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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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16 novembre 2011

De la REVOLUTION ANTROPOLOGIQUE

 

                                                                   VIII

                                               DE LA REVOLUTION ANTHROPOLOGIqUE

 

 

C'est à une authentique révolution mentale, et anthroplogique, qu'il faut nous atteler, en y consacrant toutes nos capacités de pensée. La nécessité, de son côté, va nous contraindre, avec de plus en plus d'acuité, à revoir tous nos modèles de développement économique et géopolitique, dans un espace de conflits généralisés et d'urgence planétaire. Tout le monde le sait, et tout le monde recule, dans un mélange pathétique d'incertitude et d'effroi.  Il ne sert à rien de pleurer les temps passés, de gémir sur une actualité fangeuse et dangereuse, de comptabiliser les catastrophes, si on refuse plus avant de penser les fondements de notre culture, la pulsion de domination et les passions de pouvoir dans leur monstrueuse excroissance. Voilà déjà plusieurs décennies que Levi-Strauss, parmi quelques autres, avait dénoncé une idéologie conquérante, issue du monothéisme, qui justifiait l'entreprise prométhéenne de domestication de la nature au nom d'une prétendue supériorité de l'homme sur les autres créatures. "Croissez et multipliez-vous!". Mais jusqu'où? Et pourquoi? Quel sera à long terme le résultat de cet impérialisme anthropocentrique? En sommes-nous plus heureux? Plus détendus? Voici que les progrès des sciences, incontestables, et un temps bénéfiques, se retournent contre nous et menacent notre existence même. A moins qu'une minorité cynique, oublieuse de la nécessaire solidarité de l'espèce, ne sacrifie délibérément la vie des pauvres et des moins adaptés pour se doter d'une illusoire survie. Schéma catastrophe du Titanic : quelques uns sont recueillis dans les barques de sauvetage, et deux mille malheureux se noient dans les eaux glacés de l'océan. Voyez comment se creuse de nos jours le fossé de l'inégalité, à croire que c'est le fruit d'un plan concerté à l'échelle du globe.

L'humanité a connu plusieurs révolutions anthropologiques. Le passage du paléolithique au néolithique a entraîné un bouleversement total des connaissances, des techniques, des modes de vie, des relations sociales, des représentations. L'agriculture, l'industrie naissante, les techniques de guerre, la sédentarité, la concentration du pouvoir, la division en classes sociales, l'invention de l'écriture, ont déterminé des changements tels que la vie humaine a basculé dans un autre monde. Suivront les mini-révolutions techniques,  le bronze,  le fer, la roue, le gouvernail, l'horlogerie, la machine à vapeur, l'industrie à grande échelle etc. Avec le développement des sciences l'humanité entrera dans l'ère de la technoscience, et se lancera à la conquête de l'espace. Révolution industrielle, révolution cybernétique, révolution informatique. Et maintenant?

L'idéologie de notre temps reste globalement celle du développement indéfini. Quelques naïfs, à moins que ce ne soient tout au contraire des cyniques plus intelligents et plus pervers que les autres, ont inventé cette belle galéjade de "développement durable". Comme si le ressort avoué de la préc2dente idéologie n était pas de durer, et à l'infini, dans une puissance exponentielle infinie! On nous propose de durer plus blanc avec quelques aménagements anodins qui sauveraient l'essentiel du projet prométhéen. Rouler plus propre, par exemple, mais en construisant toujours plus de voitures, comme on fait de partout dans le monde! Polluer moins, mais en multipliant les autoroutes, jusque dans les derniers recoins de l'Amazonie! Réduire la consommation d'essence, mais en créant de nouvelles lignes aériennes, en généralisant les voyages touristiques, et surtout en forant sans vergogne le fond des océans, quitte à déverser des millions de tonnes de pétrole à la surface des mers! Des accidents dira-t-on. Mais la multiplication des accidents est-elle un accident?

Tout cela relève d'une logique implacable, capitalistique évidemment. Mais le capitalisme globalisé n'est sans doute que le symptôme massif d'un dérèglement fondamental, terrifiant, apocalytique de la "civilisation", elle même syndrome réactif de l'(a)-culture de notre temps - et de la psyché collective. Le drame, c'est que, entraîné dans le mouvement d'accélération vertigineuse où nous sommes, personne n'ose plus envisager une quelconque réforme, une "déclinaison" positive, un changement de cap. Il est vrai que les pseudo-alternatives marxistes n'ont fait que renforcer la tendance dominante, justifier la domination impérialiste du capitalisme mondial. Mais le "socialisme" n'a été, somme toute, qu'une version totalitaite de la même idéologie productiviste. Les différences de régime politique et culturel me semblent peu significatives, eu égard au fond structurel qui commande l'ensemble du processus.

