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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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11 septembre 2012

PLAN d' IMMANENCE - PLAN des DIFFERENCES

 

 

 

 

 

Notre existence se déroule sur deux plans nettement opposés. Toute la question est d’établir un rapport entre eux, qui ne soit pas invivable, conflictuel et névrotique. La santé sera le signe de l’harmonie entre les deux.

Le premier plan, le plus évident, le plus universel, c’est celui de la culture, entendue au sens le plus large : société humaine plus ou moins organisée, institutions diverses, législation, production, travail, droit et morale, politique, traditions, art, religion, représentations collectives. C’est le domaine de l’hétéronomie, où le sujet doit s’inscrire et si possible prospérer dans la relation à l’autre, tout en souscrivant bon an mal an aux principes en vigueur. La liberté y est toujours conditionnelle, l’expression limitée. C’est le plan des différences : entre les cultures,  entre expressions et disciplines culturelles, entre individus, entre conceptions et visions du monde.

Tout mon effort récent a  consisté à dégager la spécificité du second plan : le plan d’immanence, le ça indifférencié, fond indivis de la nature universelle, dont nous avons l’intuition, mais qui le plus souvent est méconnu, ignoré ou  refoulé. Les expressions philosophiques en sont elles aussi variées, voire contradictoires mais elles font signe, chacune à sa manière, vers un réel qui nous déborde de toutes parts, nous englobe, et nous porte.

D’une part nous sommes un sujet, sujet de la loi, sujet de la connaissance, sujet de l’action morale et politique. D’autre part nous sommes un individu, élément périssable et mortel de la nature indestructible et éternelle, comme une goutte dans le vaste océan de la vie et de la matière-énergie. Lorsque l’on prend conscience de cette dimension d’universalité les ancrages socio-politiques perdent de leur exclusivité, de leur prégnance, sans que pour autant nous puissions nous sentir dégagés de notre appartenance indépassable au social. Nous continuons de toute manière à être acteurs dans la vie civile, membres de la société civile et politique.

Je ne vois guère que les Kuniques à avoir édifié une opposition radicale entre les deux plans. Diogène le Chien refuse la société et ses normes au nom d’une morale exclusivement naturelle. Les autres écoles cherchent à concilier les deux plans, en particulier l’épicurisme, qui, s’il privilégie le plan de la nature ( « vivre selon la nature ») pour y trouver la vraie félicité, ne rompt pas pour autant avec le social, mais ne s’en accommode pas davantage, puisqu’il prétend construire une contre-société sous la forme d’un Jardin des Amis, ouvert, en principe, à tous les candidats potentiels. Les Bouddhistes font de même, et bien d’autres  encore, tous désireux de créer une autre société, symbolique ou réelle, attestant d’une possibilité, et d’une volonté de vivre autrement.

C’est là une ancienne, profonde aspiration qui mérite le respect. Toute la question est de concilier ce désir d’authenticité avec les nécessités sociales, économiques et politiques. La religion, qui s’offrait jadis comme solution, me paraît totalement discréditée, encourageant partout la haine et le conflit, et de toute manière sans contenu crédible. La philosophie est elle-même déchirée entre deux tendances, l’une socio-politique, l’autre « métaphysique ». Comment relier sans nier la différence ?

Le problème peut trouver une solution si l’on conçoit clairement la nature de l’éthique. L’éthique n’est pas la morale car la morale est la conformité aux mœurs, l’obligation faite à chacun de régler sa conduite sur les normes en vigueur. La morale est essentiellement sociale, et réductible, pour l’essentiel, au droit positif. L’éthique, au contraire, est le prolongement, dans la conduite, des options fondamentales. « L’ethos, pour l’homme, c’est le daïmon » (Héraclite). Le plan d’immanence inspire la pensée, fonde l’intuition et se réalise dans la pratique : contemplation, méditation, création. C’est le domaine de la liberté. « Sponte sua » comme dit Lucrèce, ou comme les Chinois : spontanéité, expression naturelle du Tao, processivité des processus en nous et à travers nous. Ethique du sage, éthique de l’artiste. Mais qui, d’entre les hommes, n’est pas destiné à développer en soi les facultés natives, à rêver, à créer, chacun selon son mode propre ?

Bien sûr cela ne résout pas le difficile problème de l’hétéronomie, de la socialisation et de la moralisation. Mais au moins pouvons dégager un espace personnel de liberté et nous y ébattre, y « chanter comme chante l’oiseau », et à l’occasion, dans d’heureuses méditations, chevaucher le vent, à moins que ce soit le vent qui nous chevauche, et nous emporte !

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