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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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12 mars 2012

ELPIS : l 'ESPOIR et l' ATTENTE

L’espoir, dit-on, fait vivre. Mais on peut soutenir le contraire. Voyez Pascal : « nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre » (Pensée 172). L’espoir est une anticipation passionnée d’un futur, qui n’est pas en notre pouvoir. Projection du désir sur un néant, s’il est manifeste que nous pouvons être mort dans l’instant.  Joie inconstante qui s’accompagne de crainte, tant l’avenir est  incertain. On y opposera sans peine la plénitude de l’instant présent, seul  temps réel, et le seul où puisse s’exercer la puissance.  L’espoir est une déesse ambiguë.

Selon le mythe exposé par Hésiode dans « Les travaux et les jours » Zeus, pour se venger du mauvais tour que lui a joué Prométhée, «  a préparé pour les hommes de pénibles soucis ». Il fait confectionner par les dieux une figure séduisante et diabolique, Pandora, portant dans ses mains une jarre, qu’il envoie auprès d ‘Epiméthée. Celui-ci n’ose refuser un tel présent céleste, et le mal est accompli. « C’est cette femme qui, en enlevant de ses mains le vaste couvercle de la jarre, les laissa échapper (les maux), et prépara aux hommes de pénibles soucis. Seule, l’Espérance, n’ayant pas atteint les bords de la jarre, resta dans sa prison infrangible, et ne put s’envoler au dehors : avant qu’elle sortît, Pandora avait laissé retomber le couvercle ».

Elpis, l’espoir, reste au fond de la jarre alors que tous les maux imaginables, la faim, la misère, les  maladies « silencieuses » vont ravager le monde. On est tenté de dire : l’espoir est certainement un mal, si la jarre ne contient que des maux, et c’est une ruse vraiment diabolique de la part de Zeus que de cacher le mal le moins apparent et le plus dévastateur. Cela serait d’ailleurs tout à fait dans l’esprit du mythe qui insiste longuement sur la duplicité de Pandora : « une pudique jeune fille, collier d’or, fleurs printanières, mensonge, langage séducteur, caractère dissimulé » : tous les traits de la féminité perfide.  Hésiode n’est pas féministe ! Et la tradition hellénique pas davantage ! Mais n’oublions pas que l’initiateur de cette vengeance est le roi des dieux en personne !

Cette histoire révèle et cache la duplicité de l’espoir : le pire des maux, ou l’ultime consolation ? Car enfin Elpis reste dans la jarre. On peut penser tout aussi bien, contre les pessimistes, que ce malheur absolu, l’espoir, ne va pas dévaster le monde, sera sans effet sur le destin des hommes. Ce qui reste quand on tout perdu. C’est d’ailleurs l’interprétation  commune.

L’espoir serait comme le langage, le pire et le meilleur. Remarquons que le mythe insiste sur le silence des maladies. Aux hommes « elles apportent la douleur, en silence, car le sage Zeus les a privées de la voix ». A l’inverse, est-il passion plus bavarde que l’espoir ?

Je tenterai une autre interprétation. Je suis séduit et intrigué par ceci : Elpis reste au fond de la jarre, comme un trésor inviolable, ou comme une malédiction, un « mal-dire », une pré-diction fatale. Mais Elpis, avant de signifier espoir désigne l’attente, la pensée anticipatrice. Si la jarre est une image de la psyché nous pouvons voir dans Elpis l’attente, non pas nécessairement d’événements extérieurs favorables, offerts par la Fortune (Tuchè), mais d’une vérité intérieure qui se ferait jour lentement à travers les vicissitudes de l’existence et qui nous guiderait selon une logique obscure, mais décisive (le Daïmon), vers la vérité de notre être. Elpis représenterait dès lors cette disposition de constance et de fidélité à soi, cette attente de soi qui donnerait consistance à notre chemin de vie. En dépit de tous les maux dont Zeus accable notre misérable espèce chacun peut cultiver en soi cette patience de la vérité, qui exprime notre authentique daïmon, quelle que soit par ailleurs la puissance de la Tychè, Fortune imprévisible, capricieuse et indomptable.

Héraclite disait : « le caractère de l’homme c’est son daïmon ». Je dirai qu’Elpis est la capacité d’anticipation de soi, de la vérité de soi, portée par la parole sibylline du dieu intérieur. Pandora peut être aussi, à sa manière, une image, énigmatique et troublante, un masque, une messagère ambivalente de la vérité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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