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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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10 mars 2011

Le CARACTERE c'est le DAIMON : Héraclite

Héraclite :"Ethos anthropô daïmon" : le caractère, pour l' homme, est son daïmon.- Qu'est ce que le daïmon? Dans la conception populaire le daïmon est un génie personnel, une sorte de double mystique qui accompagne l'homme tout au long de son existence. Il y aurait en somme une double identité : la persona (le masque, l"'hypocritès", l'acteur)) visible et empirique, soumis aux déterminations sociales, et d'autre part un principe immanent, un guide, un conseiller interne, un principe souverain et secret qui présiderait aux décisions, ou du moins qui les infléchirait de manière imprévisible. Socrate consultera abondamment son daïmon qui ne le guide pas vers des décisions positives mais qui interviendra pour inhiber ou condamner certaines de ses conduites. On y voulu y voir à l'oeuvre une sorte de conscience morale interdictive, préfiguration lointaine du Surmoi freudien. Tout cela est complètement étranger à la problématique héraclitéenne.

Le daïmon, c'est le caractère fondamental de la personne, sa véritable identité. Pas de dualité entre le visible et l'invisible, mais une seule manifestation d'ensemble où génie interne et caractère empirique ne sont qu'une seule et même réalité. Le caractère, somme de dispositions physiologiques et psychiques, se manifeste concrètement dans le monde, exprimant du même coup la nature du daïmon. Je suis mon daïmon, je suis l'expression sensible de mon caractère. Dans cette position de principe s'exprime une conception résolument naturaliste : mon daïmon c'est ma nature, c'est mon mode singulier de sentir, de penser et d'agir. Je suis tout à la fois, et d'un même mouvement, ma pensée, ma parole et mon acte, sans que rien ni personne puisse distinguer dans cette ensemble de forces, dans ce réseau de forces, une quelconque brisure ou cassure. Héraclite ignore nos subtiles distinctions de modes et de formes. Il voit des forces, des éléments à l'oeuvre, dans la nature globale et dans la nature de chacun des "êtres" en mouvement. Nature infiniment mobile, impermanente, fluente, mais selon une logique du déploiement, chaque "chose" emportée dans le mouvement général, mais développant sa propre force dans le mouvement universel des forces : "le même homme ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve", mais cela se signifie en rien que le mouvement soit quelconque. La mobilité n'est pas un Khaos, c'est une logique évolutive des forces en relation.

La caractère de l'homme est un ensemble de forces, plus ou moins organique et harmonique. Les uns sont esclaves, d'autres sont libres. Les uns sont des héros, d'autres des palefreniers, ou des sages. Ce qu'ils deviennent est l'expression de ces forces agissant et agies dans un contexte qui est un jeu multiple des forces en relation, avançant ensemble selon le déploiement universel du Logos, ce Feu toujours vivant qui détermine souplement le jeu de l'univers. Si le caractère est un ensemble de dispositions innées, elles s'exprimeront, ou ne s'exprimeront pas, selon les relations agissant tout autour, et interagissant avec elles. Je ne pense pas le caractère comme une détermination définitive et implacable - sinon pourquoi se soucier d'une éducation, proposer une éthique de la liberté? Toute la difficulté est de penser le caractère comme un daïmon inné, une structure dirions-nous, tout en réservant à ce caractère la liberté d'agir dans le contexte donné, d'en modifier quelque peu les rapports de force, tout en agissant selon une logique interne qui révèle et manifeste indiscutablement les tendances fondamentales. Inné ne signifie pas déterminé, mais conditionné et conditionnant.

Le miracle de la pensée héraclitéenne c'est l'alliage paradoxal du mouvement (Tout se meut, rien ne demeure identique à soi) et d'une harmonie supérieure, qui règle le cours de l'univers, lequel ne s'abîme pas dans le néant, ni le Chaos, et ne se perd pas davantage dans la dissémination infinie. Zeus conserve l'équilibre des éléments, alors même que ces éléments sont en perpétuelle mutation et échange. Le miracle c'est que l'univers "tienne", se conserve dans sa forme tout en changeant sans cesse. Mobilisme si l'on veut, mais ordre et harmonie du changement. Mouvement cyclique, paradoxal, où l'éternel retour n'est pas le retour monotone du même, mais le retour éternel d'un mouvement d'amplification et de rétractation, selon les cercles spiralés d'un mouvement infini.

Le Daïmon préside à notre destinée de mortels, il conditionne notre devenir dans les cycles du Temps, notre naissance et notre mort, non comme une substance fixe et immuable, mais comme réseau de forces en mouvement dans le mouvement universel.

De la sorte une sagesse est possible, tragique et joyeuse.

 

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