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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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5 octobre 2011

De la TRAVERSEE : le proche et le lointain

Traverser c'est passer à travers, parcourir un espace jusqu'à son terme, voyager d'un bord à l'autre. Bouddha parle de la traversée du fleuve - le samsârâ - pour aborder le beau pays de la liberté. Ulysse parcourt en tous sens la Méditerrannée à la recherche d'Ithaque et de son épouse. "Heureux qui comme Ulysse...".Epicure nous enjoint de quitter les soucis et les désirs illimités pour gagner la rive de l'ataraxie. Toutes les sagesses tiennent peu ou prou un langage comparable, nous exhortant à quitter une terre de familiarité douteuse pour de nouveaux horizons.

Toute traversée implique un risque. L'abordage sur l'autre rive n'est nullement assurée. Les récits d'initiation abondent en descriptions homériques, Charybde et Scylla, Circé, Calypso, Sirènes et Lorelei de toute obédience, fascinantes et troublantes à souhait. Le héros se doit de repousser ici, de combattre là, de toujours garder tête froide et coeur invincible. Principe de sélection : hic saltus, hic veritas.

J'ai quant à moi assez peu voyagé. Mon principal parcours, si je mets de côté quelques séjours de vacances en pays méditerrannéen, fut ce trajet d'est en ouest, du nord au sud, "diagonale du fou", qui me mène de l'Alsace en Béarn, selon un axe qui semble parachever la migration historique de ma famille, qui, sur deux générations, aura traversé toute l'Europe. De l'Orient vers l'Occident, du Nord au Sud. Ce n'est pas hasard si j'évoque si souvent Hölderlin quittant sa Souabe natale pour Bordeaux, espérant renouer avec l'esprit antique. Mais si lui retourna très vite au pays, j'ai bien l'intention, moi, de demeurer ici. Ce qui est essentiel par contre, c'est l'idée selon laquelle il est nécessaire d'explorer le lointain pour retrouver le sens intime du plus proche. Et le plus proche c'est là où l'on se trouve désormais, si du moins on a réussi la véritable traversée, celle de la vérité intérieure.

Mais que signifie cette phrase qui a tout l'air d'une aimable banalité, juste bonne à faire une de ces fricassées qui engorgent les librairies? La traversée géographique n'est que le signe extérieur d'un tout autre voyage. Lorsque Goethe quitte Weimar c'est pour fuir les faux prestiges d'une cour provinciale et compassée, où son génie étouffe sous les dossiers administratifs, les petits cancans, les petites intrigues, et les amours sans perspective. Et puis, retrouver l'antique, la volupté antique, l'art antique dans cette Rome fabuleuse, riche de tant de merveilles !

    "Ah! que je me sens joyeux à Rome quand je songe à ces temps

    Où le jour grisâtre m'enserrait là haut dans le nord".

Et c'est à Rome, paillardant et vaticinant, qu'il compose ses "Elégies Romaines" à la gloire de la volupté antique, mais aussi "Iphigénie", "Le Tasse", "Egmont", les premières oeuvres significatives du classicisme allemand. 

Il faut une nécessité intérieure, impérative, absolue, indiscutable pour faire une traversée existentielle. Autrement ce n'est que voyage, divertissement. C'est à cette nécessité, à elle seule que je reconnais la volonté de vérité. A peine est-ce encore un choix, tant est violente, exclusive la parole du daïmon! Partir ou périr. Plus qu'un changement, une révolution.

Comment, dès lors, regretter ce que l'on quitte? Et même si l'on revient, comme fit Goethe à Weimar, ce n'est pas le même pays que l'on retrouve. L'ailleurs a chamboulé l'ici. Le lointain a bouleversé le proche. Ou plutôt, c'est le proche qui, maintenant, apparaît enfin comme le proche, l'intime, le véritable, débarrassé des fausses couleurs de la séduction, revivifié par le vrai. 

La traversée est une opération qui va du faux vers le vrai. Mais à quoi reconnaître le vrai? A la nécessité intérieure, que nul ne peut expliquer à autrui, et qui fait loi. Ce qu'on appelle assez confusément le sujet serait cette disposition singulière qui fait qu'un individu, toujours plus ou moins morcelé, aliéné entre des forces disparates, déchiré entre des valeurs externes intériorisées, dépasse enfin le conflit de valeurs et se révèle à lui-même dans l'affirmation d'UNE puissance dominante qui impose sa loi et organise l'ensemble selon sa logique propre.

Cela est particulièrement sensible, vérifiable dans la biographie des artistes. Un jour, un matin, ils quittent tout, et vont... Tel Gauguin pour les îles, Rimbaud "aux semelles de vent". Là où ils vont nous ne serons jamais, sauf à faire la traversée pour nous rejoindre nous-mêmes...

 

   

 

