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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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25 avril 2012

Du DEPLAISIR et du REEL

 

 

 

Les  sources du déplaisir sont multiples. D’abord la peau, comme surface d’enregistrement physique et psychique : contacts irritants, bruit, pollutions de toutes sortes, chaleur et froidure, ruptures de rythmes, etc. Que de désagréments dont il n’est pas toujours possible de se débarrasser par le déplacement dans l’espace. Ensuite les organes internes travaillés par les besoins, irrités par les substances nocives, soumis à des changements de régime incontrôlables. Pire encore, le travail des pulsions qu’on ne saurait fuir. Tout conspire à nous rendre l’existence difficile pour peu qu’on soit de nature sensible et impressionnable. Vaincre le déplaisir, ramener la tension psychique à un niveau supportable voilà notre programme quotidien, notre tâche, j’allais écrire notre devoir, dont nous nous acquittons comme nous pouvons, bon an mal an, jamais totalement satisfaits, toujours à demi, entre plaisir et déplaisir, « vivant notre mort et mourant notre vie » (Héraclite).

Chacun se débrouille comme il peut. Les uns, doués de nature, semblent faits pour le bonheur, joviaux, allègres, bonne mine et bon train. D’autres, mal dormants, mal baisants, irritables et souffreteux, traînent une langueur incurable, et pourtant s’obstinent à persévérer dans l’existence. A chacun son programme de santé, de bonne ou de mauvaise humeur, ses recettes miracles et ses déboires. Je ne connais personne qui ne vive en boitant, même s’il est entendu que boiter n’est pas un péché.

Principe de plaisir : pour Epicure le plaisir est la fin naturelle de tout être vivant, qui fuit la douleur et cherche nativement la satisfaction. Pour Freud : ramener la tension à un niveau supportable par la décharge, quand elle est possible, par la fuite,  le déplacement de but, la sublimation, le refoulement, toute la gamme des aménagements psychiques. Quoi qu’il en soit il reste toujours un reliquat de tension, qui semble une constante psychique irréductible. Et de toute manière le déplaisir revient toujours, nécessitant de nouveaux aménagements.

J’en conclus que c’est mensonge que de promettre, par une méthode quelconque, un bonheur sans nuages. Il faut se rendre à l’évidence : plaisir et déplaisir sont les deux faces d’une même réalité, comme le jour et la nuit, le repos et le mouvement, la tension et la détente. C’est la leçon admirable d’Héraclite : unité  de contraires indissociables. C’est aussi l’enseignement taoïste : le bonheur, si ce terme se peut encore utiliser, n’est pas dans l’immobilité, mais dans l’acceptation du mouvement : se laisser tout doucement conduire pour mieux infléchir le processus. On peut réduire les tensions, non les supprimer. Agir sans agir : non se crisper sur un résultat mais utiliser intelligemment les occurrences.

Quelles que soient nos techniques, et elles ne sont pas nécessairement inefficaces, elles buteront toujours sur un réel irréductible, hors de nous dans les aléas du monde, et en nous, comme limite du connaissable et du gérable. C’est la nature énigmatique de notre corps, de son mode singulier de fonctionnement, de ses énergies, de ses forces actives et réactives. C’est la porosité de notre psyché, si sensible aux influences et confluences, si malléable et versatile. On peut toujours se raidir, c’est pour mieux faillir. Plutôt que de prétendre tout régenter il vaut mieux laisser une place, dans la psyché elle-même, à l’irreprésentable. Cela ne rend pas caduc notre effort vers la santé, cela marque simplement la limite infrangible de nos pouvoirs.

 

 

 

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Commentaires
G
Non il n' y a pas contradiction, mais subtil accord du laisser-faire et du faire, ce que les Chinois appellent le wou wei, non pas le non agir passif, mais l'accueil du mouvement et le calcul de l'opportunité : kairos. Quand le vent se lève il est oppportun de déployer les voiles. Si le vent manque rester au port. Le vent n'obéit pas à nos admonestations!
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M
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Votre phrase : "le bonheur, si ce terme se peut encore utiliser, n’est pas dans l’immobilité, mais dans l’acceptation du mouvement : se laisser tout doucement conduire pour mieux infléchir le processus."<br /> <br /> N'y a t-il pas une opposition dans cette phrase ? Accepter le mouvement en se laissant conduire ?<br /> <br /> Peut-on réellement infléchir un processus sans conduire soi-même, ses pas, ce mouvement conscient, vers ce qui nous semble bon ?<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> <br /> <br /> Marie
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G
J'en suis bien d'accord! Une certaine naïveté -retrouvée - peut être le lot de celui qui a fait un long voyage. La légende voulait bien que Lao-Tseu fût né à l'âge de quatre vingt dix ans! <br /> <br /> Merci à vous!
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A
Quelles expériences! pour arriver à une telle sagesse.
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M
Cher ami,<br /> <br /> J’apprécie grandement la qualité de cette article, comme toujours et avec un petit brin d’humour, je dirais qu’il est plein de « sagesse ». Pour autant, je voudrais pouvoir ajouter ceci .L’humeur en tant que substance, liquide organique du corps est difficilement domptable, maitrisable. Ses manifestations aussi diverses que variées comme la bile, le chyle, le flegme, la lymphe, les larmes surgissent sans que l’on puisse exercer un contrôle sur leur apparition, ou leur flux de circulation. Je pense, notamment à la psychose maniaco-dépresive avec son cortège de troubles bipolaires (accès mélancoliques – exaltation extrême, maniaque) qui est une pathologie que certains médicaments comme la prise de lithium parviennent à stabiliser.<br /> <br /> Sur un autre plan, on rencontre l’humeur comme disposition passagère : grogne, mécontentement, petit état de tristesse suppose peut-être une tournure de regard, d’esprit à l’égard des choses ou des évènements qui ne sont pas mauvais en soi mais qui prennent tout simplement la tonalité que notre point de vue daigne leur accorder. Il y a des tempéraments naturellement anxieux qui ne cessent de prévoir le pire qui n’arrivera jamais d’ailleurs, et qui par là même, s’empêchent de vivre l’instant présent, doux, agréable à cause de l’unique pensée de ce qui pourrait arriver ou pas d’ailleurs, dans un avenir plus ou moins proche. Quel gâchis !<br /> <br /> Si la vie n’est pas un long fleuve tranquille, elle accorde très souvent de jolis instants. Il suffit simplement de savoir et vouloir les voir, les saisir, les apprécier, les déguster comme un bon millésime. C’est en connaissance de cause que je parle ici car j’ai moi-même expérimenté ces dysfonctionnements pendant de nombreuses années avant de pratiquer des techniques de relaxations. Certes, elles ne résolvent pas toutes les tensions ou mouvements dits « d’humeur », mais elles m’ont fait prendre conscience qu’à trop vouloir intellectualiser- rationaliser les choses, les sentiments, les évènements, on GACHE immanquablement ce qu’il y a de plus précieux, de rare aussi dans l’existence humaine, au point qu’on oublie de vivre.<br /> <br /> Oui, je persiste, apprenons à nous déprendre de toute analyse systématique face aux évènements de notre existence. On ne force ni les choses, ni les êtres .Laissons faire, accueillons la nouveauté avec les yeux, la joie et la naïveté d’un enfant. Cet émerveillement des premières années sommeille toujours au fond de nous, pourquoi le refouler, le repousser. Apprenons à regarder l’autre (l’évènement ou autrui) comme on aimerait être regardé…avec une certaine ingénuité ou candeur et peut-être aussi une infinie tendresse…
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