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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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14 juin 2011

De la LIBERTE comme SOLITUDE

Nous prétendons désirer la liberté et nous faisons tout pour la fuir.

Nous prétendons désirer le bonheur, et nous acharnons à le fuir.

"Comment réussir à échouer" demandait un auteur récent. La réponse est facile, il suffit d'observer le comportement ordinaire, en nous et hors de nous. Bien sûr, certains réusissent, mais réussissent quoi, au juste? La carrière, mais c'est au prix de la liberté. Les affaires, mais au prix de la vie intérieure. Et le reste à l'avenant. Partout j'observe à l'oeuvre une disposition à la contradiction, au morcellement. Comme s'il nous était impossible d'aller de bon pied, en agissant de manière globale, intégrative et harmonique. Un bien vient contrarier un autre. Si bien que nous allons claudiquant, boitant et contrefaits. 

Si je veux la liberté je dois accepter la solitude, car on aura beau raisonner et ratiociner, être libre c'est ne pas dépendre, ne pas prendre ses ordres chez l'autre, ne pas servir. A Michel Serres un objecteur demandait : à quoi peut bien servir la philosophie? - "A ne servir personne". Si je ne veux servir personne je découvre invinciblement que je n' ai plus de maître ni de serviteur, ni d'Eglise ni de communauté. A chacun de voir si une telle liberté mérite tant d'efforts. Si je décide d'expérimenter par moi-même, de juger par moi-même, je dois m'attendre à la condamnation et au rejet, parfois à la persécution. Aussi est-il prudent de dire comme Spinoza : "Prens garde à toi" (Cau te). 

On ne peut se tirer d'affaire dans la société qu'en pratiquant un subtil jeu d'équilibriste, une hypocrisie savante et assumée, ou, comme disait justement Lacan, d'agir le semblant. Mi-dire et mi-faire, c'est à dire peser soigneusement ses mots et ses actes, pour paraître jouer le jeu social tout en introduisant le petit écart critique, le clinamen indispensable qui fait mouche. Signaler, faire signe sans étaler, sans justifier ni parader. Juste le petit quelque chose qui dé-route, qui fait grincer la machine. Par exemple, à qui dit vouloir la liberté, lui demander en passant s'il s'en donne les moyens. En général le discours ne sert qu'à s'obnibuler soi-même, dans une sorte d'hypnose de confortation, de brouillage verbal qui évite de penser. 

Lorsqu'on a fait soi-même un certain chemin de pensée, balayant les certitudes et les faux-semblants, on s'aperçoit que les autres ne vous écoutent plus, ou, s'ils vous écoutent, qu'ils ne pensent qu'à eux-mêmes, feignant de vous entendre, mais rapportant tout propos à leur seul cas. Vous écoutez, vous êtes capables d'écoute au terme de votre expérience, mais l'autre, qui éventuellemnt se nourrit de votre propos, est parfaitement incapable de vous écouter à son tour. Vous devenez son oreille, en qui il se se rassemble lui-même. Mais vous, qu'êtes vous pour lui? Rien du tout, une oreille. Qu'est ce là sinon une grande solitude. Plus vous avancez dans l'expérience de la vérité, plus vous êtes seul. Et c'est un miracle si vous rencontrez encore une personne qui ait fait un chemein comparable, avec qui vous puissiez tout simplemnt échanger au même niveau. On peut en venir, en certains moments de lassitude extrême, à regretter la bonne névrose collective d'antan, où l'on était seul tout en croyant être au diapason avec les autres.

La grande solitude, celle que l'on sait structurale, ontologique et indépassable ne se supporte qu'à pouvoir parler avec des amis. Pour le solitaire, l'ami est un solitaire, aussi solitaire que lui, qui ne renie pas sa solitude, y reconnaissant la conditiion et la marque de la vérité. Le ciment d'une amitié véritable c'est la vérité. C'est bien ce qu'indique ce noble nom de "philo-sophie" : amitié(philia) en sagesse(sophia), sagesse de l'amitié. Le maître qui n'est plus le maître devient l'ami, le disciple qui n'est plus disciple devient l'ami, et tous deux sont amis en sagesse, sous le signe impérial de la sagesse.

La liberté est un chemin de solitude. Il serait regrettable que cette solitude débouche sur l'isolement - qui fut le drame intime de bien des penseurs, tel Schopenhauer. L'amitié n'efface pas la solitude, elle est ce qui se donne comme rencontre de deux solitudes qui se reconnaissent réciproquement comme singularité absolue sous le signe du vrai. En quoi ils peuvent échanger selon le vrai, sans se renier ni s'asservir.

