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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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12 mai 2011

LA BOUCLE de la VIE : l'aller-retour


« De toutes les choses

Contemple le Retour ».



Je ne sais s’il est bien subtil d’imaginer un sens de la vie. Ni orientation a priori, ni signification intelligible. Reste l’expérience, qui seule fait loi. Je constate, toute référence suspendue, que le cours des événements intérieurs me ramène en quelque sorte au point de départ, selon une étrange courbe qui se referme sur elle-même, comme si l’originaire ne se pouvait atteindre en vérité qu’au terme d’un long processus. Je rends grâce à la vie de n’avoir pas fauché trop tôt ma puissance, lui laissant la faculté de se déployer dans une durée suffisante pour en éprouver les tardifs effets. Mourir jeune est parfois glorieux, si l’on est Achille ou Alexandre, mais c’est surtout fort dommageable à qui s’inquiète, comme je fais, de concevoir son existence dans sa durée plénière, et de connaître le fruit.

Il y a là un paradoxe : ce que je puis être, manifester et créer, je l’entrevois dans ma prime jeunesse, je le perds irrévocablement dans les années de formation (et de formatage), de conquête sociale, professionnelle et familiale. Je m’aliène inévitablement dans les nécessités et les obligations. La quarantaine est souvent cette crise où le sujet s’étonne de son parcours, se réjouit d’avoir su se faire sa place dans le monde, et, dans le même temps, souffre de s’être perdu. « Où est mon désir dans les affaires où je me noie? Où est passée ma verdeur native? Mon enthousiasme d’adolescent, ma joie de rêver, de créer, mon ardeur à aimer? Ne me suis-je pas perdu à me chercher? C’est hors de moi que je vis, alors que je devrais développer ma nature la plus intime et la plus authentique ».

La Physis première, entraînée dans les décours de l’Eros, s’est figée dans l’Anangkè (la nécessité), et moi je meurs de ma réussite même. Souvent, dans cette stase critique, c’est l’Eros qui vient au secours du malheureux : nouvel amour, nouvel espoir, nouvelle chance, et nouveau risque. Le Daïmon intérieur se révolte, brise les barrières, s’élance à de nouveaux amours, et bien souvent s’affole dans la passion destructrice (le démon de midi), ou s’éteint à jamais dans la résignation. Il est bien difficile de se tracer une route nouvelle entre Charybde et Scylla, entre l’Eros sans mesure et l‘étouffante nécessité. Pourtant c’est la seule chance du renouvellement.

Supposons que le sujet ait franchi cet obstacle : s’ouvre alors une voie royale. Libéré des attaches, des apparences, des valeurs intériorisées, des idéaux fallacieux, et capable cependant de faire sa place à la nécessité (principe de réalité), le sujet peut retrouver la spontanéité originelle de sa nature, avec le sentiment neuf de l’originaire. Ce que j’étais au plus intime de mon désir enfantin fait retour dans la fantaisie, dans cette sensation éminemment printanière, où l’âme, oui l’âme, musicale et poiétique, se met à chanter comme chante l’oiseau : par pur plaisir, sans finalité, sans intention, parce que c’est la nature de l’oiseau de chanter, comme c’est la nature du vent de bruire et de radoter.

Ici, seules conviennent les images de nature, car c’est bien la nature, dans sa diversité, dans sa splendeur végétale, son animalité, sa sauvagerie et son in-différence qui s’exprime dans l’âme, ou plutôt c’est l’âme de l’homme qui se vit et s’assume comme âme de la vaste, de l’inépuisable nature.

Une gigantesque boucle qui nous mène à l’origine, sans nous précipiter dans l’infantile de la régression, mais qui libère l‘enfantin qui toujours fut en nous, qui sut attendre longtemps, faire patience et silence, mais demeurer vierge, en attente de soi, pour une future et incertaine plénitude.

Il y faut beaucoup de chance, et tout cela peut basculer. Mais il y faut aussi une certaine intelligence intérieure, de la ténacité et du courage. Et par-dessus tout une confiance à l’égard de son propre daïmon Les Anciens avaient raison de concevoir le daïmon comme un double intérieur, un compagnon de route, un guide amical et bienfaisant, parfois traître et perfide, mais toujours à entendre même dans ses oracles sibyllins car ce qu’il dit nous concerne toujours.