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Commentaires
C
Cher Guy ,<br /> <br /> Rien de bien original dans ma démarche d’autres se sont interrogés sur ce que peut apporter de plus l’expérience de la solitude choisie.face à la Nature .<br /> Je n’ai pas voulu articuler mon propos sur la recherche du soi ,mais cela était présent à demi mot car alors pourquoi vouloir entreprendre une traversée ?.<br /> Certes nous n’avons sans doute pas besoin de cette expérience d’ ermite pour rechercher le soi , mais je pense que vivre intensément cet isolement , ce voyage immobile dans les conditions que je propose peut être un plus à ,mes yeux. .<br /> Le rapport solitude ,liberté ,temps me passionne et maintenant le chemin se rétrécissant de jour en jour , je désirerai tenter l’expérience mais pour trouver quoi derrière la porte . ?<br /> A la manière des anciens , je veux vivre l’expérience.. La philosophie en parole est certainement nécessaire pour la réflexion mais rien ne vaut le vécu de l’expérience singulière .<br /> Si j’appuie sur la poignée de la porte que vais-je découvrir ? Que se cache-il derrière ou plutôt qui se cache derrière ?<br /> Est-on bien sur de savoir qui on est ? Nos certitudes sont bien souvent des incertitudes et nous masquent la vérité de notre être,mais elles sont cependant nécessaires .On retrouve encore Héraclite.équilibre des contraires. <br /> Le qui suis-je est selon moi en perpétuel mouvement et ce que je propose peut aider dans l’affinement de la connaissance de soi ,le véritable savoir.( le fromage est déjà gouteux en soi et peut être dégusté, mais l’affinage le rend encore meilleur…)<br /> Face à la puissance de la Nature et à ses exigences pour vivre ce moment privilégié,le lâcher prise ,le « Gelassenheit « est plus facile à vivre afin de tenter je pense ce retour vers soi .<br /> Il n’y a aucune connotation de mysticisme transcendantal dans ce désir mais simplement laisser l’affinage se « faire » .<br /> Nous ne sommes cependant que des ombres mortelles ,alors pourquoi bien souvent cet ego hypertrophié ,pour nous prouver quoi ? Mais cependant cet ego ,ce vieux moi nous colle à la peau et fut nécessaire pour nous construire : il devrait au fil du temps se dissoudre lentement pour que l’étant prenne le chemin vers la connaissance approfondie du soi .Celà ne veut pas signifier qu’il faille étouffer le moi ( il est bien présent) car alors attention quand le vent ranimera la braise…<br /> Le sage n’étant pas celui qui arrive à vivre dans la mesure ,à mi-chemin entre le moi et le soi ? Il est bien difficile de se tenir en équilibre dans cet entre deux, la ligne de crête est bien étroite et le chemin fragile <br /> Aurais-je le courage d’appuyer sur la poignée pour entreprendre ma traversée qui pourrait se transformer en tempête ou en naufrage ou en croisière certes difficile pour affronter les courants contraires et atteindre l’autre rive?<br /> <br /> Bien à vous C.G
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G
Cher Claude, voue avez la main sur la porte, mais où voulez-vous aller?<br /> je suppose que c'est du moi vers le soi. Est-ce bien cela?
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C
Oui, cette citation d'Héraclite est Belle tout simplement parce qu'elle est Vraie.<br /> <br /> Quant au fond de l'affaire, je pourrais vous écrire tous les mots de la Terre, ça ne changerait rien, on apprend que par soi-même.<br /> <br /> En réalité, il n'y a besoin d'aller nulle part pour "plonger dans le gouffre" et de toute façon, on ne décide pas de plonger dans le gouffre.<br /> <br /> La liberté ne se possède pas, elle n'est pas une expérience ; regardez tous ces pseudo-sages qui, fort d'une "expérience cosmique" ou autre "moment d'extase" cherchent à retrouver cet état coute que coute, ils ne sont pas moins ridicules que ceux qui cherchent à amasser de l'argent ou des honneurs.<br /> <br /> Mais encore une fois, je parle trop, car quoi que vous perceviez de mes mots, ça ne changera rien ;-) !<br /> <br /> La liberté, c'est quand on voit qu'on n'est jamais deux fois le même et que ça ne nous pose aucun problème, voilà la liberté.<br /> <br /> Mais j'arrête là...<br /> <br /> Bien à vous,
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C
Réponse à Cédric-Sur quelle traversée ?<br /> <br /> <br /> Je souhaite revenir sue la liberté ,point 2 de votre réponse ,ce dont je vous remercie .<br /> Bien entendu je suis d’accord avec vous , un des aspects de la liberté est le pouvoir de refus. Nous ne nous sentons jamais autant valorisé d’un choix « négatif » du pouvoir de dire non.<br /> Certes ce choix singulier peut-être réalisé sans vouloir pour autant ne rien détruire ni fuir.<br /> Mais à mon sens ,ce choix est certes noble et responsable mais cependant biaisé , car nous savons bien que tout est à portée de notre désir .<br /> Seule l’expérience choisie librement de l’isolement au monde (qui n’est je le répète ni une fuite du réel ,ni une quelconque misanthropie ) nous met en face du vide de la liberté et en même temps nous inquiète et nous obsède face au chronos ,dont nous disposons cette fois en le respirant à plein poumons <br /> .<br /> C’est en ce sens que je pense que seule cette expérience nous permet de posséder la liberté « toute nue » au risque cependant de nous perdre ,car serons nous capable de l’apprivoiser ? peut-être au risque de sombrer et de nous perdre dans le vide <br /> Pour le savoir ,il faut faire l’expérience et plonger dans le gouffre . <br /> Cette expérience de la liberté face au temps me passionne , car vous en conviendrez , nous ne pouvons pas nier cette étroite relation entre liberté et temps . <br /> Cependant , je me méfie avec l’expérience de mes certitudes ,car il n’y a rien de plus incertain que nos certitudes et je finirai comme dirait Héraclite « rien n’est permanent sauf le changement « <br /> <br /> Bien à vous CG
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C
Claude, je vous ai lu.<br /> <br /> Premièrement : vous ne ferez que ce que vous ne pourrez pas vous empêcher de faire.<br /> <br /> Deuxièmement : La liberté, c'est quand tous ces objets ( télé, ordi, portable... ) sont à portée de main, mais qu'on peut s'en passer, sans devoir les détruire ou les fuir. (Sylvain Tesson, je l'ai entendu parlé, cet homme n'est pas libre, malgré ses voyages.)<br /> <br /> Troisièmement : On ne choisit rien. Et si vous me lisez, ça ne changera rien à votre vie. :-)<br /> <br /> Bien à vous.
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