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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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6 juillet 2011

Du PHENOMENE SENSIBLE : phénoménisme rigoureux

Phaos : la lumière du soleil. Phainein: briller, apparaître. « Phainomenon » ce qui apparaît, ce qui est visible, évident. A mettre en relation avec « phantasia » : apparition, et « phantasma » : apparition, image.

Un phénoménisme rigoureux est une attitude avant d’être une doctrine. C’est, dans le renoncement à toute théorie préalable, se rendre accueillant à l’évidence de ce qui apparaît, disponible au surgissement des « choses » : je vois des arbres, des feuilles miroitantes, une allée pierreuse, un chien qui s’ébat, la lumière qui caresse les reliefs, je sens mon propre corps sentant et senti dans la profusion des éléments tout autour. C’est le premier matin, c’est la première lumière, et tout commence à cette heure, tout surgit du chaos nocturne, tout se renouvelle : « le soleil est nouveau tous les jours » et moi aussi je me découvre vivant, tout neuf et gaillard dans la première aurore.  Après la grande lessive du sommeil tout se donne à voir dans la lumière originaire, au commencement de tous les commencements. Ici, à l’orée du monde, à l’origine de toutes les apparitions, je m’origine de même dans la splendeur de l’originaire.

Dénuement, dépouillement : hors-savoir, ici, l’évidence de la sensation vraie : phénomènes de toute source, de toute multiplicité, me voici : je vous accueille, et je m’accueille moi-même vous accueillant, et je ne juge de rien : cet arbre que je vois, c’est un arbre. Cette pierre, une pierre. Et ainsi du reste : tout ce qui surgit, tout ce qui se donne à voir, à palper, à goûter, je l’accueille et le goûte. Innocence de la sensation, naissance, évidence. Plénitude de monde, profusion, certitude : tout ce qui apparaît, en quelque manière, cela est, et moi qui le sens je suis.

Dire « cela est » n’est pas dire « ce que c’est » . Le phénoméniste ne dit jamais ce que c’est. A vrai dire cette question ne le concerne pas, lui il sait ce qu’il sent, et son savoir ne va pas plus loin. « Je sais que le miel m’apparaît doux, mais je ne dis pas que le miel est doux ». Cela pourrait être un propos de Sceptique, d’ailleurs Sextus Empiricus ne dit pas autre chose, qui déclare ne rien savoir de ce que sont les choses en elles-mêmes. Mais qui pourrait statuer sur ce que sont les choses en elles-mêmes, « également in-décidables, im-maîtrisables, in-différentes » (Pyrrhon). Mais c’est encore trop dire, de dire qu’elles ne sont pas ceci ou cela. Le phénoméniste n’est pas un sceptique, ni un pyrrhonien : s’il se propose de suspendre le jugement, de rejeter toute idée sur les choses, ce n’est pas pour interroger la nature des choses quitte à les déclarer inconnaissables, c’est tout au contraire pour revenir à cette naïveté originelle, à cette « nativité » naturelle, originelle, de la confiance spontanée : ceci est un arbre, rien ne pourra suspendre cette évidence, détruire ou altérer cette certitude, sauf à détruire toute connaissance, et la certitude que j’ai d’être sentant et senti. C’est dans l’efflorescence des apparitions, et dans ma propre apparition dans le jeu universel des apparaître que je m’assure d’une vérité originaire, inébranlable.:

« Que les impressions sensibles existent accrédite la vérité des sensations ; car pour nous le fait de voir et d’entendre existe de la même manière que le fait de souffrir ».(Diogène Laerce citant Epicure)

Nul ne se demande, dans l’épreuve de la douleur, s’il souffre ou non. Pourquoi se demander si l’arbre vu est un arbre? Ne serait-ce point la marque de quelque morbidité mentale, dont l’école de la sensation, précisément, devrait nous guérir?

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Commentaires
M
"La question de l'être est une question qui est tombée dans l'oubli" n'est-ce pas ? Il nous faudra nécessairement y revenir, oui nécessairement et le débat promet ! Cela dit, je partage ton point de vue sur l'emploi du terme "pragamata", même si celui ci nous le savons, charrie un faisceau de sens et "d'essence" dans sa difficile et inextricable traduction : objets materiels, affaires humaines, choses naturelles etc..Pour autant, c'est bel et bien au coeur de cet éclatement polysémique que les "choses" apparaissent et se manifestent dans leur originarité la plus indicible en somme, dans un certain "il y a".
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G
J'aime beaucoup cet "il y a " antérieur à toute perception et idéation, sans lequel tout bascule dans le néant. C'est pour ainsi dire le minimum spéculatif qui soutient toute appréhension de "chose", en deçà de toute distinction sujet-objet.<br /> La seule réserve que je formulerai c'est au sujet de l'"être" à quoi je préfère "pragmata" : les choses, dans une radieuse et mystérieuse indétermination.<br /> Gk
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M
Du phénoménisme à la phénoménologie il n’y a qu’un pas, n’est-ce pas ? Oui, le « es gibt »se situe à la racine des choses et non du jugement, de la pensée de l’après-coup, de la structure noético-noématique qui s’avance toujours trop vite et présomptueusement. Il y a une vérité nue « à fleur des choses » qui se dévoile sans que l’on soit obligé de l’expliquer ou de la décortiquer. <br /> C’est dans un laisser-faire et laisser être que se manifeste et se déploie l’être. La Méthode ? Peut-être est-ce par l’epochè : la suspension de la thèse du monde, du jugement et par l’epistrophe : la tournure et la conversion du regard que nous sommes le mieux à même d’accueillir la présence de l’être : un retour possible sur « un soi » originaire et sur l’autre en tant que tel. Saisie d’une certaine persistance de l’être dans un monde toujours d’ores et déjà inconstant, sortie également du retrait a ( privatif) et léthé ( oubli) : Aléthéia als Un-verborgenheit
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