Je ne crois, dans l'immédiat, ni aux révolutions politiques, ni aux aménagements techniques, ni aux réformettes et replâtrages. Je pense que nous sommes engagés dans une crise que n'épuisent ni les difficultés économiques, ni les incertitudes géopolitiques, ni les impasses morales. Tout cela c'est le symptôme. En deça il faut entamer une analyse généalogique : quelles sont les forces présentement au pouvoir, et dans les Etats, et dans les grandes entreprises mondiales, et dans les Eglises, les institutions, les structures administratives, les écoles, les universités, et dans les familles mêmes, et dans les individus?

Nous sommes engagés dans une révolution anthroplogique dont les signes s'accumulent sous nos yeux, que nous n'avons aucune envie de voir, qui provoquera encore de terribles conflits, de grandes catastrophes, et dont l'isssue est pour l'heure imprévisible. La nécessité presse, mais je doute qu'à elle seule, malgré son poids terrible, elle puisse provoquer le changement indispensable. Il y faudra aussi un concours de la conscience et de la volonté publiques.

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Commentaires
T
J'aime votre réflexion, Monsieur Karl, sur les formes neuves et inventives d'enseignement à créer, pour être à la hauteur de l'époque. Ou comment remettre en mouvement une réflexion pédagogique profonde qui s'est tarie depuis quelques années, au profit d'une injonction univoque à l'obéissance et aux tâches prédéterminées. Les réflexions de Jean-Louis me paraissent très justes, sur une société qui mêle la prédation à la pitié, dans une forme fausse de sollicitude et de convivialité.<br /> <br /> J'essaie présentement de monter des ateliers philosophico-littéraires avec un ami, des ateliers partant des intérêts des auditeurs pour que l'enseignement soit un travail de guidage à travers les textes (en toute modestie : il s'agit simplement d'un parcours qui essaie d'être vivant et vivifiant). La culture comme façonnement de l'âme et non comme décoration plaisante, aisément consommable. Et surtout : dans un espace véritablement public, démocratique, de discussion et d'action, au plus loin du conditionnement technocratique et bureaucratique où se perdent les élans du coeur et les aspirations profondes. Le blog " Les mains nues " http://www.lesmainsnues.centerblog.net/ se veut, pour ceux que ça intéresse, un espace démocratique de réflexion, sur la philosophie, la politique, l'art, Internet. Toutes les contributions sont les bienvenues.
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T
C'est le paradoxe d'un mouvement aventurier des sens et de l'imagination qui laisse l'esprit immobile. La conquête d'une véritable indépendance ne pouvant se réaliser que par un mouvement de recul face à cette mise à disposition généralisée des destinations, face à ces parcours pré-organisés. Le voyage cultivé exigeant des chemins de traverse où l'âme se met en jeu elle-même dans son contact avec les oeuvres et l'étranger. Ou comment sortir d'une pré-configuration capitaliste du monde, l'aliénation d'une vitesse du contact et du mouvement qui consume sans enrichir ?
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J
C'est la supériorité de notre monde moderne sur la société romaine antique. "Panem et circes" (émotions et pulsions encadrées) peut consister en rêves d'aventures médiatiques et en voyages organisés.
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T
L'esprit français est ce moment gavé de reportages d'aventure, de voyages touristiques qui entretiennent sa volonté et son illusion de fuite devant le réel de son pays. Voyages et reportages au service d'une promotion du capitalisme par lui-même, préconditionnement qui amène sans doute les catastrophes. L'image muette et oppressante pour couvrir l'exigence de la parole démocratique.
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J
On a l'impression suivante, actuellement, avec la société : <br /> Père et mère conditionnés à transmettre compulsivement les valeurs, mythes et connaissances d'un passé révolu ; conjoints conditionnés à exprimer des sentiments bourgeois de satisfaction individuelle et sociale. <br /> <br /> Mais la prise en compte, la réussite de ces conditionnements, leur adaptation au monde échouent de plus en plus. <br /> Les discours ne fonctionnent plus, l'individu triomphe avec sa subjectivité érigée en droit de l'homme tandis qu'il se confronte seul aux forces du pouvoir (voir les suicides en entreprise) et entre en conflit avec ses semblables.<br /> <br /> On a deux pôles : <br /> le pouvoir économique arbitraire, loi de la jungle, esprit de prédation et le discours social de plus en plus inspiré par la bienfaisance, le sentimentalisme et le matriarco-feminisme. (« Care », justement) à destination des demandes particulières.<br /> <br /> On a l'impression d'un modèle en bout de course.
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