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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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2 janvier 2012

Du TEMPS VECU, et du NON-TEMPS

Nous sommes spontanément orientés vers le futur, happés par le futur. Comme dit Pascal nous espérons de vivre, et oublions de vivre le présent, qui n'est qu'un intervalle plus ou moins fâcheux. De là résulte que nous ne vivons jamais. Mais cette disposition est commune et quasi invincible, au point que ce sera un signe pathologique si le sujet ne se plie à cet usage.

Le futur c'est le temps du désir. Le Moderne, toujours enclin à valoriser le désir, y verra la condition fondamentale de l'existence : projet, anticipation, tension. Se projetant dans l'avenir, le sujet s'affirmera, par une sorte de retour à soi, comme sujet désirant, et dès lors le passé sera justifié, à son tour, comme condition du présent. De la sorte se construit une ligne temporelle, fort différente de la ligne mathématique. Ce n'est plus la succession passé, présent, futur mais la courbe rétroactive et projective futur, présent, passé, futur. Dans ce schéma le temps véritable  est toujours le futur, moment inaugural et terminal, le seul qui fait sens.

On dira que d'aucuns ont les yeux rivés sur le passé. C'est que le passé, selon un renversement tout à fait monstrueux, est devenu leur futur. Mais ne rions pas. Cette disposition est plus répandue que l'on croit, quoique dissimulée. Qui rêve d'Age d'Or, et autres fadaises, est sans doute plus passéiste que progresssite. Peut-être dans l'inconscient, n'est-il question, fondamantalement, que de retour à l'origine, de réintégration dans le Tout originaire. Selon ces vues l'humanité croyant aller vers l'avenir ne ferait que marcher à reculons. Voir là dessus le fameux pessimisme freudien et la pulsion de mort.

Il n'est de sens que par une tension entre deux pôles. Le sens, d'ordinaire, c'est la tension entre le présent et le futur, ou mieux, selon notre analyse, entre le futur et le présent. Pour d'autres, ce sera la tension entre le passé et le présent, si le passé est vécu comme futur. Mais toujours il y a tension, désir, écart, et par là, orientation et signification, donc sens. Cela satisfait notre besoin religieux, si par besoin religieux nous entendons, à la suite de Freud, la volonté de sens. Mais si nous renversons la proposition nous obtenons, pour le coup, une conséquence - renversante : sans la tension du désir, sans l'écart temporel entre futur et présent, il n' y aurait plus que le présent, ou alors il n'y a plus de temps (de temps vécu comme temps, de temporalité). Voilà qui demande réflexion!

La tradition philosophique, stoïcienne et épicurienne au premier chef, nous invite à vivre le présent, hors de l'obsession de l'avenir et de la tension désirante. Le bien souverain n'est pas dans un lointain avenir qui se dérobe à mesure mais dans le présent, donc dans l'effacement de la tension, du désir... et du sens. La plénitude de la vie est hors temps et hors sens, elle est l'unité dans le tout, conformité à la Raison universelle pour les Stoïciens, perfection de l'instant intemporel pour les Epicuriens. La béatitude est toujours d'un autre ordre que la temporalité orientée par le désir. Elle ne se peut concevoir que dans un rapport vivant à l'éternité.

C'est bien en cela que l'Antique diffère radicalement du Moderne. Le Moderne ne croit pas à l'éternité et bascule dans le désir et le non-sens du sens. L'Antique se méfie de l'histoire, de l'écume du désir et du sens, mais dans le présent sait lire la présense de l'éternité : sub specie aeternitatis.

Je ne sais qui a raison. J'étais évidemment cet enfant du désir, amoureux du futur. Je le suis de moins en moins, et presque plus. Je me surprends même, assez souvent, à vivre tout à fait hors du temps ordinaire, et social, et psychologique, m'ébattant dans je ne sais quelle prairie hors du monde et de l'histoire, au pays des Chasses Eternelles, à moins que ce soit au Jardin de Jérôme Bosch, dans la sauvagerie et la nudité de nature!

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