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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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24 avril 2012

Du PLAISIR comme NORME

Le plaisir constitutif, ou plaisir en repos, était considéré par Epicure comme une norme physiologique, psychologique et éthique. Loin de l'agitation des désirs et de la furie des passions, il réalise un juste équilibre de toutes les fonctions dans la durée. Sans exaltation ni abattement, ces deux estrêmes pathologiques de l'humeur, il est la condition du bonheur véritable, dans la mesure du moins où ce bonheur peur être l'apanage de l'homme, si souvent entraîné hors de soi par les sollicitations de l'extérieur et les tourbillons internes. Ce repos n'est en rien un inertie ou un ramolissement : la respiration est tranquille et régulière, le coeur se calme, l'énergie circule paisiblement par tout le corps, le thymos est sans passion, la conscience pleinement éveillée, l'esprit actif, lucide, enregistrant sans effort les mille événements de la vie sans s'y attacher. Dans un tel état, qui n'a rien de mystique ou d'exceptionnel, on comprend que la vie peut être agréable et douce, et l'on ne désirera rien d'autre que la persistance de cet état, tout en sachant que cela n'a rien de garanti ; toutefois l'expérience est si désirable, et ses conditions si naturelles, que rien n'empêche vraiment de la renouveler. Encore faut-il avoir en sa possesion quelques techniques simples pour en faciliter le retour. Le bonheur serait la continuité relative de l'état de plaisir constitutif.

La norme physiologique signifie l'état d'équilibre fonctionnel du corps qu' Epicure appelle aponie : absence de douleurs. On dira que la maladie, et son cortège de souffrances n'est pas toujours évitable. C'est vrai, et cela apporte une restriction fâcheuse. Mais il faut noter qu'il est possible, grâce à des aménagements, de vivre avec certaines maladies sans souffrir exagérément. Notre pharmacopée récente offre beaucoup de soulagement à la douleur. De plus remarquons ceci : on souffre peut-être plus de l'idée de la souffrance que de la souffrance proprement dite, dans une sorte de redoublement mental, de plainte perpétuelle qui gâche et ruine les sources de plaisir à leur racine.

Norme psychologique : ataraxie, absence de troubles mentaux. Je ne connais aucune recette qui en garantisse a priori l'obtention et la conservation. Ici intervient la psychothérapie, quand elle est nécessaire. Mais c'est la philosophie, comme philothérapie, qui s'impose comme méthode générale de compréhension : se situer justement dans la vaste nature, être à l'écoute de son daïmon propre, connaître les lois de son désir, réaliser les conditions de sa puissance, agir en accord avec soi-même.

Et nous voici au coeur même de l'éthique : non pas la morale commune, encore que l'on puisse composer quand il le faut, mais cette inventivité singulière qui est le plaisir en acte, et qui consolide le plaisir constitutif. Le plaisir est norme pour soi, signe de la coincidence à soi, accord harmonique de la nature propre et du désir, en son élan. La vraie créativité rejette la frénésie, la lutte pour la gloriole.

Parler du plaisir comme norme est une gageure, à l'inverse et du misérabilisme moral et de l'hédonisme. C'est aussi la voie difficile. La grande santé est à ce prix.

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