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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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16 août 2012

HEIDEGGER expose HERACLITE : le sophon (4)

 

 

 

 

Je voudrais, pour la joie du lecteur, faire connaître ce passage de Heidegger dans « Qu’est ce que c’est la philosophie », conférence de 1956, qui m’a particulièrement séduit. A cet effet, ne sachant si ce texte a été traduit en français, je livre ici ma traduction personnelle. Le texte est exceptionnellement clair et pédagogique, tout en faisant briller quelque chose de cette inimitable perfection du grec, et d’Héraclite au premier chef. Cette page devrait faire la félicité de tout amant de la Sophia, et encourager plus encore à la méditation nécessaire du plus noble des penseurs de l’Antiquité.

 

 

« Le mot grec « philosophia » renvoie au mot « philosophos ».Ce mot est originellement un adjectif comme « philarguros, qui aime l’argent, comme philotimos, qui aime l’honneur. Le mot philosophos fut vraisemblablement forgé par Héraclite. Ceci signifie : pour Héraclite n’existe pas encore la philosophia. Un « anèr philosophos » n’est pas un homme « philosophique ». L’adjectif grec philosophos dit quelque chose de tout à fait différent que l’adjectif philosophique. Un « anèr philosophos »  est celui qui aime le sophon (1) – hos philei to sophon ; philein, aimer, signifie ici dans le sens d’Héraclite : homologein, parler comme parle le Logos, c’est à dire correspondre (2) au Logos. Ce correspondre se tient en accord avec le sophon. Accord est « harmonia ». Qu’un être (Wesen) s’accorde réciproquement à l’autre, que les deux s’accordent originellement parce qu’ils sont ajointés, cette « harmonia » spécifie le philein pensé par Héraclite, - l’aimer.

L’ « anèr philosophos » aime le sophon. Ce que ce mot signifie pour Héraclite est difficile à traduire. Mais nous pouvons l’éclairer à partir de l’exposition qu’en fait Héraclite lui-même. To sophon dit ceci : Hen panta, Un (est) Tout. Tout signifie ici : panta ta onta, l’Entier, le Tout de l’Etant. Un, le Un signifie : l’Un, Unique, qui unifie tout. Uni est tout étant dans l’Etre. Le sophon dit : Tout étant est dans l’Etre. Plus radicalement : l’Etre est l’Etant. Ici le « est » est transitif et dit la même chose que « rassemblé ». L’Etre rassemble l’Etant pour qu’il soit l’Etant. L’Etre est le rassemblement : Logos. »(3)

 

(1)    Sophon est au neutre : ce qui est sage. A distinguer de sophos, masculin, le sage, comme personnage. Héraclite parle bien du sophon, qui est « séparé de tout », exprimant ce savoir que « tout est un ». Et encore, fragment 41 : « Un est le sophon : savoir qu’une raison gouverne tout à travers tout ».

(2)    Impossible de rendre l’accord que fait ici entendre l’auteur entre sprechen, parler, et entsprechen, correspondre. Mais correspondre est aussi originellement répondre. Je me contenterai de cette approximation.

(3)    Ailleurs Heidegger réfléchit sur legein qui donne logos. On traduit naturellement parler et parole. Mais legein a un sens plus originaire : cueillir, rassembler, assembler. Le discours sur l’Etant rassemble l’Etant dans l’unité de pensée. Dans cette unité quelque chose de l’Etre peut encore s’entendre, du moins dans les premiers temps du penser et du dire (noein kai legein) des Grecs.

 

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Commentaires
S
Le logos est aussi un discours et tant que tel il est également un faire-voir : δηλοὖν, à partir du dévoilement de la chose même. Cependant, le logos est également le « rassemblement » (Versammlung ) il fait perdurer dans un déploiement de présence la dimension du monde celui et la donation de l’être.<br /> <br /> <br /> <br /> Enfin cher Guy, je voudrais rajouter cette petite précision dans le § 7 B d’être et temps, Heidegger définit le logos comme Logos apophantikos contre un logos qui serait strictement logique.<br /> <br /> <br /> <br /> Il s’agit donc de battre en brèche toute forme de" logos-vernunft", pour se tourner vers la conception aristotélicienne du logos apophantikos, c’est-à-dire qui fait voir, avec le préfixe APO : l'origine, le logos ne porte plus sur la raison, le pourquoi des choses, mais sur les modalités de la phénoménalité de ce qui est à partir de cela même dont il est parlé.
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E
C'est là la limite constante de Heidegger : la perception de la totalité s'arrête au niveau de la parole, l'ensemble retombe dans la "pensée", le divers des étants dans l'homogène de l'être postulé. Enfin l'ensemble de l'ensemble choît dans l'inévitable généalogie unilatérale et unidirectionnelle reconstruite : "... dans cette unité quelque chose de l’Etre peut ENCORE s’entendre...". On pourrait presque résumer la perception de Heidegger dans cet "encore".
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