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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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18 mai 2012

Du DEPASSEMENT de la PHILOSOPHIE : le tragique

 

 

 

 

 

C’est une vieille problématique : la philosophie est-elle susceptible d’un achèvement ? Les uns, les plus nombreux, estiment que la philosophie est de nature infinie, que toute réponse génère une nouvelle question, et qu’en somme il faudrait être un dieu pour prononcer son achèvement. Le philosophe serait à jamais suspendu dans une sorte d’incertitude, inapte à conclure sur rien,  toujours en quête, reniflant comme un chien de nouvelles épreuves pour s’y faire les dents, dans une expectative passionnée et finalement stérile. D’autres n’hésitent pas à dire : voilà la Chose, voilà le programme, voici la solution. On les taxera d’optimisme, voire de naïveté : de quel droit  décidez-vous de la nature,  au nom de quoi prononcez-vous le terme de la recherche, et sa solution ?

Il me semble que cette question relève d’une quadruple négation :

Ni A, ni pas A, ni  à  la fois  A et pas A, ni pas à la fois  A et pas A. Ce qui donne :

Je ne puis dire que la philosophie est finie

Je ne puis dire que la philosophie n’est pas finie

Je ne puis dire que la philosophie est à la fois finie et pas finie

Je ne puis dire que la philosophie n’est pas à la fois finie et pas finie.

        Bref la question est mal posée.

Elle ne doit pas porter sur la question de son achèvement, car il faut sortir purement et simplement de la philosophie !

Dans l’esprit du pyrrhonisme j’ai proposé voilà quelques mois de nommer A-philosophie cette nouvelle démarche de l’esprit, qui, prenant la mesure du réel inconnaissable mais pensable, se propose de poser la vérité comme ouverture inconditionnelle au réel comme tel, ce qui a pour effet de dynamiter toute prétention de savoir, situant l’existence dans le champ indépassable de l’incertitude. Mais le terme de tragique me semble plus adapté, comme notion générale englobant toutes les questions particulières sur la nature du réel, du sens comme Ab-sens, du savoir d’un non-savoir constitutif, et de la vérité comme position éthique.

C’est dans cette nouvelle perspective que j’entends la position épicurienne comme définitive : à qui a mesuré le tragique fondamental il n’a que deux solutions, ou la suppression, ou l’existence lucide. Je peux choisir de vivre, mais je sais le tragique indépassable. C’est un savoir très particulier, sans contenu assignable, pure forme de l’impossible. Sur cet impossible, saisi dans une intuition éclairante, définitive, difficile à dire, mais pensable, je construis quelques résolutions simples : la vie, en dépit de son caractère propre d’impermanence et de caducité, vaut mieux que la mort ; l’excellence personnelle mérite d’être recherchée et cultivée, comme réponse éthique et esthétique à la mort. Quant cette excellence est atteinte, si elle l’est jamais, il n’est pas possible de mieux faire : seule une variation (poikilesthai) garantit la permanence du processus, et non point un progrès. La recherche est close, dans son principe et sa fin, mais un développement, un dépli, une dépliure, un dépliement, un déploiement, une extension infinie est possible, voire souhaitable dans certaines conditions relatives. D’une certaine manière l’intuition délivre un absolu, qui s’exprime clairement chez Pyrrhon d’abord (« Les choses sont également immesurables, inconnaissables – ce qui assoit fermement la position d’a-phasie et d’adiaphoria) - chez Epicure ensuite, qui n’hésite pas à conclure : infinité du monde, des atomes et du vide, pluralité des mondes, pluralisme des hypothèses, excellence éthique :

« Essayons de faire que la prochaine étape soit meilleure que la précédente, tant que nous sommes en route ; mais, arrivés au terme (peras), que la joie reste unie ». (Sentence : 48)

Le tragique pleinement assumé débouche sur une leçon, une résolution de joie. Cette joie sublime et paradoxale n’est accessible qu’à celui qui sait ce qu’est la nature des choses, sa « limite », qui n’a plus ni nostalgie ni désir de l’illimité, et qui, dans ce champ, cultive l’excellence.

En d’autres termes, l’absolu assumé fonde le relatif : les choses étant ce qu’elles sont on composera, dans les deux sens : faire avec l’inévitable, à partir de lui, et construire selon le préférable.

 

 

 

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