccessible, on gagne l’humanité véritable, faite de sang  et de blessure, l’humanité des sources sous les mousses, des terres inhabitables, des recoins séditieux de l’âme, l’humanité des forêts, des marais et des pacages exposés. Il faut bien consentir à la loi de nature, se consoler de n’être que des humains, frères désabusés de l’économie animale, loin des dieux d’intermondes.  Ici réel, ici finité des formes, jointure improbable des solitudes, ici destinée de ratage et partage. Ici je suis, comme est le ruisseau entre les herbes mouillées, allant où va le val.

Il y a de la beauté à se savoir mortel. Que la blessure saigne, vient un temps où cela cicatrise, mais cela ne supprime pas la blessure, n’efface pas son tracé de chair blanche, qui fait corps avec le corps. Je ne savais pas que je pouvais vivre dans la marque, ravine éternellement ravivée, certes qui ne saigne plus, mais qui demeure dans la chair de l’âme, signe ineffaçable de l’humaine vérité.

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Commentaires
A
Magnifique texte, qu'on aimerait avoir su écrire tellement il entre en résonnance avec l'intime. Merci.
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E
j'aime beaucoup le petit peuple des mousses & des lichens
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M
Cher Guy, merci pour ce beau texte émouvant.<br /> <br /> <br /> <br /> Certaines plaies ne se referment jamais, elles trouent au fer rouge l’Exister dans sa chair. « L’intransitivité » est le risque majeur celui d’un recroquevillement sur soi, d’un enfermement autistique pour tenter de retrouver cette coïncidence mouvante entre l’être intime du rêveur poète et l’être cosmique. Pour autant, faut-il le reconnaitre, c’est dans la désunion d’abord, dans la reconnaissance de l’autre que naitra probablement cette intranquille tranquillité. L’apaisement, un plus tardif, viendra dans cette aspiration ascensionnelle, verticale vers les sommets. Sur les crêtes effilées surgissent les fondements, la base, le magma des géants rocheux, l’expérience est terrifiante, « atomistique » c’est un soulèvement. Zarathoustra ne trouvait-il pas la vérité sur la montagne ?
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S
Je n y vois pas dieu ! Comme quoi a chacun son interprétation ....
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D
Quel dommage Annie !! Pourquoi diable (!) réinjecter ce référent ? A moins d'évoquer une divine blessure ? Ici, le silence suffit...
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