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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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19 octobre 2012

OPHELEIA : de l 'UTILE et de l'AMITIE

 

 

 

 

 

OPHELEIA : utilité, avantage, profit. OPHELEIN : assister, aider, secourir. La philosophie, pour Epicure, est une activité phil-anthropique. C'est en effet la considération de la souffrance universelle qui motive le philosopher - en quoi le parallèle avec Bouddha est pleinement justifié. Remarquons que le nom même d'Epicure (le signifiant dirions-nous de nos jours) est significatif : epikourein : venir au secours, venir en aide. A quoi servirait une philosophie qui ne sert à rien ni à personne? La spéculation pure est inutile, elle ne se justifie que par ses prolongements pratiques : soin du corps et de l'âme, sagesse, amitié philosophique. Epicure appartient à cette catégorie admirable des philosophes-médecins qui eurent le souci de la santé et de l'équilibre somatopsychique.

Il n'y a aucune honte à se réclamer de l'utile, si par ce terme nous avons en vue, non l'enrichissement crapuleux, le pouvoir sous toutes ses formes, la domination et l'exploitation des humains. L'utile ici considéré, c'est l'utile-vital, l'utile à la vie indépendante et heureuse. L'hygiène est utile, la médecine est utile, la sagesse est utile. L'amitié elle-même se fonde sur l'utile : " Toute amitié est par elle-même désirable : pourtant elle a eu son commencement de l'utilité". (Epicure : sentence 23). Je suis utile à mon ami, non comme un outil ou un esclave, mais comme un homme libre qui peut l'écouter, lui parler, l'exhorter à l'occasion, et même le blâmer, si vraiment je me soucie de lui. De même pour moi. L'ami philosophe est le plus précieux compagnon de route, plus que les parents dans bien des cas, car l'ami je le choisis, non une fois seulement, mais à chaque fois ; il est pour moi une source légitime et vitale de plaisir partagé, le plus utile à mon équilibre et à mon développement.

Les deux mamelles du bonheur : la sagesse pratique et l'amitié.

Reste qu'il est bien difficile de savoir et de pouvoir aider. Souvent nous rencontrons chez le souffrant une étrange compulsion à souffrir, une secrète complaisance au malheur, une joussance paradoxale et indomptable. Souffrir c'est exister encore, dût la douleur ou la maladie emporter le malade. Celui-ci se plaît parfois à s'identifier à sa souffrance, à faire consister le symptôme comme une identité quasi définitive : je souffre donc je suis. Je suis devenu cet être-de-souffrance, je m'y aliène, je m'y roule, je m'y mortifie jusqu'à la mort. Elisabeth l'Impératrice, anorexique notoire, déclarait, je crois :" ma douleur m'est plus vitale que la vie". C'est tout dire! Essayez après cela de secourir le malheureux! "Plutôt souffrir que mourir, c'est la devise des hommes" (La Fontaine). A croire que la souffrance est le dernier, le dérisoire rempart contre l'annihilation.

Il en résultera qu'il est vain de s'attaquer au symptôme. Plutôt faire découvrir qu'il est d'autres sources possibles de satisfaction. Non pas combattre, mais ruser, biaiser, contourner l'obstacle, faire le naïf, menant tout doucement le bonhomme vers d'aures plaisirs, qu'il apprendra bientôt à apprivoiser, à apprécier, à goûter. La passion est impatience, c'est la patience qui redresse par la souple fermeté de la conduite.

Je n'ai pas de recette. D'ailleurs il n'y a pas de recette. La compréhension des faits est malheureusement de peu d'effet. Il y faut tout autre chose que l'adhésion mentale. Ces souffrances de l'âme sont si profondément enracinées, si consubstantielles au sujet, si riches de son histoire et de ses expériences, si expressives de son identité qu'il ne saurait y renoncer. Aussi, s'il prétend vouloir guérir, il ne le veut point. Et pourtant il gémit à fendre l'âme. Mais alors que veut-il? Etre entendu, trouver oreille pour s'y déverser. Faudra-t-il l'écouter jusqu'au déluge? Non point, mais l'ayant écouté ce qu'il faut, le mener ailleurs, ouvrir d'autes voies. Suivra-t-il? Rien n'est moins sûr. Vient toujours un moment où lui seul choisit. Vous ne pouvez le faire à sa place, car si vous prenez sa place, lui, où se tiendra-t-il? 

Aider n'est pas porter ni supporter. Il y faut une sorte bien particulière d'amitié, visant par delà l'immédiat, la présence de l'autre en chair et en os, un lieu tiers, un topos a-topique, que la philosophie appelle la vérité, qui seule permet le dépassement nécessaire.

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