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Commentaires
C
je préfère être moi même et seul, plutot que me renier pour être accepté par les autres et la société.
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J
" Si je veux la liberté je dois accepter la solitude, car on aura beau raisonner et ratiociner, être libre c'est ne pas dépendre, ne pas prendre ses ordres chez l'autre, ne pas servir. A Michel Serres un objecteur demandait : à quoi peut bien servir la philosophie? - "A ne servir personne". Si je ne veux servir personne je découvre invinciblement que je n' ai plus de maître ni de serviteur, ni d'Eglise ni de communauté. A chacun de voir si une telle liberté mérite tant d'efforts. Si je décide d'expérimenter par moi-même, de juger par moi-même, je dois m'attendre à la condamnation et au rejet, parfois à la persécution. Aussi est-il prudent de dire comme Spinoza : "Prens garde à toi" <br /> <br /> Oui, la société, dès qu'on la pense, (soi ou les autres) est nécessairement opprimante.<br /> Je découvre, en ce moment, Max Stirner. Quel génie ! (Ne pas se laisser influencer par les clichés ambiants). <br /> Donc pour illustrer mon propos en prolongeant ce philosophe, je dirais que l'idée de société repose sur le fait que nous ne sommes pas tous uniques et différents. Elle repose sur le fait qu'il existerait (comme réalité supérieure) une essence de l'homme, un Homme universel. <br /> Jusque là, rien à redire. Liberté de penser. <br /> Les choses se gâtent sérieusement lorsque les représentants de la société prétendent parler au nom de cette essence et vouloir que tout le monde se soumette à cette idée. <br /> Cela empire quand on sait, à l'évidence, que l'idée que l'on peut se faire de cette essence n'est qu'une idée personnelle, particulière, nullement universelle.<br /> <br /> Alors oui, quand on cesse de rendre un culte à cette idée, dans la vie quotidienne, on peut s'attendre à quelques ennuis.
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G
Merci, chères amies, pour ces commentaires inspirés. Juste un mot : je ne voulais en rien, dans cet article, décourager de faire l'épreuve personnelle de la liberté, mais insister sur la dimension éthique de cette entreprise, en dénonçant certaines illusions de facilité. La démarche de libération implique le courage. La solitude accompagne celui qui, courageusement, se risque à la liberté. Mais la solitude n'est pas l'esseulement. De hautes gratifications récompensent le courageux, et le chemin en vaut la peine.
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B
Il me semble qu’on ne peut envisager d’éclairer « cette illusion féconde », comme tu la nommais Guy, avec humour, sans interroger la dimension éthique. Qu’est ce que se sentir libre, s’éprouver libre pour chacun ? A quoi me sert cette liberté ? Lorsque nous regardons l’histoire et l’état de notre société, nous constatons que le mot liberté est surtout un moteur, un déclencheur d’actes créateurs mais aussi ne l’oublions pas barbares. Chacun utilise les moyens qu’il juge « vrais » pour éprouver cette liberté. <br /> Se pose ainsi l’interrogation de nos représentations, de notre rapport au réel, à notre devenir .Se pose aussi l’interrogation de notre rapport à nous mêmes, à autrui, et à toutes les espèces vivantes. Sans ce questionnement, qui fonde une éthique, nous ne pouvons que vivre dans un état de séparation, de dualité, de dispersion, de désordre .Mon histoire, l’autre, les catastrophes naturelles, m’apparaîtront alors toujours comme un frein, une entrave à ma liberté.<br /> Si par contre je choisis de faire de moi même et de ma vie une création vivante , inscrite dans un tout, donc en relation permanente avec ce tout, je ne suis plus dans une démarche passive ou réactive mais dans une démarche active ou le devenir prend tout son sens .Etre en vie, se sentir vivant , s’éprouver vivant , affirmer cette puissance de vie , l’activer et la déployer nous est naturellement donné à tous (ce qui n’implique pas que ce processus soit actif chez chacun). C’est peut être à partir de ce déploiement possible, unique et singulier dans sa forme pour chacun, de ses effets sur le monde, que nous pourrions poursuivre notre réflexion sur la liberté. Quels sont les effets de ce déploiement pour notre vie à tous, pour notre terre ? <br /> Créer, se créer, implique une recherche active des limites, des moyens. Dans cette perspective, le réel n’est plus un obstacle à combattre ou transgresser mais un espace où je pourrai composer avec mes propres limites connues et acceptées, avec des moyens correspondants à ce que je suis à un moment donné, avec autrui, et avec le monde tel qu’il est à un instant donné. Ceci dans un art de vivre et de devenir dans le respect du vivant (sous toutes ses formes) ici et maintenant. Ce processus créateur sous entend un questionnement et un mouvement de l’être dans toutes ses composantes, non pas figés mais en constante métamorphose.
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M
Cher ami, voilà un beau texte qui donne beaucoup à penser. Cette liberté que tu évoques si justement révèle un caractère quelque peu effrayant et ce, indiscutablement. Il y aurait danger à s’affirmer et comme le veut et le dit le dicton populaire ( Caute) Prenez garde à vous ou a vos risques et périls n’est-ce pas ? <br /> Pour autant, la seule chose que nous puissions librement décider est quoi faire du temps qui nous est imparti, qui nous reste à vivre. A cet effet, chacun est en droit de choisir son modus vivendi qui lui sied le mieux, qui colle à ses envies, à sa nature, à son épanouissement, à sa jouissance. Il peut certes y avoir un danger, j’en conviens, dans cette libre forme d’aspiration ou de « revendication », mais faut-il pour autant rester dans le mi-tigé, la mollesse, le « je ne sais pas encore »peut-être...que sais-je encore ?<br /> La liberté, non l’AUTONOMIE c’est aussi le courage d’être soi même, mieux, de DECIDER d’être soi même, de se donner sa propre loi et d’agir en conséquences. Certes, la solitude menaçante, embusquée sur ces chemins de traverse me guette. <br /> Et APRES ? Quelquefois, elle vaut beaucoup mieux que la "douce"compagnie de ces consciences dites « bien pensantes » et autres faux- semblants. <br /> Oui, je sais, celui qui n’a pas peur n’est pas "normal", mais cette « fichu » norme ne répond pas à grand-chose, pour ne pas dire à RIEN, pas même à ce qui constitue sa propre exception en tant que telle, en tant que norme.
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