« Le dieu qui est à Delphes ne montre ni ne cache, il fait signe ». Ce signe, venant du dieu intérieur, est toujours ambigu, comme sont les rêves, les oracles, et les énigmes du cœur. La sagesse, si elle existe, est d’abord une herméneutique.


 

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Commentaires
L
La valeur d'un homme réside dans la manière dont il se libère de soi même disait einstein..<br /> <br /> Et pourtant, à tout âge, l'homme se démotive, cherche à retrouver dans les passé ce qu'il aime, alors qu'en fait, ce qui le rend heureux c'est de se libérer du connu. Se confronter à l'inconnu, nous fait prendre la vie comme un jeu et nous met en joie pour longtemps...
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G
Bien entendu, il ne s'agit nullement de définir a priori un sens quelconque. Ce que je voulais marquer c'est un sentiment assez inédit (pour moi en tout cas) d'une trajectoire a posteriori, d'une recollection, ou relecture de ce qui constitue "un récit", une "identité narrative", sans doute illusoire, mais valable pour le sujet qui la fait. Evidemment, les jours qui viennent peuvent démonter tout cela, avec de nouvelles expériences. l'Ab-sens reste le régime fondamental, sur le plan métaphysique. Le sens est toujours une fragile reconstruction, mais qui peut réjouir le sujet incertain de soi et des choses.
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M
Cher Guy, merci pour ce texte magnifique, témoignage et réflexion intimes des vicissitudes de l’être, subtiles ondulations de la courbe « cyclique » d’une temporalité somme toute singulière. Pour autant, ces flexions, in-flexions, sont autant d’attitudes et modalités de l’être qui échappent me semble t-il, résolument à toute tentative exploratrice de la cogitatio sur un sens supposé ou pre-supposé de l’existence. Comment pourrais-je donner un sens ou apporter une signification quelconque à ces esquisses partielles de mon être que je perçois çà et là et dessinent certains pans de ma vie. D’aucuns diront, j’ai pourtant le privilège d’habiter mon corps, et par là même de séjourner au plus près de mon être, d’accéder aux tracés sinueux de ma propre existence, de déjouer ainsi ou de parvenir à dénouer son inextricable complexité. <br /> C’est là de toute évidence un leurre, je suis d’une certaine manière la personne la plus étrangère ( fremdländisch) à ce qui me constitue en propre , sensation du tragique et du caractère terrifiant de mon être jeté dans le monde . Curieux paradoxe de ce qui fonde mon apparente « mienneté » et qui dévoile au fond ce sentiment d’impuissance à me connaître moi même, à savoir ce que je veux, ce que je désire et ce qui me fait vivre ou vibrer.<br /> Il est probable mon cher Guy que cette cécité augmente ou faiblit au fil de la courbe du temps, celui de l’enfance, de l’adolescence, de l’adulte, enfin de la maturité. Entre temps, le « on » s’installe avec « la fameuse et célèbre crise de la quarantaine ». Mais quelles sont ses manifestations : dé-saisissement ou re-saisissement du soi ? Ni l’un ni l’autre a priori. <br /> Soyons-nous-mêmes simplement dans la vérité de l’instant, du surgissement, de l’inédit et de l’imprévisible, loin des vaines apparences, des simulacres (eidolons) et des habitudes. Quittons résolument cette temporalité répétitive de l’éternel recommencement du même, pour forger et développer notre apparaître comme mode exclusif et incisif de notre déploiement de présence. C’est là notre choix, c’est là notre force, c’est là l’expression de notre volonté de puissance active mais non réactive. Dissolution des passions tristes et autres sources possibles de tous ressentiments. L’aspiration devient RESPIRATION. L’être s’enracine, se dévoile, et se déploie dans cette saisie originaire d’un pouvoir à être au plus près et au meilleur de son être, de sa nature. Je n’ose la définir, car précisément elle reste à venir..C’est là tout l’éclat de « l’originarité », le charme de l’événementiel toujours flamboyant, toujours surprenant , celui d’un choix de vie en somme !
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