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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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22 mai 2012

De la SURFACE ABSOLUE : le TRAGIQUE et la JOIE

 

 

 

Retour à la Surface Absolue. C’est dans cette notion difficile que s’exprime l’essentiel de mon intuition personnelle, c’est elle qui contient et développe ce que je crois être mon Idée, si toutefois une Idée peut être à la hauteur d’une intuition. Il y a toujours une déperdition quand l’on passe au projet d’écrire, mais aussi une nouvelle Forme, sans laquelle l’intuition se perdrait dans les sables.

A la lumière des articles précédents, la Surface résulte d’une double soustraction : en amont tout ce qui tient à l’origine, antériorité, préhistoire, tout ce qui précède la quadruple rupture. Cette part perdue alimente le fantasme des origines, le désir de l’être dont nous avons mesuré la nocivité, et dont il importe de se délester. Nous savons bien que sommes nés un jour, mais dans cette nouvelle vision de l’existence il nous semblera que nous sommes là de toute éternité. Le temps s’étalera indéfiniment vers le passé, englobera la totalité du passé dans l’extension vers une quasi-éternité. Cette idée peut surprendre, paraître délirante. J’en assume le risque. En aval, selon la même logique, nous savons parfaitement que nous sommes mortels, nous l’assumons pleinement, nous dirons même avec Epicure que, le sachant, nous nous délivrons de l’illusion de l’immortalité, du désir illimité et de la passion de durer, mais, par un renversement stupéfiant, nous soutiendrons que c’est la suppression du désir d’immortalité qui nous ouvre l’espace d’une quasi-éternité. L’avenir, c’est l’irrécusable de la mort, la suppression sans reste. Dès lors, c’est la mort elle-même, le réel de la mort qui nous délivre de l’espoir et de la crainte, si bien que l’espace ouvert, immensément, se dilate à l’infini. Infini en amont, infini en aval, le temps se redistribue dans l’éternité d’un « il y a » de la conscience sans début et sans fin.

C’est d’avoir parfaitement et complètement mesuré la double limite, fracture originelle d’un côté, terme inexorable de l’autre, double limite qui définit l’entre-deux tragique de l’existence, que nous nous délivrons du désir passionnel, qui s’acharne à nier le réel, à construire des pis-aller dérisoires et chimériques.

C’est le paradoxe épicurien : le désir illimité, issu de la rupture, rêve d’une illimitation de la jouissance, propulsant le sujet dans une course effrénée et malheureuse. Celui qui comprend la nature finie de toute chose, et de toute vie,  se délivre de ce fatal enchaînement, sait que le temps infini n’ajoute rien au temps fini. Si bien que dans toute sensation, dans tout instant de sa vie, il peut saisir la plénitude et la perfection : « je bois un verre de vin, je suis l’égal de Zeus ». Cette perfection, atteinte dans l’instant singulier, devient la norme universelle, et de la sorte s’étend indéfiniment en arrière et en avant, dans le passé et dans l’avenir.  Un seul moment de pleine conscience, et la vie fut de toujours, est et sera, dans sa pleine compréhension et sa pleine extension.  L a vie se transfigure elle-même dans l’immanence, partout égale à elle -même,  en chaque point de la Surface Absolue, partout idéalement complète : chaque point, chaque moment est égal aux autres, les comprend tous, tout en se distribuant également sur le tamis du temps.

A celui qui s’assume mortel la mort ne prend rien et ne donne rien. C’est le sens dernier de la fameuse phrase : « la mort n’est rien pour nous ». Non point qu’elle n’existe pas, mais qu’elle est insignifiante à celui qui n’espère rien de l’avenir qu’il n’ait déjà pleinement éprouvé dans le présent.  Encore un pas, et nous dirons : le temps n’ajoute rien, ne retranche rien si chaque instant est à lui-même la norme et la fin.

C’est encore la même idée lorsqu’ Epicure déclare que « le plaisir est le début et la fin de la vie heureuse » : rien de plus avant, rien de plus après, tout se joue en un instant qui est tous les instants, également valables, précieux, « éternels ».

La Surface Absolue est une création libre de l’esprit : plan d’immanence indéfiniment ouvert, libre circulation des affects et des idées,  co-extension du tout  et de la partie, isonomie, pluralité esthétique et éthique.

 

 

Epicure écrit dans la Lettre à Ménécée (124): « La droite connaissance que la mort n’est rien par rapport à nous rend joyeuse la condition mortelle de la vie,  non en ajoutant un temps infini, mais en ôtant le désir de l’immortalité ». C’est ce prodigieux renversement qu’il importe de penser.

 

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Commentaires
F
Cette immanence, qui absorbe le temps mais cependant flirte avec les limites spatiales, quelque chose de l'ordre d'une partition d'infini, n'a t-elle pas un peu à voir avec les tentations existentialistes?<br /> <br /> La faille où s'élabore la recherche éperdue de ce qui ne cesse de se dérober serait productive...lieu d'immanence,l'envers de l'endroit, métaphore de tous les possibles, conscience pleine du tragique de l'existence. Un ouvert absorbant...d'où ne surgit aucun Un.
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