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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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30 août 2012

Leçon de SCEPTICISME : OU MALLON

 

 

 

 

 

 

 

« Ou mallon ». Pas plus,  c’est une des formules fondamentales de l’ancienne sagesse qui traverse toute l’histoire de la philosophie grecque. On l’entend d’ordinaire comme une leçon de tempérance : pas plus qu’il ne convient, pas d’hubris, pas de démesure. Mais les  pyrrhoniens en renouvellent totalement le sens et la portée : « pas plus ceci que cela», suspension du jugement, abstention, rejet du pour et du contre, aporie et épochè.

Ce qui est estimé grand n’est pas plus grand que petit, - ni grand ni petit, - car il se trouvera qu’il est petit par rapport à ceci et grand par rapport à cela. Ce qui est grand selon une certaine perspective et position du sujet sera petit sous un autre angle. Ce qui est petit pour l’un est grand pour l’autre. L’inceste fraternel est illégitime ici, obligatoire ailleurs. Ce qu’on appelle tempérance est une qualité par un côté et un défaut de l’autre. Le juste est injuste,  l’injuste est juste. Tout ce qui apparaît – et il n’y a que des apparitions, des apparaître, des phénomènes, des processus, des aller et venir, des naître et périr, est apparence selon un point de vue particulier, situationnel, géographique, culturel, moral ou politique, exprimant dans un temps précis un mode d’apparaître absolument singulier. Jamais un surplomb n’est possible, une synthèse, une généralité, encore moins une universalité. Et si l’on prétend fonder une loi elle n’est loi que par convention, selon un certain point de vue, toujours contestable. En toute logique il n’y a que des singularités, insommables, échappant à toute règle, à toute subsumation, à tout effort de synthèse, à tout savoir.

Qu’est ce qu’une ville ? On commence la ville ? Où finit-elle ? Quel en est le centre ? La ville, ce qu’on appelle la ville, est un amas de maisons éparpillées  ou resserrées, comme un  nuage dont on ne saisit ni la substance ni le contour ni le centre. A y regarder de près tout ce que nous considérons semble se dissoudre dans l’analyse, ne révélant  au décours qu’un vide insondable. Qu’est ce que le moi ? Est-ce le corps, la peau, le cœur, les muscles, les sensations, les images, les obsessions et les symptômes ? Où commence, où finit le moi ? Pascal demandait : quand on m’aime, est-ce moi qu’on aime ou mes qualités ? Et si je perds mes qualités m’aimera-t-on encore ? 

C’est une terrible faculté que l’intelligence. Sous son regard d’acier toute chose se déprécie, se désubstantialise, se décompose, s’étiole et dépérit. J’avais un professeur de lettres qui aimait qualifier ses élèves. Il déclara un jour à mon propos : « cent fois trop intelligent ». Je crus à une boutade, au mieux à une ironie. Mais il avait raison, et ce n’est pas forcément une louange.

La vie ne peut se permettre ces arguties, elle exige le choix, la visée, le but, la valeur. Le philosophe Unamuno avait particulièrement soulevé cette tragique contradiction entre la vie et l’intelligence, cet écartèlement pathétique. Mais cela ne trouble pas la plupart des hommes qui vont leur chemin sans se soucier de comprendre. On peut leur envier leur bonheur. Mais on peut estimer aussi que la vie n’est que la condition de l’existence, et préférer les abîmes. De toute manière vient toujours un moment où il faut se résoudre. En général c’est l’inconscient qui finit par trancher. Et le reste suit. A quoi nous devons la perpétuation de la vie. Et tant pis pour l’intelligence qui a trouvé son maître.

A moins de considérer que l’intelligence suprême, plus haute que l’intelligence même, réunisse les frères ennemis dans une improbable alliance. C’est peut-être cela que les Grecs appelaient la sagesse du dieu.

 

 

 

 

 

 

 

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