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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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9 juin 2011

DE LA SANTE : adaptation et spiritualisation

On définit souvent la santé comme l'absence de maladie, ce qui est fort tendancieux. Remarquons d'abord que l'absence de toute affection morbide est peu probable. D'autant que la vie se dévelope par crises, et que l'absence de crises signerait une déficience du développement. La crise n'est pas une maladie, c'est une adaption qui peut réussir ou échouer. En fait la santé est indéfinissable parce que ce n'est pas un état stable, mais un processus.

Ce processus est réactif si ce sont les circonstances qui contraignent à un remaniement. Suite à un licenciement je suis bien obligé de revoir mes orientations vitales. Le processus sera actif et créatif s'il exprime une nouvelle énergie, manifeste un passage du petit vers le grand. Par exemple, renoncer en partie aux intérêts matériels pour mieux se consacrer à une tâche artistique ou humanitaire est un gain de santé, une augmentation de la puissance d'agir.

Notre médecine et notre psychologie mettent trop l'accent sur l'adaptation, qui n'est que consentement à l'inévitable. C'est ainsi que l'on décrit l'expérience de l'homme vieillissant qui est contraint de renoncer à certaines activités physiques pour préserver l'énergie  restante. La vieillesse ne serait que diminution du potentiel, amoindrissement, passage obligé du plus vers le moins. On décrit à plaisir les outrages de l'âge : rides, essouflements, baisse de la libido, pertes de mémoires et de concentration, fatigabilité, adaptabilité moindre, rétrécissement social etc - exhibant comme un phénomène de foire tel centenaire chenu et anondonte, capable, ô merveille, de sauter sa femme trois fois par jour, ou d'escalader lestement le Pic du Midi! Fort bien, mais ce n'est là qu'une exception complaisante. Quoi qu'il en soit, jamais, au grand jamais on n'envisage la vieillesse come un stade supérieur du développement. On se focalise sur les diminutions pathétiques de l'énergie externe. Mais il existe une autre énergie, qui pour advenir à son acmé, demande un long apprentissage, une formidable patience, un resserrement interne, une spiritualisation, dans le raffinement progressif, la décantation, l'épuration, l'extrème concentration. Chez nous le vieillard n'est que pitoyable, ou ridicule. Dans la Chine ancienne, et chez les Grecs il était sublime - s'il avait su vieillir en se départissant de l'accessoire, du frelaté, de l'inessentiel pour vivre selon la vérité. Lao Tseu : "Le sage diminue tous les jours", non en s'affaiblissant, mais en diminuant les intérêts externes au profit de l'"essence" - "quintessence" de l'énergie purifiée. 

Je retrouve une idée exprimée plus tôt, dans un article récent : la vérité de l'être humain ne s'atteint dans sa vérité qu'au terme d'un long parcours, comme si, égaré dans le monde et ses pompes, il fallait se resaisir, se décanter pour atteindre sur le tard la conscience aiguë de sa singularité. Tchouang Tseu estime que la spontanéité n'est pas chez l'homme adapté mais chez le vieux sage "au teint de pêche" qui a su spiritualiser l'énergie brute, dégageant enfin la quintessence de son être, l'énergie subtile qui le met en relation avec la totalité du monde.

Il ne s'agit en rien d'un processus moral ou religieux. Ni d'une séparation de l'âme qui "enverrait promener le corps"(Platon). Aucun dualisme. La spiritualisation désigne un raffinement du principe vital tel qu'il est donné par la nature, non une révolte ou un divorce. C'est l'être global, indivis, qui s'est mis en mouvement vers un "plus grand", parachevant ce que la nature a mis en nous comme virtualité processive.

Arrêtons de gémir sur la vieillesse! Révisons nos conceptions prométhéennes de la puissance! Héraclite le dit à sa manière : "Le chemin qui monte, le chemin qui descend, un seul et même chemin". On ne peut indéfiniment monter, toute ascension exige une descente. Mais la descente (en énergie externe) peut être en même temps, du même mouvement, un développement du subtil par quoi nous nous apparentons consciemment au mouvement alternatif de toute chose.

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Commentaires
T
Magnifique chronique ! Sans compter qu'avec la vieillesse et son resserrement sur l'essentiel, adieu les obligations, les nécessités du paraître, bonjour la liberté d'être, simplement être ! Une nouvelle autonomie sans compte à régler ! A mercredi sans doute...
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